Persuasion s’ouvre sur une présentation des personnages gravitant autour d’Anne Elliott, personnage principal qui apparaît tout de suite en retrait. On est rapidement confrontés aux conséquences de son histoire d’amour passée, dont elle ne se remet pas. Son amie Lady Russell l’a persuadé, sept ans auparavant, d’annuler ses fiançailles avec Frederick Wentworth, par prudence. Mais les années passent et Anne perd sa jeunesse, sa fraîcheur, sa gaieté, constate son décalage avec sa famille, et qu’elle aurait finalement été plus heureuse avec l’homme qu’elle a aimé, et ne peut oublier.
Le retour tant attendu de Wentworth constituerait un moyen d’enfin accéder au bonheur. Mais comme Anne, les années passées n’ont pas mis fin à ses sentiments, et la seule solution qu’il a trouvé pour les gérer est le ressentiment. C’est pourquoi il l’ignore, estime ne pas avoir de désir de la revoir en dehors d’une « curiosité naturelle » et affirme vouloir se marier à n’importe quelle femme entre quinze et trente ans, possédant à un esprit fort, uni à une grande douceur. N’importe quelle femme, tant que ce n’est pas Anne Elliot, qui aurait perdu son pouvoir sur lui.
Mais on constate tout le long du livre qu’il n’en est rien ; Anne Elliot occupe toutes ses pensées, et aucune autre femme ne le satisferait. Et il en est de même dans l’autre sens. Le personnage de Wentworth me parait très humain, encore heurté par leur séparation, et par conséquent totalement aveuglé.
J’ai trouvé la communication entre Anne et Frederick écrite de manière assez brillante. Verbalement, ils interagissent finalement peu ensemble. Lorsque c'est le cas, leurs échanges sont subtils, porteurs d'une signification qu'eux seuls comprennent, à l'image du "un homme ne doit pas guérir, et ne guérit pas d'une affection pour une telle femme" dans lequel Wentworth parle bien plus de lui-même que de Benwick.
Leur communication se fait par les regards, les gestes, et surtout à travers les autres personnages. Ces derniers, sans le savoir, font bien souvent référence à l'histoire passée de nos deux protagonistes, ce qui les torture.
Tout vient la leur rappeler et raviver leurs sentiments. Les différents couples que l'on rencontre font écho à leur propre histoire : Sophie et l'Admiral Croft forment le couple qu'auraient pu former Anne et Frederick s'ils s'étaient mariés, tout comme Harville et sa femme. La triste histoire de Benwick et Fanny se rapproche d'eux dans cette absence de mariage, mais met en avant la chance qu'ont les deux amoureux de se retrouver, vivants.
Le chemin est semé d'embûches pour qu'ils puissent enfin trouver le bonheur, mais j'ai eu plaisir à les voir surmonter le poids du passé, leurs obligations liés à leur entourage.
Il y a quelque chose de puissant dans les sentiments que les deux se portent, et que dire de cette sublime déclaration d'amour qui surpasse à mon sens, toutes celles que l'on peut trouver chez Austen.
" You pierce my soul. I am half agony, half hope. Tell me not that I am too late, that such precious feelings are gone for ever. I offer myself to you again with a heart even more your own than when you almost broke it, eight years and a half ago. Dare not say that man forgets sooner than woman, that his love has an earlier death. I have loved none but you. Unjust I may have been, weak and resentful I have been, but never inconstant. You alone have brought me to Bath. For you alone, I think and plan."