J'ai toujours eu un peu de mal avec les recueils de nouvelles : à peine entré dans une histoire, un monde, paf c'est déjà fini ! Et je confesse ici mon goût pour les sagas, les livres univers, les personnages que l'on voit évoluer et pour lesquels on attend avec impatience la suite de leurs aventures et de leur vie imaginaire.
Janua Vera échappe dans une certaine mesure à ce qui n'est pas véritablement une lacune, mais plutôt une absence de conformité à mes gouts. Tout bêtement parce que les huit nouvelles qui composent le recueil prennent place dans le même monde, le vieux royaume, et présentent donc une cohérence certaine sur les plans géographique, historique et religieux. Donc le côté immersif y est indéniablement, soigneusement travaillé par l'auteur (qui n'est pas agrégé de lettres modernes pour rien) et magnifié par son excellente écriture.
Le morceau de bravoure de Janua Vera demeure tout de même "Mauvaise donne", qui fait 130 pages (presque un petit roman) et qui constitue en quelque sorte un préambule à l'exceptionnel "Gagner la guerre" (qui sortira deux ans après): le lecteur y découvre Benvenuto Gesufal, personnage d'anthologie, qui donnera toute sa mesure dans le roman sus cité. Ce dernier commençant d'ailleurs de façon un peu abrupte, tout simplement parce que l'histoire démarre en vérité dans "Mauvaise donne". A lire donc avant d'attaquer "Gagner la guerre", ne faites pas l'inverse comme moi.
Les autres nouvelles sont plus courtes, mais n'en sont pas inintéressantes pour autant : Jaworski y donne la pleine mesure de son talent de conteur, avec son style et cet humour unique. Sans en dévoiler la teneur, il y manie avec brio un ensemble de situations et de registres très divers : la farce (Jour de guigne), le romantique (le conte de Suzelle), le chevaleresque (le service des dames), la noirceur (le confident), le deuil (une offrande très précieuse)...Toujours avec une grande justesse et une humanité qui affleure sans peine derrière le cynisme du ton.