Les meilleures BD des années 2010 selon Fwankifaël

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16 janvier 2019

Sublime.

Zeina Abirached livre dans ce roman graphique une réflexion profonde et faussement ingénue sur la langue en tant que support d'identité. De deux histoires personnelles, l'une sur elle-même, l'autre sur son arrière-grand-père mélomane et inventeur, elle entremêle les fils et tisse une métaphore d'une poésie rare sur son rapport à ses origines. Au merveilleux travail qu'elle réalise dans son dessin, dont la densité symbolique et poétique n'a de cesse de surprendre, répond un propos profond, d'une intelligence espiègle et d'une tendresse absolue. J'ai été proprement émerveillé par la cohérence de cette œuvre complète, nostalgique et rigolote.

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22 octobre 2019

Une splendide BD, à l'ancienne, et, chose rare, un récit de jeunesse. Rochette, artiste ascendant grimpeur, revient sur ses premières années de Montagne : l'émerveillement, le chaos, l'audace sont couchés sur le papier, sur fond de dévers glacés, de cols enneigés et de voies rocailleuses. Il y a une puissance dans ce récit qui trouve sa racine dans l'expérience vécue, dans la véracité du dire. Le texte est à l'image de l'alpiniste : noueux, franc, économe, passionné. Une histoire à vous faire quitter la société pour aller frotter sa joue sur le granit, s'écorcher les doigts sur les arrêtes et inspirer goulûment, dans le silence du Monde, l'air de la liberté.

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25 juin 2017

Manu Larcenet nous éparpille. Un an après avoir lu le premier tome de "Blast", je replonge enfin dans les aventures de Polza. Les yeux écarquillés devant la puissance des planches, déchiré par ce récit d'une violence toute humaine, j'assiste incrédule à l'enracinement d'une œuvre hors de toute mesures. Comme son héros

28 juin 2017

Plus noir encore que les deux précédents, ce tome poursuit son travail de résilience face à l'abjecte violence de la société. Les portraits de marginaux, ces oubliés du monde, sont vertigineux et dressent en ombre chinoise le profil d'une humanité dépossédée ou presque de toute capacité d'empathie. On sort de cet avant dernier tome éteint et rincé, mais empli de la puissance d'une prise de conscience abyssale.

11 juillet 2017

La terrible épopée de Polza se conclut enfin, dans un final dévastateur, et nous laisse échoué sur une grève de stupeur, entouré des débris du navire Humanité qui flottent ça et là au grès des vagues descendantes.

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28 juillet 2018

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les trois albums qui constituent cette intégrale trônaient depuis des années au milieu de la bibliothèque de mon oncle et de ma tante. Je ne les ai ouverts, avec fascination, que ce mois-ci. Savoir mon admiration pour Nicolas Bouvier, l'écrivain voyageur (son livre, "L'Usage du monde" figure dans mon Top3), ne suffit pas expliquer mon admiration face à ce récit illustré. Y avoir retrouvé, d'une certaine manière, des images et des sensations proches de celles que m'a inspiré un récent voyage en Géorgie non-plus.

Il y a en fait dans cette oeuvre une humanité qui m'a laissé pantois. Bouleversante de bout en bout, comme quand Juliette révèle son amour impossible avec un moudj admirable, elle s'appuie sur le témoignage de Lemercier, sincère, poignant, tragique, et sur ses photos qui caressent la beauté et la dureté du monde qu'elles capturent. L'éveil culturel, l'invitation au voyage sont bien présents et soulignent en creux, en le dérangeant du coude, le confort un peu facile du lecteur. A découvrir absolument.

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10 octobre 2021

J'aurais souhaité écrire une critique de cette BD tant elle m'a touché, mais je n'en ai pas trouvé le temps. Celui-ci s'étant écoulé depuis ma lecture, je ne me fends que d'un petit commentaire.

"Portugal" c'est la réconciliation avec son identité, le réenchantement du lien d'origine, le portrait d'une longue quête de soi après les années de déshérence. A sa mesure, cette BD apporte sa pierre au témoignage poignant des français qui vivent encore leur différence dans le regard des autres et dans leur reflet en raison de leurs origines. Nous sommes toutes et tous issus d'ailleurs, mais l'intégration reste un terme bien catégorique pour transcrire des processus qui s'étalent bien souvent sur plusieurs générations. Avec cette BD, Pedrosa reprend langue avec l'ancêtre et la terre quittée, comme Zeina Abirached dans "Je me souviens" ou Nina Bouraoui dans "Tous les hommes désirent naturellement savoir" ou tant d'autres encore.

Dans son immense album "Identité en crescendo", le rappeur Rocé interroge et interpelle, avec la vindicte propre au rap, notre rapport à l'altérité et notre aveuglement face au combat intérieur de personnes qui ne se sentent ni tout à fait d'ici, ni tout à fait d'ailleurs. Pedrosa use lui de ses outils, son riche dessin et son sens patient de la narration, pour livrer une saudade tendre et optimiste sur la retrouvaille avec soi-même.

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30 novembre 2019

Certaines oeuvres ont la matière dont on fait les mythes. Leur contexte, leur qualité, leur contenu, leur auteur.rice se présentent à nous dans un alignement inexplicable dont jaillit une notoriété innattendue. "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres" en fait partie. De sa gestation douloureuse et inattendue (voir l'histoire d'Emil Ferris) à son triomphe au festival d'Angoulême, il y a déjà de quoi être impressionné. Mais au delà de ce contexte, l'oeuvre même est assez géniale.

