Je suis un grand admirateur de Peggy Sastre dont je lis toujours les ouvrages avec grand plaisir. Elle n'hésite jamais à aller à contre courant et ne cède jamais à la facilité de la mode et des discours dominants. Là où il y a trop d'émotions, elle souhaite toujours amener une dose de réflexion et de rationalité afin d'aider à la prise de recul. Cela se traduit aussi par un style direct, efficace, sans emphase, mais jamais dénué d'une petite ironie intelligente, qui fait toujours mouche.

Ce que je veux sauver est donc un livre qui étonne. Rien que par son titre où Peggy Sastre s'exprime pour une fois à la première personne. Mais l'heure était trop grave pour garder le silence. Suite au pogrom du 7 octobre 2023 au festival de musique de Réïm en Israël, et les réactions suscitées en occident, et une sorte d'effondrement moral qu'on a pu observer devant la montée de l'antisémitisme.


Alors, à quoi se rattacher ? Le refuge de Peggy Sastre, ce sont des idées, des personnes, des livres. L'Etat de droit. La société libérale. L'égalité de droits entre les sexes. Le droit de disposer de son corps. Et Peggy Sastre d'exposer ainsi tout ce qui est à sauver, selon elle. On découvre ainsi des personnages passionnants. Citons par exemple l'avocat américain Benjamin Ferencz, décédé en avril 2023 et qui n'aura pas vécu assez vieux pour voir ce massacre (mais qui à eu à poursuivre les crimes de guerre de la Seconde guerre mondiale). Peggy Sastre rend également un vibrant hommage à l'écrivain britannique, Salman Rushdie, rattrapé par la lame de les fatwa des années après sa publication, lors d'un événement dans un endroit pourtant où la liberté d'expression règne, à savoir la ville de New-York aux Etats-Unis.


On apprécie également que Peggy Sastre parle d'elle-même, de ses expériences et de sa manière d'y faire face. Notamment lorsqu'elle revient sur le viol qu'elle a subi et les injonctions de certaines militantes féministes sur la manière dont elle devrait le vire par la suite. Sur cet épisode de sa vie, elle tire un récit froid, distancié, qui ne cherche pas à tirer les larmes. Au contraire, on voit une analyse objective d'un fait social, et une revendication du fait de surmonter une telle épreuve, le d'avoir le droit d'aller bien dans sa vie par la suite, sans en porter le stigmate à perpétuité. Cette touche très personnelle et inhabituelle venant de cette auteure, rend ainsi ce livre très singulier et précieux pour le lecteur.


Ainsi, en parlant d'elle-même et des autres, Peggy Sastre parvient à faire un panorama lucide de la société occidentale en 2024. De ses forces et faiblesses. De ses progrès, de ses régressions. De ses obsessions, ses angles morts. Ses dénis. Mais surtout, de ce qu'il y a à savuer, car sinon, à quoi bon vivre ?

Andika
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le 30 oct. 2024

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