Osmosis
5.1
Osmosis

Série Netflix (2019)

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On n'est pas encore sur une totale osmose (saison 1)

Le 29 mars 2019, sortait sur Netflix la première saison de la série « Osmosis », remake de la web-série éponyme diffusée en 2015 par Arte, un petit programme composé de dix épisodes de 7 minutes. Le projet est mené par Audrey Fouché, coscénariste sur la sympathique série française « Les Revenants ». Produit par CAPA Drama et Netflix, ce dernier est également estampillé du label origine Hexagone afin de diversifier le catalogue francophone de la plateforme américaine après l'échec cuisant de « Marseille » et la douche tiède provoquée par l'insignifiant « Plan Cœur ». Malgré des erreurs et des éléments améliorables, la nouvelle série d'anticipation française n'est pas sans rien nous proposer.


Dans un premier temps, « Osmosis » offre, de par les nombreuses thématiques évoquées, matière à réflexions sur divers sujets tels que l'amour, les rencontres, les relations intraspécifiques humaines, la psychologie de l'individu, l'intelligence artificielle, la technologie et sa place au sein de notre société... Sans non plus rentrer dans les détails, le propos de la série dispose tout de même d'une certaine texture thématique dans laquelle un spectateur avéré pourra y piocher des problématiques sur lesquelles réfléchir :
« Est-il possible, statistiquement, qu'une personne puisse être mon âme sœur ? Mais qu'est-ce qu'une âme sœur ? Est-ce quelque chose en lien avec l'amour ? Qu'adviendrait-il si deux âmes sœurs étaient amenées à se rencontrer spontanément ? Comment réagirais-je ? Est-ce que l'amour ne serait pas en réalité le fruit d'un heureux hasard et non le résultat d'une action prédéterminée ? Comment la technologie pourrait-elle prendre part à tout cela ? Le peut-elle seulement ? Quelles en sont les conséquences ? N'est-il pas dangereux de donner des émotions à une IA ? » etc. Des idées qui ne sont pas nouvelles, qui furent déjà exploitées, mais qui ne perdent pas d'intérêt au vu de l'actualité en Occident.


La série apporte également un regard sur l'économie de l'amour avec tout un jeu d'influence entre entrepreneurs, public, autorités gouvernementales, militants, investisseurs etc. A partir de cela, d'autres questions en lien avec l'actualité peuvent être posées sur notre relation avec d'autres entités, quelles soient réelles ou conceptuelles - car oui, aujourd'hui la technologie et certaines sociétés privées de services sont perçues par le grand public comme des entités avec lesquelles on peut interagir, il suffit par exemple d'observer l'engouement, l'argent et le temps que ces mêmes personnes consacrent à des entreprises privées faussement identifiées comme étant des « réseaux sociaux » ou des « applications de rencontre ».


Malgré tout, ces axes thématiques ne sont pas concrètement développés par la série, ils constituent un élément du décor et ne sont qu'évoqués, libres d'évoluer au gré des spéculations des spectateurs. L'intérêt des scénaristes et réalisateurs se concentre sur l'aspect dramatique qui encadre deux groupes de personnages : les Vanhove (à l'origine du projet Osmosis) et leurs proches ; les bêta-testeurs et leurs proches. Tout un arc narratif est développé autour de la dérangeante famille Vanhove, liant inextricablement chaque membre dans une tourmente à la fois personnelle et collective, où chacun est rongé par ses regrets, ses rêves, ses espoirs et désespérances propres. Le malaise familial est sublimé par un jeu d'acteur adéquat. Agathe Bonitzer, dans le rôle d'Esther Vanhove, reste de marbre et affiche un visage froid, glaçant, sans émotion apparente - ce qui n'est pas l'exercice le plus simple, contrairement à ce que l'on pourrait croire -... ce qui est tout à fait compréhensible lorsqu'on en apprend davantage sur ce personnage, son évolution et sa construction psychologique. Le frère, Paul (joué par Hugo Becker), semble être totalement perdu et démontre une certaine bipolarité dans son comportement - tantôt calme, confiant et maître de ses actions, tantôt impulsif, désordonné et émotif - qui peut être interprétée comme la conséquence de son malêtre, causé par le contexte familial notamment.


Malheureusement, l'alchimie entre les personnages ne fonctionne pas pour tous, et tous les acteurs ne sont pas au même niveau. Si parmi les trois principaux bêta-testeurs, les personnages de Niels et Lucas, leur psychologie et leurs interactions sociales présentent un réel intérêt, le duo Ana/Simon est un échec. L'écriture des personnages reste approximative, leur relation ne tient pas la route et n'expose que très peu de crédibilité, l'évolution de leurs interactions est grotesque, poussive et non constructive pour l'ensemble de l'intrigue. Un couple de personnages infructueux qui nuit légèrement à l'ensemble en accaparant du temps qui pourrait être mieux exploité en développant d'autres détails.


