J’ai bien des fois essayé d’expliquer pourquoi ce livre me plaisait autant, mais sans succès. J’ai un mal fou à mettre le doigt sur les raisons qui en font un de mes livres préférés, et plus encore à les formuler. La suite de cette critique est une tentative, je demande donc votre indulgence (et espère piquer votre curiosité pour que vous veniez à mon aide).
L’histoire de Scout Finch se situe dans une petite ville perdue au fin fond de l’Alabama dans les années 1930 où les habitants périssent d’ennui. Il s’agit d’un roman à la première personne, du point de vue d’une enfant de huit ans, et le récit naïf de Scout donne à ses propos une ironie féroce. Ses raisonnements directs et son interprétation des événements autour d’elle m’ont fait pousser des éclats de rire, ou bien ressentir une pression intenable.
La première partie du livre relate les jeux et rituels quotidiens de Scout et son frère Jem, définissant leur relation avec leur père Atticus et leurs voisins. Le père, avocat, élève seul ses enfants avec l’aide de la domestique noire. Une des maisons voisines abrite un mystérieux personnage, Boo Radley, dont l’histoire ressemble à toutes celles que les enfants se racontent pour se faire peur. Ce dernier, que l'on n'a pas vu depuis des années, est bien sûr l’auteur de tous les petits méfaits du village et cristallise les légendes les plus folles aux yeux des enfants (dont manger des écureuils et des chats crus). Dans les années 1930, l’Alabama est un Etat où les paysans sont pauvres et couverts d’hypothèques, et payent leur avocat en bois de chauffage et en sacs de noix, ou leur docteur en sacs de pommes de terre.
La seconde partie du roman réfère au procès qui va changer la vie de Scout et Jem. Atticus est commis d’office pour défendre un Noir, accusé de viol sur une Blanche issue d'une famille à la réputation très douteuse. A la grande surprise et indignation de la population, Atticus entend défendre ce Noir pour de bon. Il devient donc « l’ami des nègres » et ses enfants sont en pleine ligne de mire des sarcasmes, du mépris et même de l’agressivité des habitants.
Le récit du procès vous empêche de refermer le livre. Je n’en donne pas l’issue, mais le jugement amène des bouleversements majeurs dans la vie de Scout et Jem. L’action est finement ciselée et le coup de théâtre de la fin, où tout – la moindre conséquence - s’éclaire, relève du génie.
En terminant le bouquin, j’ai immédiatement regretté que Harper Lee n’ait pas écrit d’autres livres. Le style et l’action correspondent exactement à ce que je préfère dans un roman. L’état d’esprit de l’Amérique blanche et la situation noire dans les années 1930 sont décrits avec une neutralité saisissante. Le questionnement sur le racisme et la ségrégation via le regard de Scout est à la fois subtil et puissant.