Ce récit court, adapté au cinéma par Tavernier sous le titre Un dimanche à la campagne, est un plaisir de petites phrases qui font mouche. L'histoire est tout à fait banale : un vieux peintre académique, Monsieur Ladmiral, retiré dans une maison de banlieue, reçoit un dimanche comme un autre la visite de son fils et de sa famille, à laquelle s'ajoute cette fois de façon plus exceptionnelle l'irruption de sa fille, au milieu de la sieste des uns et des autres. Mais chaque instant, chaque geste, sont pour Pierre Bost l'occasion de découvrir la logique secrète des êtres, logique qui peut n'en sembler pas une au prime abord, tant les comportements des personnages - qui sont en fait vraiment les nôtres - vont à l'exact opposé de ce qu'une analyse raisonnable attendrait. Pierre Bost s'en amuse et guette ces moments où nous décevons la logique en choisissant justement de ne pas aimer ce qui est fait pour nous plaire et de nous enticher au contraire de ce qui heurte les principes que nous avons érigés en loi sacrée pendant toute une vie. Ces paradoxes psychologiques évoquent Proust, aîné de trente ans de Bost, et suscitent en effet le même plaisir littéraire. Cela ne fait certes pas du très modeste Monsieur Ladmiral va bientôt mourir un équivalent de la Recherche ; pour autant, il est bien regrettable que la carrière de Bost après-guerre l'ait conduit quasi-exclusivement vers le cinéma : s'il a été à une époque un des scénaristes les plus en vue du cinéma français, cette gloire est éphémère, quand sa littérature aurait peut-être mérité davantage !