Le contenu de l'ouvrage date de 1978 ce qui se ressent dans certains passages.
Néanmoins le propos central est intéressant : la notion de marché qui inquiète ou séduit tant les personnes n'est pas qu'un simple mécanisme économique d'allocation des ressources. Il apparaît porteur d'une ambition d'organisation de la société civile se posant en concurrent du projet démocratique. Le marché est alors le régulateur de la société qui devient elle-même une société de marché. Cette vision d'une telle société est appelée le libéralisme utopique par l'auteur. Elle trouve ses racines dans la vision développée par A. Smith afin de répondre au problème d'institution et de régulation de la société qui était présent à son époque et dont la philosophie politique d'alors (Hobbes, Rousseau, Pufendorf, Locke...) n'arrivait pas à résoudre de manière pleinement satisfaisante. La vision smithienne de la société de marché n'est pourtant qu'une ébauche, elle sera prolongée par Paine ou Godwin notamment avec les notions de simplicité politique et de réduction du gouvernement. C'est donc un véritable dépérissement de la politique qui est à l'oeuvre, l'utopie libérale atteignant son apogée, selon l'auteur, chez Marx avec sa vision du communisme comme une "société de marché pure", de pur commerce entre les hommes. Le libéralisme utopique du 18ème de même que le socialisme utopique du 19ème seraient donc des frères qui s'ignorent.
La thèse est intéressante même si certaines réductions, contradictions sont à l'oeuvre dans cet ouvrage : la pensée de Smith est parfois caricaturée de même qu'Hobbes répond de fait au problème de régulation (via la mise en oeuvre de l'absolutisme) et d'institution de la société (par le pacte de soumission) (ce que note Rosanvallon) alors même que l'auteur le classe parmi les théoriciens du pacte social dont la caractéristique était de ne pas avoir pu répondre à la question de la régulation de la société.