Maximilien Robespierre est sans conteste l’un des, si ce n’est le, personnage le plus contesté de l’Histoire de France qui en contient pourtant de pleines charrettes. Même de son vivant l’Incorruptible attisait les passions, et depuis deux siècles les historiens ne cessent de se taper dessus pour imposer son Rob perso. Paradoxe : si aujourd’hui la majorité des Historiens de la Révolution sont assez favorables au personnage (Jean-Clément Martin en tête), les journalistes (coucou Stephane Bern, salut Frank Ferrand) en dressent un portrait plus que noirâtre. J’ai le souvenir ému d’un numéro d’Historia titrant il ya quelques années « Robespierre, le psychopathe légaliste ». la nuance, combien de divisions ?
Enfin bref. L’ouvrage présent est l’œuvre de Laurent Dingli, ci-devant Docteur en Histoire, qui commit un ouvrage sur Colbert et un autre sur Louis Renault. Arrêtons-nous un instant sur ce dernier et après, promis-juré, je parle du livre. Il faut savoir que Louis Renault a eu des rapports sexuels qui ont conduit à la naissance d’un fils qui lui-même, bien des années plus tard, a également eu des rapports sexuels (quelle famille) qui conduisirent (ha, ha) à la naissance d’une fille. Qui n’est autre que l’épouse du ci-devant Docteur Dingli, dont la biographie tente de réhabiliter Renault, qui collabora joyeusement avec les Allemands, ce qui est bof Charlie.
Ce point soulevé, Robespierre.
La biographie de Dingli a au moins deux mérites : un style vif et enlevé, un peu ridicule dans l’outrance quelquefois, mais qui rend la lecture captivante, et le fait de ne pas choisir l’inévitable opposition Danton/Robespierre comme ligne de force de sa biographie.
Pour le reste, est-ce étonnant ? Dingli dresse un portrait sans concession de l’Incorruptible, décrit comme jaloux, envieux, froid, calculateur, égocentrique, paranoïaque et j’en passe. Bien sûr, Robespierre n’était pas un Saint, bien sûr son parcours n’est pas exempt d’éceuil, mais Dingli ne lui accorde aucune chance, passant son temps, au mieux, à le railler sur les points les plus absurdes (quand il critique avec férocité un poème que Rob avait commis dans sa jeunesse… Ca donne un peu l’image du type qui tape les petits dans la cour d’école, tu ne trouves pas, Laurent ?)ou à faire preuve d’une dose inouïe de mauvaise foi lorsqu’il s’insurge en mode « ahlàlà cette parano égocentrique » de la méfiance de Maximilien envers une jeune femme un peu zarb venue le voir un soir de 1794 (Recoucou Laurent, tu n’as jamais entendu parler d’un certain MARAT ?), méfiance bien placée car elle était bien venue l’assassiner.
Mais les passages qui détruisent véritablement tout le crédit historique qu’on pourrait accorder à cette biographie se divisent en deux points :
D’un côté les passages psychologisants à outrance, où l’on louvoie entre les réflexions dignes de ton pote en L1 de psycho et les passages où Dingli romance littéralement les pensées de Rob. Je cite un passage, qui se situe page 212 : « A ces mots, Maximilien se redresse sur son banc. Non ! il ne rêve pas. […] Robespierre a une illumination. Comment n’y a-t-il pas songé plus tôt ? ».
De l’autre, tous les points Godwin qui achèvent de considérer l’auteur comme un cousin caché de Stephane Bern, et dont la biographie, au lieu de paraître chez Flammarion, aurait dû se retrouver aux côtés du livre de Valérie Trierweiler pour la rigueur historique. Sans cesse comparé à Hitler ou à Staline, voire au terroristes islamistes, l’anachronisme et le ridicule de chacune de ses comparaisons achève de convaincre du profond manque de rigueur qui anime Dingli, plus soucieux de nous livrer son Robespierre fantasmé qu’un quelconque travail historique.
Je passe également sur le péris social qui transpire de nombreuses réflexions de l’auteur (le peuple est un enfant, and so on) qui auraient plus leur place dans Macron Magazine, sur sa complaisance à décrire les massacres divers, ses sources un peu datées (Gérard Walter, historien des années 60) voire obscures (Frédéric Braesch, quelqu’un ?).
Un mot toutefois sur le passage où Docteur Dingli s’intéresse à la sexualité de Robespierre, notamment ses rapports avec Eléonore Duplay, fille de son logeur. Arguant du fait qu’il fallait que Rob traverse la chambre des parents pur atteindre celle d’Eléonore, Docteur Dingli en conclut qu’il n’y avait pas eu consommation. Il ne faut jamais être tombé amoureux pour affirmer de pareilles imbécilités, ou plaquer ses propres limites sur un autre, mais notre auteur n’en est pas à une spéculation près.
Pour conclure, je laisserais la parole au Docteur Dingli himself, et cette citation issue de la page 473 : « Répétons-le, il ne s’agit nullement de prendre parti ou de se placer dans une perspective de condamnation, de plaidoyer ou de justification historique, ce qui n’aurait aucun intérêt sur le plan de la recherche. »
Effectivement.
Conseils lectures si tu veux des trucs bien sur Robespierre :
Robespierre, derniers temps, de Jean-Philippe Domecq. Sans doute la meilleure biographie de Rob.
Robespierre, de Marc Belissa et Yannick Bosc, qui s’attache à décrire la vie posthume de l’Incorruptible. Extrêmement intéressant et complet.