Dans la large constellation des oeuvres qui traitent de la crise des migrants, ce petit livre de Marielle Macé se distingue par son ton résolument érudit, abondant en références diverses, de Baudelaire à Ponge en passant par Agier ou Benjamin. Parti pris qui peut dérouter, là où beaucoup militent pour une certaine accessibilité de la problématique, voire une vulgarisation qui peut parfois être excessive et mensongère (pensons par exemple à ces nombreux auteurs qui fustigent systématiquement les passeurs, ce qui ne correspond pas à la réalité que des acteurs de terrain et des témoins ont rencontrée, où les passeurs sont souvent vus comme des alliés - cela dépend évidemment des cas - des migrants, et parfois sont eux-mêmes des migrants cherchant à réunir les fonds nécessaires pour tenter leur propre passage). Pourtant, des approches telles que celle-ci permettent de rappeler l'importance et la légitimité du sujet : ce qui se joue dans les camps, aux frontières, c'est quelque chose qui prend ses racines dans les fondamentaux de notre société et dans une actualité brûlante.
Ainsi sont passés aux cribles la jungle de Calais, le camp de migrants du quai d'Austerlitz, le collectif PEROU, et diverses autres situations de frontière et de précarité. Marielle Macé met en évidence un dédain, voire une hostilité vis-à-vis de cette précarité, déguisée en humanisme (on ne peut pas laisser des gens vivre dans de telles conditions) mais qui cache en réalité, et les faits l'ont prouvé, une volonté de déshumaniser ces espaces de vie temporaire au lieu de prendre en charge ceux qui y vivent, et de faire disparaitre, rendre invisible cette misère qu'on ne veut pas réellement résoudre.
Sidérer, considérer, c'est reconnaitre ces existences, les accepter, s'indigner aussi, admirer parfois, rester humain toujours.