Depuis la mort de La Mère, Marie et Jean,le frère et la sœur, vivent seuls dans la grande maison des Santoire. Ils sont la 4e et dernière génération de cette grande famille de la campagne auvergnate, et les derniers représentants d'un mode de vie qui disparaît. A côté, il y a les voisins. Descendants d'une famille d'ouvriers agricoles, sans manière, ils gravissent l'échelle sociale grâce à de bons investissements, et deviennent peu à peu les nouveaux maîtres du village.
A travers les yeux de Marie, Marie-Hélène Lafon nous donne à voir de manière très juste cette transition d'un monde à l'autre, les bouleversements que la modernité a apporté à ces sociétés campagnardes figées. On est ici au point de basculement, l'écart et l'incompréhension entre les deux mondes sont immenses, et la communication impensable.

Mais au-delà de ça, elle nous montre surtout ces vies qui n'en sont pas, écrasées par le poids des traditions et une mère toute puissante. Pour Marie et Jean, rien n'évoluera jamais. Pas de mariage, pas de changement dans la maison. Changer de lit et aller dormir dans l'alcôve sera pour Marie la seule transgression qu'elle s'autorisera vis à vis de sa mère, post-mortem.
C'est un roman, et en même temps cela sonne profondément juste. Ici, Marie-Hélène Lafon donne la parole à l'un de personnages taiseux que l'on a pu croiser parfois. On pense aux profils paysans de Depardon, même si l'angle est ici romanesque, et donc forcément dramatisé.

Le personnage de Marie est poignant. Emmurée dans son silence et sa solitude, hantée par les souvenirs de son frère aîné mort d'un cancer et de sa voisine assassinée, elle est également d'une profonde lucidité quant à la stérilité de son existence, hors de la vie et hors de tout. L'envie de changement, la taraude, mais le poids des habitudes est trop fort pour qu'elle puisse réintégrer le monde des vivants.

A travers elle, ce roman nous propose une belle métaphore de l'opposition entre l'immobilité et le mouvement, la vie et le néant. Avec une écriture sans fioriture, des phrases courtes, nettes, l'auteur nous donne à voir cette réalité dans toute sa froideur et son austérité. Un très beau roman, profondément émouvant.
CathyB
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le 30 mai 2012

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CathyB

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