Voilà un grand cru de Philippe Delerm car New York sans New York est un recueil de pensées qui se télescopent et s’alimentent pour décrire un état de faits: on peut apprécier des réalités de la ville américaine sans y avoir poser ses semelles.Grâce à l’art, au cinéma et aux livres, Philippe Delerm esquisse donc ses visions sensorielles, intellectuelles ou psychologiques d’une New-York qu’il devine, jauge, appréhende. C’est tout l’intérêt de ce livre plus onirique que concret, plus envisagé que vécu. Néanmoins, Philippe Delerm a des intentions séduisantes, d’une certaine justesse sur New-York où il n’ira jamais. J’ai beaucoup aimé son honnêteté intellectuelle sur le fait qu’il ne goûte pas au New-York vécu par des écrivains aussi opposés que Georges Simenon ou Paul Auster et ainsi lire un Delerm plus affûté sur la critique que par son sens, cependant inégalable, de l’observation. C’est aussi le fait de revendiquer la connaissance de New-York par une appropriation bien personnelle, que balisée par des incontournables, qui rend New-York sans New-York aussi inédit qu’attachant. C’est le troisième livre de Philippe Delerm que je lis et c’est celui que je trouve le plus abouti en terme d’écriture, d’évocations mesurées sans rechercher des effets particuliers. Philippe Delerm propose son New-York comme une invitation, une ballade où le lecteur suit son conscient/inconscient d’écrivain et peut en retirer une moelle évocatrice sans non plus l’identification à un collectif commun d’idées ou de ressentis. C’est remarquable et je me dis qu’à soixante dix ans passés, Delerm a indéniablement trouvé avec ce livre une sorte d’affranchissement littéraire où ses idées naviguent en toute indépendance d’esprit , et encore plus qu’auparavant. Vivez cette expérience littéraire sans hésitation car elle vous montre une facette de Philippe Delerm que vous n’auriez pas pensé envisager. Et de vous voir finalement opiner comme lui sur l’idée même de caresser un rêve, c’est mieux que la réalité.