D'une manière assez ironique, ce bouquin est à peu près aussi incompris que pourrait l'être un jeune homosexuel à Hallencourt. On imagine la déception de l'auteur voyant les journalistes, picards puis parisiens, se livrer à du "fact-checking" d'oeuvre littéraire.
Un peu comme si un roman qualifié d'autobiographique devait se limiter à un catalogue de faits réels et avérés.
Comme si la véracité des faits se confondait toujours avec la vérité intime des individus.
Pourtant, les intentions de l'auteur quant au réel peuvent être comprises dès les premières phrases : "Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n'ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n'entre pas dans son système, elle le fait disparaître."

L'échec du livre - mais est-ce vraiment la faute du livre ? -, c'est de ne pas parvenir à faire totalement comprendre que ce qui importe, c'est le ressenti du narrateur.
Les faits rapportés ne sont qu'un moyen pour faire passer cet empilement troublant de toute une série de dégoûts et de honte. D'abord le dégoût que peut avoir pour lui-même celui qui est inadapté à son milieu, et qui essaie de forcer sa nature ; puis le dégoût et l'incompréhension que lui renvoie son milieu ; puis le dégoût de ce milieu, qui ne résout en rien le dégoût de soi.
Puis cette fin absurde, où le Salut semble prendre la forme d'une amputation : Edouard Louis se sentait exilé parmi les siens, et il continuera de se sentir exilé en les quittant.
Il devra cacher son passé à son milieu d'adoption, et donc une partie de lui-même.
Malgré le succès de la fuite à laquelle il aspirait, la honte succède à la honte.

C'est peut-être là la part la plus difficile à accepter pour le lecteur. Edouard Louis n'offre pas de compensation à sa souffrance. Il en raconte uniquement le terme, aussi soudain qu'incertain.
Chacun aura été le jouet de ses prédéterminations, sans vraiment les comprendre.
Firmin
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le 16 avr. 2014

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Firmin

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