Wake me up
Fort heuresement beaucoup plus court que la "La faute de l’abbé Mouret", ce "Le Rêve" semble faire partie des livres où Zola s'offre une petite pause dans son oeuvre pour répondre à ses détracteurs...
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le 11 oct. 2016
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Avec son seizième tome des Rougon-Macquart, Emile Zola entend réaliser un exercice de style pour répondre aux critiques négatives. On l'accuse de ne pas faire de psychologie, de ne pas se soucier des belles âmes et des magnifiques envolées intérieures. On l'accuse de vouloir forcément s'intéresser aux luttes ouvrières. On l'accuse de ne rien comprendre à la beauté de la religion. Zola entend prouver à tous ces gens qu'ils se trompent. Ainsi, c'est bien l'exercice plus que l'histoire qui guide le Rêve.
Angélique, fille de Sidonie Rougon, est une enfant abandonnée qui après avoir erré via quelques familles, se retrouve chez les Huberts, famille sans enfant de tisserands spécialisés dans les chasubles sacrés. Ils l'adoptent et vont transformer l'enfant sauvage en jeune fille douce, humble et vivant loin du monde extérieure.
Angélique, à force de lecture de la Légende Dorée finit par se créer un rêve : un jour un homme riche, puissant, beau viendra l'épouser et ils s'aimeront dès le premier regard. Le rêve se réalise dans la personne de Félicien. Les deux vont alors se découvrir et s'aimer d'un amour pur et parfait et les obstacles ne seront que passagers car Angélique dans sa douce fragilité et faiblesse, pleinement remise entre les mains des puissances supérieures, ne peut qu'obtenir le rêve qu'elle a fait.
C'est un des romans les plus doux de Zola. Très court et très facile d'accès on regrettera cependant que quelque part on quitte Zola. Même les critiques de Zola l'ont bien compris, même ceux qui n'aiment pas Zola lui reconnaissent qu'il est meilleur dans sa nature réelle que dans l'exercice qu'il s'est donnée ici avec le Rêve.
Ainsi Anatole France dira-t-il « Et s'il fallait absolument choisir, à M. Zola ailé je préférerais encore M. Zola à quatre pattes. Le naturel, voyez-vous, a un charme inimitable et l'on ne saurait plaire si l'on n'est plus soi-même ». Jules Lemaître dira de même « la conclusion, c'est que j'aime mieux tout, même la Terre. Au moins, la Terre c'était franc et c'était harmonieux ».
En effet, nous avons ici une histoire très fausse, très artificielle dans un imaginaire mystique que Zola semble bien peu critiquer. S'il sépare avec talent et brio le monde réel, le monde de la vie, son monde à lui d'un monde supra-religieux et mystique, cela n'aide pas pour autant à remplir l'ouvrage. On appréciera le propos intellectuel dans une sorte de critique du christianisme proche de la critique du platonisme que fait Nietzsche dans la même période historique.
On notera surtout que Zola a bien du mal à offrir ce dans lequel il brille le plus : les descriptions sont finalement très transparentes et manquent de cette vie. Le décors n'est qu'un décors, vide de vie car vide de réalité. Et en cela on tombe dans une histoire sans histoire, dans un récit de détail métaphysiques mais faux.
Cet amour si puissant, si vrai, se conclut par être quelque chose de bien faux quand on replace le propos dans l'ensemble de l'oeuvre de Zola.
On a donc ce sentiment tout le long d'un Zola se forçant à écrire des personnages auquel lui-même ne croit pas. Si on appréciera la subtilité de la critique en arrière-plan, on regrettera d'avoir perdu l'action typique de l'auteur, les descriptions profondes qu'il fait si bien.
C'est un Zola rendant un devoir d'école que nous avons. Un devoir bien fait et forcément somptueux en terme de langue mais qui est loin de révéler la toute puissance de l'auteur.
Créée
le 1 sept. 2019
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