Il existe sur cette planète des œuvres dites "inattaquables", classées au panthéon des sacrés de la Pop-culture. Toute critique négative, aussi constructive soit-elle, est immédiatement raillée et tournée en dérision par l'opinion. L'auteur a l'origine du blasphème se voit alors malmené, puni et considéré comme stupide, car incapable d'y voir le génie derrière. Full Metal Alchemist en fait évidemment partie.
Considéré par la doxa comme l'un des meilleurs Shônen de l'histoire, l’œuvre de la mangaka Hiromi Arakawa n'a eu de cesse de recevoir des éloges et autres retours dithyrambiques en tout genre, au cours de ces vingt dernières années. La sortie de la seconde version de l'anime en 2009, intitulée sobrement "Brotherhood", a eu pour conséquence d'accroître considérablement la cote de popularité du manga.
Donner son avis en nuance et sans langue de bois sur ce manga considéré comme "monument" est donc une tâche ô combien ardue. Si je devais exprimer réellement ce que j'ai ressenti en visionnant cette soixantaine d'épisodes, je dirais, contre toute attente, que l'adaptation d'Yasuhiro Irie m'a laissé totalement indifférent. J'ai été complètement tiraillé par une impression terrible, celle du "déjà-vu". Je m'attendais à quelque chose et j'ai eu à me mettre sous la dent, quelque chose que j'avais déjà vu auparavant, mille fois.
Commençons par le scénario. Faire plus conventionnel que FMA est impossible. Arakawa nous propose ici... une histoire de famille. Encore, ça fait beaucoup là non ? J'ai l'impression de retrouver cette thématique dans la majorité des mangas. On a ici un père ayant abandonné ses enfants, doté de grands pouvoirs et compétences en tout genre, sur le chemin de la rédemption à la fin de l'histoire. Tiens, ça me rappelle vaguement un manga sorti trois années avant la parution de FMA (spoiler : HunterxHunter).
Ce qui m'a gêné, plus que tout, dans ce scénario au-delà de cette impression de "déjà-vu", c'est que tous les enjeux dramatiques sont immédiatement désamorcés par la série elle-même. Je veux dire pourquoi avoir fait le choix de nous révéler l'identité de tous les Homonculus dès la seconde saison et de celle du grand méchant de l'histoire ? Pourquoi avoir fait le choix de nous révéler les plans de Wrath et de l'armée aussi rapidement ? On dirait que la série n'a pas assez confiance au spectateur/lecteur, qu'elle ne lui laisse pas le temps de réfléchir ni de spéculer. Pourtant, on sent bien, dès le début de l'histoire, que quelque chose de pas nette (comme Baptiste) se trame avec l'armée, laissez-nous donc faire nos propres déductions !
De ce fait, il n'y a plus aucun attendu dramatique. On sait quasiment TOUT dès la deuxième saison, et on a plus qu'à poiroter jusqu'à la dernière. Par exemple, dès le premier épisode de la saison 3, on nous dit que le grand méchant a un plan et qu'il compte le mettre à exécution à coup de sacrifices de personnages valeureux (mais pas maintenant, parce que ... le moment n'est pas encore venu !).
La troisième et la quatrième saisons sonnent réellement comme des (parenthèses), que l'on aurait pu enlever, à quelques éléments de révélation près, et qui ne servent qu'à nous faire patienter jusqu'à ce moment fatidique.
Concernant les personnages, ces derniers sont tous vraisemblablement des "types" ou clichés aussi bien physiquement que psychiquement : Mustang le héros, Amstrong la force brute, Hughes le maladroit, Scar l'assassin rédempteur, Winry la mécanicienne blonde. J'ai comme la fâcheuse impression de les avoir déjà vu quelque part, pas vous ? Leur but est clair et leur destin tout tracé, rien n'est fait pour vous étonner. Je veux dire, le petit Scar, on l'avait vu venir dès la saison 1 sa rédemption... On se rabattra volontiers sur la relation fraternelle des Elric qui, malgré toute la mièvrerie qui s'en dégage, parviendra a obtenir un dénouement satisfaisant, loin de tout pathos facile.
Les combats, quant à eux, sont globalement expéditifs et manque d'épique, tout du moins, si l'on décide de faire abstraction de ceux de la partie cinq, qui sont ô combien qualitatifs. Ces derniers auraient réellement pu être dantesques s'ils s'étiraient davantage en longueur. Dans FMA, rarement un combat ne dura plus de dix minutes ! L'autre problème vient aussi de l'humour potache et enfantin qui vient, parfois, désamorcer les tonalités dramatiques de ces séquences en question. Par exemple, les nombreuses blagues concernant la taille d'Ed, le héros principal, peuvent au début faire esquisser un bref sourire, mais ça en devient très dommageable, surtout lorsque le personnage se bat contre la méchante du premier arc. On regrette réellement le dosage parfait opéré dans les combats de Jojo, mêlant habilement drama et humour.
Enfin, j'aurais quelques mots à dire concernant la durée de la série et les arcs.
On perd plus ou moins ce qui faisait l'essence d'un animé, à savoir l'identité propre des différentes saisons (nouvelles musiques, nouveaux antagonistes et protagonistes, nouveaux enjeux narratifs...). On se retrouve en face d'un animé avec un seul arc, qui se déroule d'une seule traite. Les cinq opening donnent l'impression d'avoir en face de nous un matériau qui se renouvelle, mais il n'en est rien en réalité. Les enjeux et actions se déroulent sur une même temporalité. Arrivé à la fin, on n'a pas l'impression d'avoir vécu une aventure, mais plutôt une parenthèse, un moment éphémère de la vie des Elric.
Non, FMA n'est pas un mauvais animé/manga, loin de là d'ailleurs, d'où ma note globalement positive. J'ai même passé un moment plutôt agréable, car la série est courte et les épisodes s'enchaînent assez rapidement. Je reconnais volontiers ses qualités et le fait qu'elle aie pu marqué son époque lors de sa sortie. Je trouve simplement, qu'à l'heure actuelle, l’œuvre d'Arakawa paraît bien fade et conventionnelle par rapport à ce qui est sorti entre temps. Je parle bien sûr des Jojo, Hunter, SNK et consort... Voir encore autant de gens continuer à la mettre sur un piédestal, malgré son immense classicisme, cela est pour moi, tout bonnement inconcevable. Il n'en restera à la fin pas grand chose de novateur, seulement un énième anime sympathique, qui traite de sujets, déjà abordés mille fois auparavant (la famille, l'armée et la religion) par la banalité, le cliché et la mièvrerie.