Long-tano
Clairement, les contempteurs du romancier français ne changeront pas d'avis avec ce bouquin : on est dans le plus pur style Grangé, avec pour héros un flic torturé, qui pourchasse un serial killer...
Par
le 24 sept. 2016
7 j'aime
24
Attention : Cette critique contient de nombreux spoilers.
Pour transmettre mon impression de ce roman de Jean-Christophe Grangé, auteur du très connu Rivières Pourpres, je me dois de vous préciser mon cheminement de lecteur dans son univers. J’ai commencé à lire des polars en lisant du Grangé, lorsque j’avais une quinzaine d’années je dirais, et j’en garde un souvenir confus et sans doute un petit biaisé, enjolivé même pour ne rien vous cacher. Je pourrais les relire bien sûr, mais n’étant pas un fervent partisan de la relecture –cette envie de découvrir des nouvelles choses- je doute de le faire un jour.
Parmi les premiers romans de Grangé que j’ai lu il y a bien sûr l’excellent Le Vol des Cigognes. Il m’a de suite acquis à la cause de Grangé. J’avais commencé avec L’empire des Loups que j’ai aimé aussi, mais celui-ci –le premier de l’auteur- est vraiment celui qui a provoqué ce basculement presque aveugle. « Grangé ? Une tuerie! »disais-je alors. Mais le temps passe...
Depuis donc, j'ai lu Grangé, méticuleusement, de Le Concile de pierre jusqu’à Kaiken. J’ai toujours aimé, globalement, mais la lassitude commence à prendre place. Pourtant, à chaque début de roman, je retrouve la patte Grangé, et je feuillette les pages avec un certain intérêt à défaut de la frénésie originelle. Peut-être le fait de les lire à intervalles séparés, et non de les enchaîner un à un. Puis il y a eu Kaiken, donc; j’avais une grosse attente sur ce roman, et son univers nippon –fan peut-être d’ailleurs romantique voire un peu naïf du Japon. Le style était toujours là –j’en parlerai plus bas- mais déjà j’avais l’impression que l’auteur se cherchait. Bref, à l’arrivée une certaine déception.
Aussi, lorsque j’entame Lontano, je m’interroge déjà sur le caractère répétitif des Grangé, et même des polars en plus général. Fort heureusement, je ne pioche pas mes lectures uniquement dans ce genre. Je conçois que cela puisse être le cas pour d’autres, et qu’ils maîtrisent sans doute mieux les codes de ces romans. Sans doute cela conditionne-t-il également l'opinion qu'ils ont des Grangé. Voilà en tout cas où j'en suis personnellement, dès l'entame du roman. Mais parlons du livre, vraiment.
Entrée dans le vif du sujet : les premières pages sont dans le plus pur style de Grangé, quoique toutefois poussées à son extrême : le ton est tranchant, sans ambiguïté, presque provocateur, mais la lecture est fluide, facile, le genre de romans qui vous transporte avec lui et qui doit en faire ainsi pour le plus grand nombre. Ce style me convient, c’est une lecture qui vide la tête, qui ne nécessite pas trop d’efforts, et ce n’est pas là que le bât blesse. Les polars de cet auteur se concentrent souvent sur des personnages sans concession, avec des vices ou des troubles clairement énoncés. Cette fois, pourtant, malaise : ces traits très francs sont appliqués à une famille entière, les Morvan. On parle de personnages caricaturaux au possible, comme s'il fallait aller encore plus loin. Un flic barbouze comme père, pétri dans ses contradictions, magouillant jusqu’en Afrique et qui bien sûr bat sa femme; un flic torturé comme aîné, violent au possible, amoureux de l’ex de son frère, qui s’efforce de gérer les affres de sa famille et « l’enquête de sa vie »; un drogué génie de la finance comme cadet qui a vécu une expérience mystique en Asie; une benjamine qui se prostitue pour obtenir des rôles ou pour s’émanciper, ou un mélange de tout cela, allez savoir; une mère effacée, enfin, qui a en fait une part d’ombre bien à elle également… vous ne trouvez pas que cela fait beaucoup ?
