Toujours en quête de nouvelles escapades au pays du polar, je découvre, au détour d'une petite fouille chez Rivages/Noir (probablement le meilleur fournisseur en la matière), un certain Christopher Cook. Place au bayou Texan, au climat orageux, à la convergence du naturel et du détraqué. Je parle aussi bien du panorama que des humains supposés le peupler. C'est dans cet épicentre que Christopher Cook trouve son mode d'expression. Il est surprenant, troublant, lancinant mais envoûtant.


Le polar est un genre qui ne déroge pas à la règle d'or établie pour tous les autres, c'est à dire qu'il n'y en a pas. Vous trouverez presque autant de manières de traiter les histoires que d'histoires elles-mêmes. À titre personnel, je suis un amoureux du polar hard-boiled pour sa capacité à brasser beaucoup de sujets sans donner l'impression d'y toucher (200, 300 pages, pas de gras, pas de frime et rideau). Puis sont arrivés James Ellroy, qui a poussé la règle dans ses retranchements avec les pavés composant sa trilogie politico-noir Underworld USA, et Don Winslow qui s'est approprié le ton pour en maculer ses thrillers, nouvelles ou fresques au pays des cartels. Deux héritiers majeurs doublés de fantastiques conteurs. En résumé, c'est un style que j'apprécie particulièrement.


Pas de ça ici.
Christopher Cook signe une épopée bien plus abstraite, souvent contemplative et spirituelle, anti-spectaculaire au possible. La question n'est pas réellement de savoir comment tout cela va finir. On s'en doute un peu. Et bien que l'aspect choral amène son auteur à quelques choix surprenants, Voleurs chemine inexorablement vers une issue plus ou moins acquise. L'intérêt de Cook se polarise autour d'un quatuor de personnages autant produits de leur environnement mortifère qu'artisans de sa triste perpétuation. Si vous vouliez de l'humour, vous en aurez les cent premières pages. Après, accrochez-vous car ça ne va pas rigoler des masses.


Le soleil cogne. On respire mal. Le smog recouvre les villes. Les raffineries/stations de pétrole tournent à plein régime. Les forêts sont mutilées par les usines de papiers. Les rentiers se frottent les mains, les industriels s'essuient les pieds sur la couche d'ozone, les policiers sont fatigués. Les brigands aussi. Comment espérer un revirement ? Au bout de combien de temps peut-on prier pour qu'il arrive ? C'est un peu le problème à ce stade. L'écrivain n'a que faire de ce qui pourrait générer de l'excitation, il semble nettement plus exalté par ce dernier round entre américains déboussolés. On le comprend, surtout qu'il a tendance à enrichir lentement ses personnages en faisant grincer la mécanique au passage. Toutefois, opter pour la langueur comme rythme de croisière peut jouer contre Voleurs, le récit ne progresse que par à coups entre plusieurs phases de stagnation. Il faut attendre les 100 dernières pages pour que les choses s'accélèrent enfin. Une impression de remplissage pas inutile mais dont l'indolence paraît exagérée. Il faut se reposer sur l'aspect psychologique pour tempérer ce problème de tempo.


Prenons Johnny Ray sur lequel le regard s'adoucit légèrement (presque une performance vu le profil du sociopathe) à mesure qu'il épaissit le nombre de feuillets. Le constat est moins flagrant pour Eddie, Della ou Rule, bien que les chapitres tendent à ajouter des nuances à leurs portraits. En majorité peu flatteurs. Mais je pense qu'une telle étude de caractère aurait marché d'avantage sur moi avec une écriture moins lourde. Cook mise sur le temps, veut faire sentir ce poids, cette fatigue à son lecteur. Il y arrive. Presque comme si l'intention était de livrer une poésie écologique macabre sur cette Amérique condamnée. Jusque dans sa prose, Cook semble livrer le tout d'un seul tenant (description, réflexions, dialogues) L'expérience rebute comme elle méduse.


J'ai beau avoir mes réserves, ça mérite d'y jeter un œil, même les deux. Jusque dans son titre, Voleurs est un peu une énigme, comme le monde qu'il dépeint. Un monde sans réponse apparente, ce qui n'empêche pas d'aimer s'y aventurer.

ConFuCkamuS
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le 12 sept. 2021

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