Tout comme The Normal Heart, adapté de la pièce autobiographique de Larry Kramer sur l'émergence brutale du SIDA dans les années 80 aux Etats-Unis, c'est ici la pièce signée Tony Kushner (1991-1993) qui secoua tout autant les esprits, dans une époque encore marquée par les ravages de la maladie.
Une des premières occasions pour les acteurs de ciné de se frotter au monde des séries, et l'occasion de démarrer la nouvelle ère sérielle des années 2000 qui nous avait déjà gratifié de l'excellente création originale, Six Feet Under en 2001, intégrant ses interludes fantastiques pour décliner ses personnages au grès de leur évolution. Plaçant la communication avec l'au-delà dans un réalisme décalé jubilatoire, l'exercice approchant d'Angels in America est bien moins efficace. L'arrivée d'un ange porte-parole de cieux revanchards, décidés à stopper net l'évolution de l'homme de bien peu de foi, qui aura poussé Dieu à la démission...vient se greffer aux thématiques plus concrètes de la gestion de la maladie ou des difficiles coming-out, et hésite entre le délire créatif, le décalage et le réalisme plus cru.
Mike Nichols qui signe sa seconde et dernière série pousse au melting-pot bien kitch (voir le générique...) et parfois brouillon, poussant à la théâtralité pour coller à la pièce originale. Les dialogues vont du meilleur et bien sentis plein de verve, aux discours vains et redondants sans grande subtilité des rapports humains. Et on regrette que la suite ne soit pas du même tonneau que cette fameuse scène d'introduction pleine d'humour d'un vieux rabbin en perte de vitesse, au discours divaguant mais inspiré.
Le sujet du Sida émergent des années 1985, est vite dépassé par le conte choral et les aventures de quelques uns soumis à l'adversité. La lutte contre la maladie et les réactions qu'elle suscite, la difficulté de s'assumer, que l'on soit mormon, juif ou athée, et la main mise de la religion. Plutôt optimiste par le retour à la vie de notre héros Prior (Justin Kirk), qui décidera grâce à la maladie de reprendre sa vie en main, le regard reste critique sur les années Reagan. De la difficulté à se procurer l'AZT et du déni de la situation, ou de la jeunesse perdue sous psychotrope, c'est aussi un retour plus sombre par le personnage de Roy Cohn décédé en 1986 du Sida, soutien de McCarthy ou représentant de la famille Trump qui sera hanté par le fantôme d'Ethel Rosenberg. On se régale du jeu assassin d'un Al Pacino, au meilleur de sa forme, homophobe et raciste qui colle parfaitement au personnage de l'avocat controversé.
On apprécie toujours Méryl Streep et Emma Thompson aux différents rôles même si elles restent dans leur zone de confort. On regrette les jeux limités de Marie Louise Parker et Ben Shenkman mais on remarque à l'instar de Matt Bomer, Patrick Wilson absolument parfait et Jeffrey Wright, évitant les excès à ce type de rôle.
HBO plateforme souvent inspirée propose un curieux genre créatif qui mérite le coup d'œil mais sur le sujet, on préfèrera revoir The Normal Heart bien plus nourri sur le contexte politique et aux jeux d'acteurs plus intenses.