Mindhunter
7.8
Mindhunter

Série Netflix (2017)

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Psycho killer, Qu’est-ce que c’est ?

Saison 1 (Septembre 2018).


Le morceau de Talking heads, Psycho Killer, utilisé à la fin du deuxième épisode, lorsque les agents Ford et Tench se retrouvent « rétrogradés » dans la cave du FBI où ils installeront leur bureau de recherche sur les tueurs en série, apporte un léger changement de tonalité. Une interférence. Si d’une part le choix de ce morceau est de bon goût, il faut d’autre part surtout dire que la série ne manque pas d’humour. Malgré son apparente froideur, malgré ses décors grisâtres, malgré sa plongée dans l’Amérique profonde, malgré le sosie d’Emmanuel Macron, il y a des moments très drôles, plus légers, flottants, notamment entre les deux/trois agents, des instants qui peuvent se jouer parfois plus sur des regards qu’avec des mots.


 Quoiqu’il en soit, c’est à partir de cette fin d’épisode et donc véritablement dès le début du suivant que la série décolle, qu’on ne la lâche plus. En effet, après un pilot pour le moins déstabilisant pour ne pas dire désastreux – Franchement, avec le recul, je me demande même à quoi il sert puisqu’il ne lance strictement rien, bien qu’il installe malgré tout un (faux) rythme sur lequel les épisodes suivants s’accommoderont, tout en étant plus cohérents tous ensemble – la série trouve son rythme de croisière, des entretiens ahurissants, une pertinence fascinante quant à son vaste sujet (raconter la naissance de l’analyse comportementale criminelle, en un mot le profiling et déployer l’abécédaire qui va l’accompagner) plus intéressante que sa reconstitution peu scrupuleuse.
L’erreur serait de comparer Mindhunter à True detective. Et on est tenté, forcément. Aussi bien d’un point de vue plastique que dans sa quête de personnages forts. A ce petit jeu, elle indiffère plus qu’elle n’y gagne. Mais il y a une autre interférence, qui lui offre toute sa singularité, sa beauté paradoxale : Il y a un problème dans les déplacements dans Mindhunter ; On est partout aux Etats-Unis (Kansas, Pennsyslvanie, Oregon, North Dakota…) mais l’image, souvent terne, avec son monochrome fincherien (Rappleons que le réalisateur de Seven est à la baguette de quatre épisodes, pas moins) empêche d’apprécier cette riche variation de lieux, c’est dommage. C’est dommage mais on s’y fait, mieux, ça devient un atout, tant la série et le récit qu’elle déploie, crée un espace purement mental où chaque Etat, chaque ville serait une branche abstraite d’un noyau qui n’est autre qu’un simple bureau de recherches et les trois cerveaux qu’il renferme.
Il y a quelque chose de fascinant dans ces trois portraits de flics, la bulle mécanique dans laquelle chacun évolue, avec ses propres névroses, folies alors que leur travail est justement d’enquêter sur les comportements, d’explorer des pistes douteuses, de gratter sous le visible, sous la surface. Ils sont vivants dès lors qu’ils fouinent, esprit chassé par la chasse aux esprits de ceux à qui il manque bien des cases. Mindhunter aura su nous intéresser à eux plus qu’aux pseudos enquêtes qu’ils vont tenter plus ou moins de résoudre, plus qu’aux cinglés avec lesquels ils ne vont cesser de s’entretenir pour apporter de l’eau à leur moulin. La réussite elle est là pour moi : Il me tarde de revoir ces trois acteurs/personnages.

Saison 2 (Février 2020)


La série continue de déployer son rythme qui est le sien, engourdi, alangui, éloquent mais choisit cette fois moins la quête du profiling qu’elle ne se penche sur une véritable affaire, à savoir la vague d’assassinats de jeunes noirs dans l’Atlanta du début des années 80. En optant pour les voies classiques du polar (Des crimes à élucider, un tueur à démasqué) elle aurait pu se fourvoyer. Au contraire on a rarement vu une œuvre (film ou série) tenter de détruire à ce point les mythes. Et réussir, haut la main. Dans une ère où tout est à la nostalgie ou à la répétition, esprit doudou ou sequel, assister à quelque chose qui prend l’exact contrepied de ce qu’on attend, fait un bien fou.


 Cette seconde salve s’étire sur neuf épisodes. Trois réalisateurs sont aux commandes. Déjà présent lors de la première saison, David Fincher s’occupe des trois premiers. Andrew Dominik (L’assassinat de Jesse James) se charge des deux suivants. Et Carl Frankin (valeur sûre de l’univers sériel) des quatre derniers. Qu’importe ce déséquilibre numérique, qu’importe le capitaine à la barre, la réalisation sera brillante du premier au dernier épisode, homogène et virtuose, épique et glaçante, sans pour autant se révéler froide ni clinquante. En un sens c’est déjà un petit exploit de trouver le parfait équilibre.
On attendait que les techniques (de profiling) réalisées par Holden, Bill & Wendy et introduites durant la première saison soient exploitées dans la seconde. C’est le cas. Enfin pas vraiment car on s’attendait moins à n’y voir que le produit de leur inefficacité sinon quelque chose de complètement embryonnaire et approximatif. Et la série joue là-dessus à travers sa forme, ne tombant jamais dans l’excès, jamais dans un spectaculaire morbide. Ainsi que dans son traitement des personnages : Holden plus autiste que jamais, affronte diverses crises de panique ; Bill est plongé en plein problème familial, avec son enfant de huit ans, ce qui parasite sa présence au sein de l’enquête principale ; Wendy quasi absente, tente de nouer laborieusement une relation amoureuse.
Difficile de faire plus anti-glamour que Mindhunter, saison 2. Dur pur Fincher – ces personnages éclairés incapables d’interagir avec leur monde – en somme tant la série parvient, on ne sait par quel miracle à s’avérer émouvante, en un dialogue, un regard, un silence. Je regardais Le bazar de la charité en parallèle, c’était très bizarre ce sentiment d’assister à deux shows complètement opposés, tous deux d’un autre temps. N’en déplaise aux sceptiques, le futur c’est Mindhunter. Ça ne fait aucun doute. Cette magie du récit documenté, de l’ambiance immersive où l’on ne te prend jamais la main. Où l’on ne verse à aucun instant dans une opulence glamour maladroite. A ce titre, la résolution, pleine de suspension et de frustration, va complètement dans ce sens.
Et en filigrane plane une troublante fascination. Brian, le fils de Bill Tench, incarne l’enfant mystérieux, cet enfant du futur (super flippant) qui plane sur le film et sur l’Amérique toute entière. Un héritier d’Holden, quelque part. Un futur Zuckerberg. Est-ce un sociopathe en herbe ? Ou est-il le produit d’un traumatisme plus global, mondial ? Cette saison n’est traversée que par l’ambiguïté. Jusqu’au bout. L’entretien fleuve avec Charles Manson au milieu restera comme l’un des hauts faits de la série. A part ça il me semble avoir eu un petit orgasme quand retentit The overload, de Talking Heads, durant le générique final de l’épisode 1.
JanosValuska
8
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le 19 nov. 2018

Critique lue 935 fois

4 j'aime

JanosValuska

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