Quand on commence un livre de Despentes, on sait que ça va être pâteux. Qu'on a délibérément mis les mains dans la bouillie. Que des fois, on va se demander pourquoi on continue à se faire mal, pourquoi on ne peut pas s'arrêter de lire ces mots si acerbes, de se prendre ces petites claques qui te font regarder autour de toi et te questionner sur le bordel ambiant. Avec Vernon Subutex, Despentes trouve un équilibre que je ne lui avait jamais lu avant, dans mes lectures d'adolescentes. On sent l'auteur pleinement aux commandes de son histoire, parfaitement à l'aise avec sa très grande galerie de personnages qui lui permet de se glisser sans cesse dans une nouvelle peau, de constamment retourner de nouvelles pierres pour regarder grouiller ce qu'il y a dessous. Vernon Subutex regorge de passages très durs et très crus, mais aussi de moments extrêmement simples et émouvants. Le fil se tend dès les premières pages, les allées et venues entre Vernon et ses congénères sont réglées à la perfection, ça défile ; on est spectateur de la fameuse "comédie humaine" de Despentes, le visage collé contre la vitre, entre curiosité malsaine et totale fascination. Je n'ai pas grand chose à dire de négatif, Subutex est un livre entier, Despentes fait ce qu'elle a en tête, jusqu'au bout, sans concession. Je ne peux qu'admirer cette intégrité.