Le titre est aussi le leitmotiv du roman de Yves Gibeau.
Le roman décrit l'itinéraire d'un jeune écrivain, Michel Scalby, qui est mobilisé pendant la "drôle de guerre" dans l'Aisne de septembre 1939 à mai 1940.
Michel Scalby est enrôlé dans un régiment du "Train", chargé de la logistique de l'armée de terre. Plus précisément, Scalby est un motocycliste dont la fonction principale est de faciliter les mouvements des troupes à l'arrière du front. Le peloton auquel il appartient est installé dans des fermes ou villages habités ou parfois désertés par leurs occupants.
Il faut bien comprendre que c'est Yves Gibeau qui écrit … Le jeune écrivain Scalby, sans aucune ambiguïté, pense comme Gibeau. Ou plutôt Gibeau laisse filtrer son antimilitarisme à travers son personnage.
Pour qui a lu "Allons z'enfants", on sait que Yves Gibeau vivra toute sa vie avec un énorme passif qu'il porte depuis ses années d'enfant de troupe.
D'un côté, il décrit minutieusement cette vie de casernement faite de contraintes et de mesquineries de la part de ses camarades ou des chefs. Mais aussi de lâchetés liées à une certaine impunité où les militaires s'estiment des droits au pillage et n'hésitent pas à se lâcher : "la guerre, c'est la guerre".
De l'autre, il observe les modes de fonctionnement de cette armée. Certains chefs ont gagné leurs galons à la précédente guerre et sont proprement imbuvables et pleins de mépris ; d'autres chefs n'ont pas connu la guerre mais sont tout aussi imbuvables et pleins de mépris pour la troupe. L'ensemble fonctionne cahin-caha grâce aux sanctions et punitions qui tombent dru. Certains gradés, qui sont dans une position de soumission dans le civil, profitent de leurs galons pour se découvrir une âme de chef (et de petit dictateur). La vie militaire modifie les perceptions et les comportements. Mais comme on dit, la guerre c'est la guerre.
Comme souvent chez Gibeau, le style est très plaisant car chargé d'un fort second degré et d'une ironie mordante. Il ne critique pas, non, il observe et décrit les comportements des uns et des autres. À charge pour le lecteur d'en apprécier toute la saveur.
Nul doute que Gibeau n'a guère eu de difficultés à trouver l'inspiration pour mettre en scène ses personnages. La vie militaire ou plutôt son expérience de la chose militaire est un énorme et inépuisable réservoir pour trouver les bons spécimens ou les bonnes anecdotes. D'autant qu'il parle en toute connaissance de cause puisqu'il vécut cette "drôle de guerre" avant d'être fait prisonnier en 1940.