Hollywood est un endroit curieux, érigé sur une drôle de frontière qui sépare la naissance de tant de mythes fondateurs, et la mort de tant d’autres, disparus, engloutis. Derrière les longues avenues vides et tristes de Los Angeles se cachent ici et là, un grand studio de cinéma qui oeuvre chaque jour à construire le rêve. Reste alors l’impression d’un lieu où, la production rationalisée du rêve durable côtoie toujours la froideur, la peur de l’oublie, en bref un lieu de lutte permanente dans lequel vivre est synonyme de survivre.
Si Sega Bodega nous avait toujours habitué à une musique déstructurée, dans laquelle les mélodies texturées se confondent avec une chorale de voix mystérieuses, polymorphes, (cf Mimi) Salv Goes To Holywood est un accomplissement en soi. La voix nébuleuse de Sega Bodega ouvre le morceau, elle chantonne un message sibyllin, brouillé par des interférences étranges. Bientôt, la rythmique intervient de manière brutale, elle est à la fois précise et désorganisée, elle rompt le caractère répétitif de la structure vocale. Alors que la basse sourde accompagne la voix, les interférences se multiplient, s’imposent contre la voix jusqu’à guider maintenant la dynamique du morceau, elles triomphent. Au terme d’une première minute intense, digne d’une scène de course poursuite folle, à la réalisation impeccable d’un film de studio (la tentative d’assassinat de Cary Grant par un avion dans North by Northwest), une mélodie au piano ajoute une nouvelle couleur à la chanson. Le décor sombre jusqu’à présent dépeint est envahi par une sorte de lumière inattendue, un souffle de chaleur. Ensuite, le morceau se construit comme une séance de brasse au milieu d’un lac à l’eau trouble. Il faut plonger sous l’eau pour brasser, et sortir la tête hors de l’eau pour reprendre son souffle et se diriger. Sega Bodega s’amuse d’un jeu avec les frontières, la mélodie est toujours menacée par une anti-mélodie abrupte, irascible.
Dans ce nouveau single, Sega Bodega fait d’Hollywood un endroit divisé dans lequel l’angoisse courtise avec l’extase. Le caractère bruital désincarné de sa musique épouse parfaitement une mélodie légère et entêtante.

reyk
7
Écrit par

Créée

le 17 janv. 2020

Critique lue 27 fois

1 j'aime

reyk

Écrit par

Critique lue 27 fois

1

Du même critique

Faute d'amour
reyk
8

Faute d'amour, faute de transmission

Au temps de la Russie communiste, la famille est un symbole d'état. Le père, la mère et les enfants représentent la pérennité du système, l'accomplissement divin. Le motif de la famille est...

Par

le 14 mai 2020

3 j'aime

Blackout
reyk
8

Blackout, réflexion sur le statut de pop-star

Nul ne l’ignore, lorsque Blackout paraît en 2007, Britney Spears n’est plus seulement une pop star internationale, elle est une icône qui incarne la décadence du star-mania. Son image hante tous les...

Par

le 20 déc. 2019

3 j'aime

1