Adaptée d'une série de romans à succès, THE EXPANSE décrit un univers étant une extrapolation scientifiquement crédible de l'humanité dans 2 à 3 siècles, où il n'y a pas de technologies fantaisistes permettant d'ignorer les fondements de la physique et l'aspect mortel et impitoyable de l'espace. Pour trouver des similitudes, il faudrait regarder du côté d'Interstellar, Gravity ou Seul sur Mars. Autrement dit, pas de pistolets lasers ni de boucliers plasma, pas de gravité artificielle ni de vitesse lumière et encore moins d'extraterrestres humanoïdes articulant un anglais impeccable grâce à un quelconque gadget ou subterfuge scénaristique... Les scènes de combats se rapprochent plus souvent de la bataille navale à coups de projectiles voués à percer les coques à distance, au lieu d'un combat rapproché à base de poursuite et d'esquive (dogfight).
Le contexte étant celui d'un futur proche, l'humanité a "seulement" colonisé la Lune, Mars, quelques astéroïdes de la Ceinture et quelques lunes de Jupiter, bref on ne s'aventure pas encore très loin de la Terre car les déplacements peuvent être très longs selon la configuration des orbites. Les problématiques sont alors celles qu'on peut imaginer : à la manière de l'Amérique qui s'est libérée du joug anglais, Mars est devenue indépendante et ambitieuse, la Terre a de plus en plus de à préserver son emprise sur des astéroïdes se trouvant à des semaines de distance. L'oxygène (l'eau, l'air respirable) est la ressource la plus importante dans l'espace, le danger que représente le vide spatial est omniprésent, les différences de pesanteur ont entraîné l'émergence d'un nouveau concept de "racisme" issu des différences de morphologie et de mentalité dérivées de générations d'humains ayant grandi dans l'espace, sans atmosphère terrestre et une plus faible pesanteur.
La première saison est un peu lente à démarrer. Le pilote laisse une excellente impression initiale, mais la curiosité a tendance à retomber progressivement dans les 2 épisodes suivants, certes intéressants mais qui se perdent par moments dans la présentation de l'univers et les multiples fils narratifs en apparence sans liens entre eux. Néanmoins, les plus impatients et les moins indulgents se doivent d'insister jusqu'au quatrième épisode, car cet épisode est une véritable vitrine tant il est représentatif du potentiel de la série. Si cet épisode vous laisse absolument de marbre, alors vous pouvez passer à autre chose sans regret. Si comme moi, vous choisissez de continuer avec enthousiasme, sachez qu'à chaque épisode, pièce par pièce, le puzzle prend forme, mais il est à assembler soi-même, cette première saison et la série en général ne prennent pas par la main les spectateurs trop distraits. Le reste de la saison continue de monter crescendo, les derniers épisodes récompensant généreusement le spectateur avec un superbe double-épisode final.
La deuxième saison est encore un cran au dessus, conservant l'excellente qualité de production tout en gommant les défauts de rythme et de construction de la première saison. La première partie de saison est presque d'anthologie, la seconde partie est plus irrégulière mais toujours soignée et rythmée. Le contexte et l'ambiance désormais bien établis, la série s'attarde ainsi beaucoup plus sur les personnages, qui gagnent enfin en profondeur pour s'extirper des clichés initiaux dans lesquels les auteurs les avaient volontairement enfermés au début, dans le but de les faire grandir et évoluer saison après saison. L'univers s'enrichit lui aussi avec un nouveau fil narratif qui introduit un personnage majeur qui sera la fenêtre du spectateur sur la république militariste de Mars, dont on n'avait eu qu'un rapide aperçu auparavant. Les relations entre Terre et Mars s'étant nettement dégradées, la tension est à son paroxysme alors que la Ceinture d'Astéroïdes commence à se soulever pour de bon, à force d'être constamment prise entre deux feux. Bref, cette saison enfonce le clou et permet d'admirer tout le potentiel de la série avec des épisodes alternant le bon, le très bon et l'excellence en termes d'écriture, confirmant bien toutes les promesses entrevues dans la saison précédente.
Sans être excessivement complexe, THE EXPANSE se montre parfois assez exigeante et il faut accepter d'apprendre beaucoup de choses à travers des fils narratifs séparés qui ne se rejoignent qu'ultérieurement. Il est rare qu'un personnage se retrouve en possession de tous les éléments, chaque fil narratif apportant son lot de questions et de réponses. C'est au spectateur d'assembler le puzzle au fur et à mesure des épisodes, en reliant les points, en émettant des hypothèses. Comme dans beaucoup d'œuvres incluant des notions de complots, de conspiration, de guerre froide et de machinations politiques, les réponses ne tombent en général pas avant la fin des saisons et apportent en général avec elles de nouvelles questions. Bref, si l'on n'est pas attentif et que l'on regarde la série distraitement comme une bonne vieille série policière procédurale sur M6, on est très vite largué avec l'impression de se faire balader d'un coin à l'autre sans piger les tenants et aboutissants.
Visuellement et techniquement, la série est dans le haut du panier et une digne représentante de la vague de "télévision haut de gamme" qui déferle sur le câble américain, chaque chaîne y allant de sa série ambitieuse. THE EXPANSE est donc le porte-étendard de Syfy pour les prochaines années, dans une tentative de redorer son blason en diffusant une série du même calibre que Battlestar Galactica il y a 10 ans. C'est donc à des années-lumière des séries de fantasy et de science-fiction "cheap" aux décors en carton et aux effets spéciaux risibles auxquelles on a droit depuis une vingtaine d'années. Seul le casting est un petit peu léger, ça fonctionne bien cela dit, les producteurs faisant le même pari qu'HBO qui avait lancé beaucoup d'inconnus avec Game Of Thrones. Peu de têtes connues donc, mais les sérievores et cinéphiles reconnaîtront néanmoins pas mal de seconds rôles connus, déjà croisés ailleurs sur le grand et le petit écran.
En conclusion, une excellente série qui fait enfin honneur à la science-fiction et au sous-genre space-opera, si souvent mal exploité à la télévision ces dernières années par manque de moyens. Ce n'est pas pour rien que les producteurs et le staff de la série la surnomment cyniquement "The expense" (la dépense) tant le budget de certains épisodes peuvent exploser pour être à la hauteur des ambitions.