Fourbe d'Ender
Les humains, ces patates, se sont fait botter le cul par des Doryphores, et ne sont parvenus à repousser ces nuisibles de l'espace qu'au prix de grands sacrifices. Histoire de se prémunir contre une...
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le 3 mars 2011
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Dans les immensités paisibles de l'océan de la littérature SF, ce livre est comparable à un maelström : à partir du moment où on l'ouvre et jusqu'à la toute fin, impossible de relever la tête : on est irrémédiablement entraîné par le courant, vers le fond.
Dès le moment où on retire son moniteur à Ender, c'est nous qui prenons sa place, et aucun des faits et gestes du gamin-génie (GG) ne nous sera épargné. Et il sera impossible de détacher ses yeux du bouquin, qui jamais n'aura autant ressemblé à un écran, ensorceleur et captivant. Le rythme est parfaitement maîtrisé, enchaînement en apparence infini de scènes à couper le souffle, entrecoupé des quelques moments de répit, judicieusement placés, que nous fournissent Valentine, Peter, et le jeu.
Tout va très vite, trop vite, si bien qu'on n'a pas le temps de s'arrêter pour réfléchir à la taille des ficelles utilisées par l'auteur : Ender est quand-même une machine à produire de l'empathie, gamin de 6 ans solitaire, troisième d'une fratrie qui n'aurait dû en comporter que deux, manipulé par tous ces adultes qui font en sorte de l'isoler, et ne cessent de poser des obstacles sur son chemin. 6 ans quand-même putain. Moi à 6 ans j'avais du mal à pédaler sans roulettes.
Mais peu importe, pas le temps de s'en préoccuper, le courant nous a déjà amené plus loin. Au fur et à mesure qu'Ender se montre de plus en plus ingénieux et surhumain (dans ses rapports sociaux notamment, nous qui pensions que tout être surdoué devait forcément être un inadapté social), l'empathie cède à l'admiration. Une admiration teintée de jalousie quand-même, qu'est-ce qu'on aurait aimé enfiler la combinaison du Dragon pour aller poutrer ces prétentieux de Salamandres, vieux rêve de gosse. Mais bon au fond on le sait, qu'on se serait fait bouffer par Bonzo.
Et encore une fois, tout va trop vite. Pas le temps de se demander si Ender n'a pas reçu un petit coup de pouce de tonton Orson, qui à chaque fois lui fournit une situation difficile seulement pour voir notre cœur suspendre sa respiration (oui c'est possible), et le faire s'en sortir plus grand qu'avant. Et ça marche dix fois, sans problème.
Jusqu'à la dernière de ces situations difficiles. On s'en doutait un peu, hein, mais qu'il est délicieux ce twist final. Et c'est à ce moment, découvrant l'ampleur de la manipulation, qu'on tombe vraiment amoureux d'Ender. Et puis ces trente dernières pages, loin de la niaiserie habituelle, d'une grande beauté, non sans mélancolie.
Ce roman, avec son suspense et son style accrocheur (de qualité au passage), nous prend aux tripes comme le feraient un Harry Potter ou un Hunger Games. Il paraîtrait même aussi simple, avec le gentil héros prépubère, dernier espoir de son peuple, qui va aller combattre les méchants ennemis. C'est, notamment, un peu simple pour du space opera. Mais dans les recoins de son tourbillon, il révèle des richesses inespérées, et échappe à de nombreux écueils inhérents à ce genre de littérature.
Il est loin d'être manichéen : Ender au final ne vaut pas mieux que Peter... Et la trop gentille Valentine se ferait aisément marcher dessus par les doryphores. Et puis, Ender a-t-il raison de se battre contre les doryphores ? Le livre pose ces questions et d'autres.
Et, aussi surprenant que cela puisse paraître, entre toutes les scènes d'éducation à la dure d'Ender, ce livre se révèle aussi contemplatif, dans le jeu. Ces nains construisant un village dans le squelette d'un géant, ces loups dans l'aire de jeux, ce trou de souris, le scénario se serait contenté de beaucoup plus simple. Mais ces moments de répit, entre surréalisme et symbolisme, sont livrés à l'interprétation du lecteur, qui y attachera les émotions et images qu'il voudra. On pense notamment aux Pays des Merveilles d'Alice. C'est selon moi une des forces du livre, qui l'empêche de tomber dans le bête roman d'aventure alimentaire.
Enfin, on saluera l'esprit visionnaire d'Orson Scott Card, qui en 1985 avait déjà imaginé toutes les conséquences d'Internet sur la vie politique, et notamment les réseaux sociaux. En lisant ce livre, on pense à Anonymous ou à Maître Eolas par exemple.
Mais nous voilà déjà au fond du maelström, tout en bas : la porte de l'ennemi.
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Créée
le 1 sept. 2013
Modifiée
le 1 sept. 2013
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