Mise à part une remarque liminaire à l'éditeur, sur l'orthographe du nom de l'auteur tour à tour Bohringer ou Borhinger (la bonne est sur la couverture représentée, mais si on ôte la jaquette, c'est l'autre, pareil en 4ème de couverture, ça change en fonction de la ligne), puis sur quelques coquilles laissées, je dois dire que ce livre m'a énormément plu, comme tous les autres de Richard Bohringer. J'aime son écriture, on a l'impression de l'entendre nous lire son texte avec ses changements de rythme, d'intensité, sa voix si reconnaissable, pleine de vie, ses emportements, ses moments de tendresse, ses pauses, tout ce qui fait de l'auteur ce type attachant à la si forte personnalité.
Les premiers rounds sont consacrés à sa jeunesse et aux maladies qu'il a contractées : cécité pendant deux ans puis scoliose sévère qui l'ont obligé à partir loin de Paris pour se faire soigner. Puis le retour, les petites conneries, puis la montée crescendo vers la dope et l'alcool. Le cinéma, le théâtre, les voyages, les rencontres masculines, ceux qui deviendront ses amis, ses proches, les rencontres féminines -la maman de Romane et la maman de ses autres enfants surtout : "C'est en Savoie que j'ai rencontré Astrid. Si jolie avec son anorak bleu dans la neige blanche. Jolie comme l'aurore derrière la montagne. Gracieuse comme une gazelle avec du bélier qui coule dans ses veines. Elle était la nature. Ça me plaisait. J'ai toujours aimé profondément la nature et elle en était un moment." (p.104)-, la recherche du père et de la mère qui l'ont laissé auprès de sa grand-mère....
Je serais trop long si je voulais aborder tous les thèmes dont parle R. Bohringer, c'est l'histoire d'une vie, de sa vie, de sa naissance à la maladie qui le ronge depuis quelques années, le cancer. Le lire, c'est l'entendre, d'autant plus qu'il s'adresse directement à nous, apaisé, sa colère transformée ou laissée de côté pour ne se souvenir que des belles choses : "J'ai soixante-quatorze ans et je tire la route avec toute l'énergie de chaque instant. Il y a des gens qui m'aiment et des gens qui ne m'aiment pas. Alors, ma quête, mon graal, mon attirail de quincailler, mes bontés et le bruit que fait ma vie, le beau et le pas beau, juste un humain, je suis juste un humain. Ça peut prendre toute la vie. C'est promis, vous qui désespérez, chers lecteurs, de devenir meilleurs, vous avez de longues années encore devant vous. Il faut juste se mettre dans l'idée ! Se préparer à son olympisme." (p. 245)
Au fil de ses ouvrages, Richard Bohringer a su construire une œuvre à part, littéraire assurément, qui lui ressemble. J'ai presque tout lu et tout aimé (seuls trois autres titres sont recensés sur le blog, les autres je les ai lus avant : Traîne pas trop sous la pluie, Les nouveaux contes de la cité perdue, C'est beau une ville la nuit). Quinze rounds est différent dans le ton, ressemblant dans la forme. Ceux qui aiment Richard Bohringer apprécieront de le voir apaisé, tranquille et auront -au moins- un pincement au cœur de le voir parler de sa mort. Ceux qui ne l'aimaient pas avant, eh bien je doute qu'ils l'aiment plus avec ce livre. Tant pis pour eux.