John Kaimon, vagabond américain reconnaissable à son pull à l’effigie de Faulkner, a traîné sa bosse à travers tout le pays. Un matin, il se retrouve sur une plage de Floride et assiste à un entraînement des « addicts du calme », une secte de karatékas illuminés, sous la férule de leur gourou, Belt. Parmi eux, une jeune femme féroce et gracieuse, répondant au nom de Gaye Nell Odell, tape immédiatement dans l’œil de John Kaimon. Après avoir été mis à l’épreuve au cours d’une longue course sous le cagnard – dont il sort exsangue et vomissant ses tripes – John Kaimon est adoubé par le maître. À lui la vie de karatéka : discipline de fer, méditation, entraînements sauvages dans le fond d’une piscine abandonnée, repas insipides, etc. Il y rencontre toute une faune biscornue, parmi lesquels Lazarus, fan de publicité qui se récite les slogans des grandes marques comme des prières, et un vieux karatéka borgne, banni par Belt à cause de son goût pour les enfants, et qui s’entraîne la nuit en secret.
Peu à peu, John Kaimon se transforme. Il rase sa barbe et ses cheveux longs, et s’endurcit considérablement. Même le viol qu’il subit dans une boîte queer de Miami, alors qu’il est rendu impuissant par ses poings brisés, ne parvient pas à l’entamer ; il se met même à entraîner toute une bande de travestis au fond de la piscine, parmi lesquels Marvin et George, ses deux violeurs désormais subjugués par son charisme. À ce rythme, John Kaimon devient vite le chouchou du maître, mais la situation dégénère quand Gaye Nell Odell lui apprend qu’elle est enceinte de lui….


Une sorte de manga de kung-fu dans un univers burlesque et trash. Tout marche à merveille : le cadre du motel, avec sa cour craquelée, sa piscine vide, la route nationale qui passe à proximité ; la psychologie des personnages, à la fois très convenue et très fine ; la galerie de personnages, tous plus loufoques les uns que les autres ; l’humour décapant qui parcourt le texte, écrit en phrases percutantes et bien ciselées ; et enfin, l’espèce de quête spirituelle qui anime John Kaimon, insufflant à ce roman toute sa tension narrative.
On est pris par l’histoire, tant grâce à son écriture, qu’à son cadre et aux enjeux psychologiques de son personnage principal, John Kaimon. Dans ce récit virtuose, on se sent de bout en bout en présence d’un narrateur qui maîtrise parfaitement son sujet et mène son histoire – et le lecteur avec – à la perfection.


Une chose est sûre : il faut redécouvrir Harry Crews de toute urgence.

Peter_Saras
10
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le 7 mars 2020

Critique lue 75 fois

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