L'auteur nous offre une biographie romancée de Rudolf Höß (son nom sera changé en Lang dans l'ouvrage), commandant en chef des camps de concentrations d'Auschwitz-Birkenau. Enfant, il est tyrannisé par un père qui le pousse dans la voie de la religion pour expier ses propres fautes, n'utilisant jamais la violence directe, celui-ci traumatise sa famille par des violences morales plus subtiles. Rudolf développe des troubles du comportement, des manies. Il ressent le besoin fondamental de suivre des ordres, sinon sa vie est vide. Cependant, il n'a aucune envie de devenir prêtre comme son père le souhaite, rêvant d'une carrière militaire comme le reste des hommes de la famille. Un incident va le pousser d'avantage dans la rébellion, en chahutant avec un camarade d'école, ce dernier glisse dans la neige et se casse la jambe. Rudolf se confesse aussitôt et l'évènement arrive aux oreilles de son père. Se croyant trahi par l'ecclésiastique, il perd la foi, même quand son ami blessé lui avoue que c'est son père qui s'est plaint de lui. Il ne redeviendra jamais croyant. Heureusement, le patriarche tyrannique a les poumons fragiles et succombe durant la quinzième année du narrateur. Il se retrouve donc dans une ambiance de liberté toute neuve, dans une Allemagne en guerre, son seul désir est de s'engager, il fugue plusieurs fois pour se battre au front, mais il est très vite ramené à la maison trahi par ses jeunes traits. Il va travailler auprès des officiers blessés en attendant l'âge légal, là, il est repéré par le chef d'une troupe de dragons qui se prend d'amitié pour lui et l'envoie au front. Il fait preuve d'un courage frôlant l'inconscience et à même pas seize ans est décoré de la croix de fer. C'est alors que commence l'ascension vertigineuse qui le mènera aux devants de la scène, quand Himmler lui même le chargera de trouver une solution pour l'extermination juive à Auschwitz.

Encore un livre à côté duquel je suis passée à l'époque où j'essayais de comprendre la Shoah, au début de mon adolescence. Il est d'ailleurs évoqué par l'adolescent de Kafka et le rivage. L'auteur a l'intelligence d'écrire son roman sans s'impliquer à un seul moment, laissant les personnages plus ou moins réels évoluer d'eux-mêmes. Les débats se font au sein même de la famille de Rudolf, dans son esprit, parmi ses soldats, et à son procès. Libre au lecteur de penser ce qu'il lui plait des actes de Rudlof et bien sûr d'en être horrifiés, nous sommes humains, pour la plupart. Le livre commence comme certains romans initiatiques, Rousseau, Hesse, je me suis vite dit, ouais d'accord, on va nous servir la carte du déterminisme, Rudlof est traumatisé par son père alors il devient méchant, mais Merle est beaucoup plus subtil. Rudolf tente de se défendre en disant que si il n'avait pas exécuté tout ces juifs, quelqu'un d'autre l'aurait fait à sa place, il fait partie de ces personnes qui se sentent obligées de suivre les ordres. Quand il a connu le chômage, il n'a jamais été aussi malheureux parce que sa vie était vaine, il a besoin d'un emploi au sens strict, quel qu'il soit. Il ne se sentait pas responsable puisqu'il ne faisait que faire ce qu'on lui disait, une fois qu'Himmler est mort, il s'est senti abandonné. Il a par contre assumé la responsabilité de ses deux millions et demi de morts, comme il le précise devant ses juges. Un personnage pareil, d'autant qu'il a existé fait froid dans le dos, ses plus grands soucis étaient plus de savoir comment contenter Himmler à temps que des remords de tuer des femmes et des enfants. Ce livre est enrichissant, il ne va pas jusqu'au voyeurisme malsain, tout en nous donnant des détails intéressant sur la Shoah et ses auteurs, il ne tombe pas non plus dans l'insupportable mélodrame complaisant qui est tellement à la mode ces derniers temps. Un excellent complément à ma lecture du Liseur. Je le recommande aux esprits ouverts.
Diothyme
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le 29 mai 2011

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