Noli me tangere est le produit d'une agrégation, ou plus exactement d'une digestion d'un nombre incalculable de matériaux bruts, issus de l'art, et en premier lieu du théâtre, mais aussi de l'actualité, de la société, de la politique et de la philosophie. Ce qui en fait une pièce résolument moderne, ce que le style de l'écriture (et le jeu des acteurs dans la mise en scène de l'auteur) revendique clairement.
Pourtant, Noli me tangere, raconte, complétée par quelques fioritures, l'histoire de Salomé et de Jean-Baptiste décapité, celle-là même que Wilde a figée dans sa pièce pour la postérité. Mais au lieu de placer le focus sur le personnage de Salomé, Sivadier prend le parti d'élargir le faisceau du projecteur au contexte, aux conséquences immédiates (sociales, politiques) du sacrifice du prophète et à son inscription dans « l'histoire ». Tout en profitant de l'occasion pour saupoudrer le tout d'une réflexion sur le théâtre et la mise en scène, de clins d'oeils à la gestion politique contemporaine des crises, sans oublier quelques traits d'une peinture passablement cruelle des relations interpersonnelles.
Le texte de Sivadier révèle cependant un certain nombre de défauts que l'honnêteté force à souligner, en particulier un côté verbeux, et surtout une auto-dérision omniprésente qui est parfois un peu limite, bien que l'auteur parvienne à flirter avec la frontière sans jamais la franchir vraiment.
L'éblouissement avait été total lors de la représentation en mai 2011 au Théâtre de l'Odéon. La lecture de la pièce, sans être à la hauteur de ce ravissement est des plus agréables et donne indéniablement envie de lire et de voir plus de théâtre écrit et mis en scène par Jean-François Sivadier.