Vous avez aimé le film ? Oubliez-le si vous voulez apprécier le livre !

J'ai eu beaucoup de mal à décider quelle note j'allais attribuer à "Les Fils de l'Homme". D'instinct, en finissant le livre il y a une dizaine de jours je partais sur un 5. Une note sévère qui exprimait ma déception de ne pas avoir "lu le film". Il faut dire que la couverture étant celle de l'affiche du film d'A. Cuaron, j'ai été induit en erreur. J'attendais le film et j'ai eu autre chose. Par analogie et pour clarifier ma pensée, c'est comme si vous étiez fan de "La communauté de l'anneau" de P. Jackson et qu'en lisant la version de Tolkien vous réalisiez que 80% du livre se concentrait sur la vie dans la Contée et que directement après on embrayait sur la scène de bravoure de Boromir et puis fini. What the Fuck ?!? Elle est passée où la formation de la Communauté chez Elrond ? Et la mine de la Moria !?

Eh bien dans "Les Fils de l'Homme" c'est pareil.

D'un autre coté quand après le premier tiers du livre on est toujours entrain de lire le journal intime de Theo Faron qui nous explique qu'il s'amusait bien avec son cousin quand ils étaient gosses, j'aurais dû me douter que ça sentait tout doucement le sapin pour les plans-séquences que j'attendais...

Bon j’exagère un peu...Le journal intime contient certes un paquet de blabla totalement inutile MAIS il permet à Theo, le narrateur et héros du livre, de nous présenter et de décrire en détails l'univers si particulier du livre. A la fin du XXe siècle, l'humanité découvre qu'elle est devenue stérile. Tous les espoirs reposent sur la génération Oméga, celle des bébés nés au débuts des années 90. Malheureusement elle n'échappe pas à ce maux qui signe purement et simplement l'extinction de la race humaine.

Dans le film, on comprenait rapidement les enjeux mais ici on a le temps de s'y attarder et c'est une bonne chose. Theo est un professeur d'Histoire brillant et il est doté d'un esprit d'analyse affuté. Ses commentaires et ses descriptions de la société sont vraiment intéressantes. Ils mettent en lumière les travers de l'être humain qui sont apparus et pour qui aime les réflexions dans les romans d’anticipation c'est réellement savoureux à lire. J'ai trouvé ça intéressant de constater qu'en l'absence de procréation les gens avaient perdu gout pour le sexe alors qu'on aurait eu tendance à penser que les Hommes seraient devenus de vrais lapins. Il n'en est rien. Le tissu social se désagrège et la population est morose.

Ainsi, le suicide de masse des personnes âgées est encadré par l'état. Les femmes trimballent des poucettes avec des poupées en porcelaine en guise de nourrisson. La religion comme on la connaît a disparu. Des baptêmes sont organisés pour la naissance de chatons dans le but de sacraliser un nouvel être et ce même s'il n'est pas humain. Des exemples d'évolution (/dérive) de cette trempe il y en a énormément dans le livre et c'est selon moi là que réside sa force et son intérêt.

Une fois qu'on s'est habitué au journal intime il est un peu déroutant de retourner à une narration "normale" orientée action. Enfin, "action" est un bien grand mot et on pourrait comparer le teneur en péripéties à celle de 1984 de G. Orwell. C'est donc pas la fête de la testostérone et des explosions à tout-va. Theo va rencontrer la jolie Julian qui va le mettre en relation avec son groupe révolutionnaire. Ces derniers attendent de lui qu'il transmette leurs revendication à son cousin qui n'est autre que le Gouverneur du Royaume-Uni. De fil en aiguille (je vous passe les détails, vous les connaîtrez en lisant le livre) Theo va se retrouver en fuite avec les révolutionnaires car Julian est enceinte et elle veut que son enfant naisse libre et loin du Gouverneur qu'elle considère être un tyran sans foi ni loi.

Cette partie "action" est sympa, sans plus. Elle s'enchaîne plutôt bien mais il n'y a pas de quoi tourner les pages fébrilement car happé dans le récit. C'est correct.

Je consacre le paragraphe qui suit aux différences qu'il y a avec le film. Il n'y a pas vraiment de spoiler mais si vous voulez absolument garder la découverte des choses qu'on retrouve (ou pas) intacte alors abstenez de le lire et passez directement au paragraphe suivant qui fait office de conclusion.
(ceci est valable aussi pour ceux qui n'ont pas (encore !!!) vu le film)

Dans le film, c'était Kee qui était enceinte et non Julian. Julian(ne Moore) était l'ex femme de Theo et son contact avec la résistance des Poissons. Dans le livre, l'ex femme de Theo et Julian sont donc deux personnages distincts. Le personnage de Jasper Palmer qui était (magistralement) interprété par Michael Caine est présent mais n'a plus rien d'un hippie accro au cannabis. Reste sa lubie pour la sécurité. On retrouve ici et là des personnages comme Luke ou Miriam mais dans le livre ils jouent un rôle bien différent. Les sauvages du film sont décrits dans le livre et gagnent en épaisseur. Ce ne sont pas juste des marginaux qui vivent dans les bois. Enfin le camp de Bexhill (qui donne lieu à un plan-séquence que je trouve magnifique) est remplacé par l'île de Man qui ne sera qu'abordée dans le roman de P.D. James.

Alfonso Cuaron a donc librement interprété le roman de P.D. James. Il a pioché ici et là des éléments du livre et les a remixés à sa guise. Bien lui en a pris car je considère ce film comme l'un des meilleurs représentants du genre SF post année 2000. Mais si le livre vous intéresse, oubliez le film et ses plans-séquences. J'ai eu beaucoup de mal à le faire au début mais avec du recul je considère ce livre comme une bonne référence de la littérature d'anticipation. L'intrigue est vraiment sympa et l'univers dépeint a quelque chose de fascinant. Je pense même qu'il peut apporter de l'épaisseur au background du film. Donc au final c'est un livre que je conseille. Que vous connaissiez le film ou non.

Et cela va sans dire mais si vous n'avez toujours pas vu le film (dont j'ai beaucoup parlé dans ce billet) alors foncez ! Il vaut vraiment le coup d'oeil !
MarlBourreau
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le 17 juin 2014

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