Mettons que ce cocktail explosif hautement improbable dans une seule famille ne vous sature pas, le caractère même des personnages et leurs histoires parallèles relèguent l’enquête policière en second plan pendant presque tout le roman. On est tellement saturés d’informations, de « lignes narratives » qu’on se demande si l’auteur ne s'est pas perdu, parce qu’il cherchait quelque chose de neuf, de différent, mais sans savoir où il allait. La double histoire de Kaiken donnait déjà un peu cette impression, d’ailleurs.
Concernant l’enquête, sur l'Homme-Clou, on a le droit aux détails poignants tout droit sortis de l’imagination toujours fertile de Grangé, et qui fonctionnent pour la plupart, mais qui ajoutent du sordide au sordide. Au bout d’un moment on se dit qu’on ne va jamais en sortir en fait… Et la fin, n’est même pas un soulagement. Il s’agit d’une fin bien écrite mais classique, que l’on peut voir arriver et qui surtout n’apporte pas de vrai bouleversement et une explication du « pourquoi » des meurtres somme toute banale. Si son écriture était un peu moins fluide, je n’aurais certainement pas terminé le roman, à vrai à dire. Surtout qu’il fait plus de 700 pages !
Néanmoins, tout n’est pas à jeter dans ce livre : on garde par exemple, des passages intéressants sur l’ethnie des Yombe et sur certaines anciennes croyances et même des pratiques actuelles. Difficile de faire la part du vrai ou du faux pour un néophyte, mais le sujet est somme toute bien traité et ne semble pas versé, là, dans la caricature. Les cadavres sont d'ailleurs directement inspirés des fétiches à clous propre à l'ethnie. On a l’impression qu'il s'agit du vrai sujet de recherche de l’écrivain, comme si tout le reste, autour, n’était qu’apparat. Un bien trop grossier apparat. On garde aussi le caractère transgressif du roman –une histoire banale n’est pas intéressante, non plus- mais il fallait se contenter d’un champ plus restreint. On appréciera aussi éventuellement la difficulté pour un homme d'actions -Grégoire Morvan, le père- à trouver sa place dans une société de bienséance et de compromis, même s'il balaie toujours très vite -trop vite?- les obstacles sur son chemin.
Au final, j’accorde la moyenne à ce livre, en souvenir de ce que représentait un Grangé pour moi, et aussi, dans l’espoir que la suite des péripéties des Morvan explique toutes ces lourdeurs. Tout ceci bien sûr, n’étant que mon humble avis.
N.B. : Puisque je n’ai pas encore lu la suite « Congo Requiem », il est possible que je revienne ici plus tard, et à la lumière de ce que j’aurais lu, que j’y fasse des modifications et très probablement que je change la note. Dans un sens ou dans un autre.
Edit : Mai 2021 : Et... c'est fait. Une longue très longue agonie littéraire. J'ai terminé Congo Requiem, et il est encore pire, ou non, je ne saurais dire. Mais c'était vraiment pas une bonne lecture. Je crois que Grangé et moi, c'est terminé.
Créée
le 20 févr. 2017
Critique lue 1.5K fois
1 j'aime
D'autres avis sur Lontano
Clairement, les contempteurs du romancier français ne changeront pas d'avis avec ce bouquin : on est dans le plus pur style Grangé, avec pour héros un flic torturé, qui pourchasse un serial killer...
Par
le 24 sept. 2016
7 j'aime
24
"Lontano"... J'en reste médusé. D'accord, l'écriture est vive, les chapitres sont courts, les relances permanentes, les dialogues nerveux... Mais les personnages sont improbables, caricaturaux à...
Par
le 1 févr. 2016
5 j'aime
2
J'ai lu tous les Grangé, et ce à peu près au fur et à mesure de leur parution. C'est une sorte de rituel, une tentative désespérée de retrouver des sensations de lectures découvertes étant gamin...
Par
le 25 nov. 2015
4 j'aime
Du même critique
Je n'ai même pas envie d'écrire une véritable critique. C'était long, un véritable calvaire, une des rares fois où j'ai hésité à finir un livre. Si vous n'avez pas suivi, j'avais fait une critique du...
Par
le 8 mai 2021
Avis : Pour une fois, j’ai écrit une "critique" très générale, SANS SPOILER, donc. Aucun risque à lire ce petit texte. Par les routes, c'est le genre de récits qui, d’habitude, par la forme comme...
Par
le 31 oct. 2019
Une logorrhée satirique jubilatoire.
Par
le 23 juil. 2019