22 mai 1885, Victor Hugo vient de mourir. Judith Perrignon dresse un portrait très réaliste de la société française et nous montre toute l’agitation que provoque la mort d’un grand homme. On assiste à l’effervescence des funérailles, mais aussi aux nombreuses divisions et débats qui émergent : où enterrer le poète ? où faire passer le cortège funèbre ? comment rendre un hommage fidèle ? Le roman reste centré sur la mort de Victor Hugo et ce qu’elle provoque, mais le fait que l’auteure ne s’attache à aucun narrateur en particulier, nous permet d’avoir un aperçu global des ressentiments et des opinions des français.
J’ai aimé suivre les pensées des différents protagonistes, car si certains portaient Victor Hugo dans leur coeur, ce n’est pas le cas pour tous, et certains vont vouloir utiliser cette mort dans un but bien personnel. Par exemple, un certain policier va trouver cette mort bénéfique car elle lui permettra de monter en grade…
Ce livre oscille entre biographie et fiction : on sent que l’auteure s’est extrêmement bien documentée, mais elle rajoute son grain de sel en imaginant les pensées et les dialogues des protagonistes.
J’en ai appris beaucoup sur les contemporains de Victor Hugo (tels que les journalistes Lockroy, Lissagaray…). Tant de personnes qui ont bel et bien existé (et à moindre mesure, marqué leur temps), mais dont je ne connaissais rien. J’ai énormément apprécié en apprendre autant en une seule lecture! Au fil des pages, on suit le cheminement de leurs pensées et on apprend à les connaitre, à les admirer (et pour d’autres, à les détester). Une nation entière pleure son poète. La lecture de ce livre m’a permis de comprendre l’importance symbolique de l’oeuvre de Victor Hugo pour la classe ouvrière - symbole d’espoir pour certains et de lutte pour d’autres. La mort du poète sera un peu comme une blessure dont le siècle ne guérira jamais vraiment.
Le plus grand atout de ce livre est la plume de l’auteure dont je suis tout de suite tombée sous le charme. Elle est vraiment à couper le souffle. Judith Perrignon a un talent certain pour conter des faits graves avec poésie et de façon saisissante : j’ai eu l’impression de voir les évènements se dérouler comme si j’y étais : d’assister à la lente agonie de Victor Hugo, aux funérailles… J’ai été saisie de tristesse à la mort du poète, et j’ai d’ailleurs versé quelques larmes. Mais j’ai aussi été révoltée contre le pouvoir en place qui ne permet pas aux ouvriers qui travaillent d’assister au cortège funèbre. L’auteure use de longues phrases qui freinent un peu le rythme du récit, mais qui nous transportent avec facilité au coeur du XIXème siècle. C’est un style certes particulier, mais très imagé et poétique.
On savoure ce livre - on le lit doucement, page après page, en goûtant la beauté d’une tournure ou d’une image.