De manière générale, la série arbore un certain réalisme que l'on pourrait qualifier de précision à la française. En effet, nombreux sont les éléments qui nous sont montrés avec un regard crédible et potentiel : la psychologie des individus, les interactions entre les personnages, les comportements et émotions de ces derniers, les décors, les dialogues... En opposition à ce que l'on peut lire, les acteurs ne sont pas théâtraux, ils ont même tendance à ne pas parfaitement articuler dans la plupart des scènes. Ils sont justes et ne font qu'employer un français tout simplement correct, ce qui perturbe les spectateurs habitués à utiliser et à entendre un français médiocre et gangréné par d'immondes anglicismes venus d'outre Atlantique. Les personnages semblent plutôt réalistes, humains, ainsi que leurs actions qui pourraient tout à fait être vécues par de vraies personnes. Tout ce qu'il se passe possède un caractère probable, jusque dans la gestion de l'entreprise Osmosis et de son projet, où l'on apprend par exemple que le personnage de Lucas est considéré comme étant la marge d'erreur dans le protocole scientifique de la société, qui prend donc la peine de nous exposer les différentes variables de l'expérience.


Bien entendu, tout n'est pas parfait, il y a encore des éléments largement perfectibles. Le scénario laisse parfois suggérer un manque de fluidité dans l'évolution narrative, il y a quelques facilités d'écriture qui se manifestent par des actions manquant de naturel qui semblent avoir été provoquées pour faire avancer le cours du récit. A certains moments, l'action n'a pas lieu d'être et dénote avec l'ambiance globale assez réaliste, comme le coup du message audiovisuel destiné à Ana, mais vu par Simon, qui va semer la discorde dans leur duo. Cela n'aurait jamais dû arriver, c'est tout bonnement impossible sur le plan technique. Parfois aussi, des actions surviennent sans avoir grande conséquence et n'apportent rien à l'histoire. Je pense également à une séquence assez ridicule qui aurait mérité d'être supprimée ou modifiée (lorsque l'avatar de l'IA prénommée Martin gémit à Esther qu'il a été infecté par un virus informatique). De petits détails éparses qui font que dans son ensemble la série est loin d'être parfaite malgré son potentiel indiscutable.


Du côté de la réalisation, la série est filmée de manière assez sobre, ce qui peut paraître un peu plat mais n'entre pas en contradiction avec l'ambiance et l'esthétique épurées et sophistiquées qui transpirent un réalisme à la française à travers un parti pris très classique. Classique dans son approche de la réalisation, dans le respect de certaines normes qui caractérisent le cinéma français. Sans rien révolutionner, l'image est plutôt belle, lisible, sans fioriture. Les décors sont assez simples et témoignent peut-être d'un manque de budget mais ce n'est pas dramatique. Concernant la photographie, la plus grande partie de la série est filmée de manière très nette avec une esthétique, comme dit précédemment, sobre mais léchée. Nombreuses sont les séquences tournées en intérieur, dans des espaces parfois réduits, avec une luminosité assez faible et des néons apportant des touches de couleurs ça et là ; ce qui, une fois encore, peut sembler fade ou attester d'un petit budget mais ne dénote pas avec l'ambiance générale. Les séquences filmées dans le noir, personnages nus en lévitation, avec des plans sensés montrer l'univers de l'osmose entre deux âmes sœurs sont assez intéressantes et constituent un choix de réalisation assez personnel. La bande originale est simple mais très efficace, sur des sonorités technos assez contemporaines, avec un thème principal - assez sympathique, qui reste en tête - qui accompagne très bien certaines scènes chargées en émotions (notamment la fuite de Niels et Claire).


Ce n'est pas irréprochable. La série comporte des éléments franchement perfectibles. Peut-être y a-t-il un manque de budget ? Tous les acteurs ne délivrent pas une performance du même calibre. Tous les personnages ne sont pas aussi intéressants. Le duo Ana/Simon a tout particulièrement du mal à exister sur l'écran. Le scénario demanderait davantage de rigueur à certains moments afin de fluidifier la narration, son évolution et les actions qui la composent. Chaque action doit avoir un impact sur le déroulement de la narration, chaque action doit avoir une cause et une conséquence pour un univers qui soit parfaitement réaliste et cohérent. Certains plans ou détails posent problème et devraient être corrigés (l'avatar de l'IA qui mime l'attaque d'un virus, le message audiovisuel sur la tablette d' Ana, le plan final qui est coupé de manière très hasardeuse sans que cela ne veuille rien signifier...). La série devrait peut-être se forger une identité plus forte à travers une réalisation plus personnelle. Peut-être devrait-elle aussi développer davantage les thématiques qu'elle aborde et parfois mettre l'accent sur le rythme de la narration...


Néanmoins, « Osmosis » est dans l'ensemble plus que correcte. L'intrigue n'est pas dénuée d'intérêt, bien au contraire. La réalisation est nette, sans bavure, sauf exception pour la dernière séquence qui manque clairement de maîtrise et dont le cut final, absolument aléatoire, n'a aucune signification. Il s'agit d'une série d'anticipation française très prometteuse qui se laisse regarder aisément et qui a quelque chose à nous montrer. Il s'agit là du genre de projet qu'il faut encourager, bien plus audacieux et soigné que la plupart des programmes formatés que l'on nous propose. Dans l'attente d'une deuxième saison qui, espérons-le, rectifiera le tir sur les petites erreurs qui nous font faire la grimace en dépit du potentiel indubitablement de cette série.

SNBlaster
7
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le 15 août 2019

Critique lue 406 fois

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