Une question de maturité

Life : très  fin, beaucoup de solitude, de délicatesse et beaucoup,  beaucoup de non dits dans les rapports humains, la série pose le problème de la gestion des flux divers dans 1 service public hospitalier,  sujet d'actualité compte tenu des paradigmes mondiaux libéraux. Où se trouve la mesure dans ce pays entre devoir et raison? Pouvoir et devoir, pour chaque individu ? Mais plus avant, entre l'intérêt collectif et l'intérêt individuel ?
En toile de fond, les détournements qui gangrènent les valeurs  collectives, les agrègent aux intérêts particuliers. La Corée du Sud a connu plusieurs scandales de corruption, particulièrement depuis 1 vingtaine d'années, raison pour laquelle le sujet est quasi omniprésent dans les séries cela a même causé la démission de la présidente de la République en 2017.
Le pays , en apparente autarcie géographique, est au confluent des influences occidentales et orientales. Il est principalement chrétien même si le confucianisme régit avant tout les rapports sociaux et rend essentiel le respect des supérieurs (raison de la corruptionpour les spécialistescomme J. Morillo) .  Mais il est aussi bouddhiste , d'où une certaine nonchalance face aux comportements sociaux.
Le chéondoisme, religion nationale qui est proche de la Franc- Maçonnerie, recherche avant tout le paradis sur terre, mais catholicisme et culpabilité, qui induisent une volonté de dépassement de soi vers l'autre, reprennent la conception bouddhiste et la valorisation du karma. Le retard industriel au début du 20e siècle à aussi trempé l'âme paisible des coréens d'un fond de rouerie propice à l'entourloupe, il fautse débrouiller en pays conquis par les voisins japonais).  On n'est pas forcé de savoir tout cela mais on est bien dans la même merde qu'eux aujourd'hui,  au croisement des chemins idéologiques.
A preuve un article du professeur Sicard du 30 mars 2020 sur la réorganisation hospitalière en France  anté covid, et les choix cornéliens entre les secteurs rentables et ceux à rentabiliser, la chirurgie esthétique ou la pédiatrie...

Cho Seung-woo (stranger) président de l'hôpital, machiavélique, froid, détaché, empathique mais jamais sympathique mène sa propre barque et s'adapte entre 1 supérieur cauteleux et des subalternes révoltés, il a sa propre croix. Il se révèle plus humain et plus  soucieux de l'intérêt collectif, de justice, que prévu, sans se départir de sa froideur (ep.3). Au fur et à mesure des épisodes il se dégèle partiellement, à la flamme de son idéal qui se révèle plus humaniste qu'humanitaire."est ce vraiment 1 crétin malfaisant? "S'interroge 1 second rôle, ou va t il, lui aussi, laisser la vie transpercer sa cuirasse? L'histoire le révèle en vrai héros, seul vraiment au fait des réalités et enjeux. On perçoit l'âme profonde du réalisateur de Stranger qui met en scène des personnages qui regardent le monde avec objectivité pour mieux cacher leur chaos intérieur, le désordre de ces émotions qui les rendent humains,  trop humains comme dirait Nietzsche.
Les fonctions sont très importantes, même entre amis, voire entre intimes on se donne 1 titre, y compris hors du travail (ep.2 etc..) le mari de la mère est identifié comme tel par son beau fils (ep.5) non par son prénom, cette distanciation fait partie de l'espace que l'on se préservé face aux autres. C'est 1 constante des séries coréennes, mais ici, où l'action se passe beaucoup aux urgences de l'hôpital, cela revêt un caractère salutaire, il en va de la santé mentale des intervenants, se réfugier dans l'ombre d'un titre pour éviter les coups, les coûts, émotionnels.

L'honneur et le mépris sont des termes récurrents.  L'image de soi est omniprésente, il me semble que ce n'est pas par hasard que Mao a décrété qu'une image valait mieux que 1000 mots, l'Asie a conservé,  comme la Russie, une conception de l'image très prégnante ( sur la Russie voir les îcones). En fait, " Tout le monde arbore un visage public et porte un masque" (Morris West). Est ce pour cela que les coréens ont été si prompts à porter des masques pour contrer la pandémie? C'est surtout semble t-il, parce que les sourires de façade masquent les rictus de haine que cette société convenue empêche de montrer.

Lee Dong-wook héros bienveillant, beau médecin  taciturne, victime de phénomènes para schizophréniques depuis son enfance (ep. 4 et suivants), du fait d'un accident qui a tué son père  et rendu son frère handicapé, et le font vivre à la fois avec 1 frère tel qu'il aurait pu être et tel qu'il est, est rebelle face aux objectifs strictement financiers et gestionnaires du président.Il incarne un beau héros ténébreux, aux yeux à l'occidentale, qui s'efface derrière sa cause,  trop intellectuel pour  répondre à l'amour de ses proches, (ep. 5) il a évolué vers une sorte d'autarcie mentale depuis l'accident et se révèle d'autant plus sensible aux femmes quand l'une d'elle perce sa cuirasse d'apparente indifférence. Mais il reste intransigeant dans son travail avec la vérité. "Ne pouvez-vous pas fermer un peu les yeux, penser aux patients ?" Lui demande son chef de service  (ep.12). "C'est ce que je croyais faire" pense-t-il, ils pensent différemment, l'un fait déjà des compromis avec le monde, l'autre ne le peut pas encore " le clou qui dépasse est voué à se faire enfoncer" déplore le chef de service.

Beaucoup plus de demi teinte qu'il n'y paraît, les personnages sont souvent sujets à des impulsions contraires, à l'image de la vie, nous sommes multiples dans nos facettes et compliqués par nos complexes et contradictions. La série est juste parce qu'elle le souligne tout en nous poussant vers notre essence, résoudre nos contradictions pour grandir, en nous dépassant, en sublimant notre quête intime, nous qui nous croyons perdus, en nous mêmes, en allant vers l'autre pour nous retrouver . Il s'agit plus du chéondoîsme, ce syncrétisme coréen des religions que d'un souci d'identité.

La  Série rappelle que les médecins sont justes humains,  Que la médecine n'est pas une science exacte, et qu'ils font ce qu'ils peuvent alors qu'on attend de qu'il fasse ce qu'ils doivent toujours.Ils sont humains malgré eux, dès lors qu'ils ont à cœur de se dépasser.
On s'épuise un peu entre les épisodes 6 et 9, sans totalement perdre de vue la question du bien public dans une société capitaliste tendance corrompue, mais 1 corruption qui se cache de plus en plus derrière le masque des apparences. Pourquoi  le monde ne change pas? hurle 1 journaliste (ep. 11).

Il n'y a pas énormément d'action et de ce fait les histoires connexes, annexes, aussi belles et tristes qu'elles puissent être, accrrochent moins, sans être fausses, seule demeure l'interrogation : que faire de l'hôpital si nous ne changeons pas nos valeurs ?

Tous les personnages principaux sont tragiques car tous légitimes dans leur vérité, et la vérité reste un bien inaliénable dans un pays où tout s'achète,  mais sa divulgation n'est pas sans conséquences. .