Difficile d'accès en première approche, le foisonnement visuel de la BD offre en définitive une richesse de regards et de nuances qui lui apportent toute son originalité et sa profondeur. Le récit à tiroir est passionnant, les allers et retours, de prime abord perturbants, tissent une trame scénarisitique d'une ambition rare sur laquelle de nombreux personnages approfondis livrent une partition baroque. Enfin, il y a dans le propos engagé une réflexion splendide sur la différence, dans toutes ces manières de s'exprimer. Notre détective loup-garou est décidément passionnante !

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5 juin 2017

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"Une sœur" parvient le tour de force de se débarrasser de tout jugement subversif pour se concentrer sur une contemplation tout à la fois dérangeante et tendre d'un duo improbable et éphémère. Le coup de crayon effleure la page, saisissant avec adresse les mouvements et les attitudes mais laissant génialement toute mesure au lecteur pour imaginer les traits, regards et expressions des protagonistes. L'ensemble est splendide.

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21 juillet 2017

Une claque.

L'enquête menée par Benoît Collombat, dont le nom revient de manière lancinante ces dernières décennies au gré des émissions, livres, reportages, films et, donc, bandes dessinées, sans que les pouvoirs publics n'accordent à la justice les moyens de faire son travail et d'élucider une bonne fois pour toute l'ensemble des affaires les plus noires liées au Service d'Action Civique, est accablante.

Je n'avais pas idée, petit Y generation que je suis, de l'ampleur et des exactions de ce réseau pseudo-officiel, machinerie crasseuse de l'appareil gouvernemental qui aura marqué la politique française jusqu'à l'orée du XXIème siècle, le SAC, dont j'ignorais même jusqu'à l'existence.

Bien sûr, mon entourage me rassure : tout n'était pas si noir, la corruption était localisée, il ne s'agit que de cas isolés... J'ai peine à être convaincu par ces paroles certainement franches, dans un pays qui se réfugie derrière son histoire démocratique pour cacher ses plus sombres aspects : traite négrière, colonisation, guerres sanglantes pudiquement qualifiées "d'évènements", pillage post-colonial des ressources, liens douteux et juteux avec de grandes dictatures, participation silencieuse à des conflits étrangers, mensonges d'état, état d'urgence permanent et j'en passe.

Davodeau lève en fait un coin de voile sur un pays endormi par les bonimenteurs de la politique, la consommation et les mass medias. Une claque vous dis-je. Mais il en faudra plus se réveiller.

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2018-2019

Critique à venir ?

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8 mai 2017

On ne peut certes démêler la réalité du fantasme dans ce portrait acide et désopilant de l'ancien locataire du Quai d'Orsay, Dominique de Villepin. Pour avoir déjà rencontré des personnes à l'intelligence fulgurante et à la personnalité enflammée dont les idées stratosphériques sont insaisissables au commun des mortels (toute proportion gardée) je ne doute cependant pas d'une certaine véracité dans la description des propos et attitudes dépeints par Blain et Lanzac.

Outre l'aspect formel et jouissif de la caricature de lui-même qu'était le personnage, le fond de la bédé se révèle riche de l'expérience profonde et inédite du conseiller d'un des hommes les plus importants de la République de l'époque. Une très grande réussite.

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20 septembre 2019

Superbe découverte. "Dora", c'est avant tout une quête de l'insondable, où se croisent des personnages tous issus d'une minorité, dans un récit où la choralité ne tient pas au nombre de narrateurs mais à l'imbrication des contextes historico-politiques.

Le dessin y est d'une simplicité efficace, pleine de charme, juste, sorte de pendant réaliste de celui de Zeina Abirached. Je regrette presque la naïveté avec laquelle j'ai cru voir dans le destin de l'héroïne une histoire vraie. Et je reconnais avoir également été persuadé, en raison de la justesse de l'approche de la féminité, que l'auteur de "Dora" était une femme.

Mais, de fait, la création d'un récit à ce point ambitieux, à la jonction entre des cultures et des histoires si différentes (Allemagne, France, Argentine...) m'interpelle sur la profondeur de l'érudition de son auteur argentin de 41 ans. Je dis bravo.

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25 juin 2019

Certaines bandes dessinées ne masquent pas ce qu'elles ont à nous enseigner (voir "Sarkozy-Kadhafi" ou "Les esclaves oubliés de Tromelin" ci-dessous). D'autres ont une approche plus subtile, plus équivoque de le faire. "Ulysse, les chants du retour" fait partie de celles-là.

A défaut de nous livrer une énième simple réinterprétation ou adaptation de "l'Odyssée" d'Homère, ce magnifique tome d'Harambat, au dessin aussi noueux qu'Ithaque peut l'être, construit patiemment la constellation des possibles et des interprétations que ce récit millénaire à su créer. Intercalant dans ce conte légendaire les interventions de différentes personnes, illustres ou anonymes, rencontrées par l'auteur, celui-ci nous amène à réfléchir sur le sens profond des aventures d'Ulysse, à la portée de son essence, à la manière même dont se construit une histoire. Splendide.

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21 février 2017

Ce petit opus qui ne paye pas de mine, c'est "Zaï zaï zaï zaï", un condensé hilarant d'humour absurde, de comique de répétition désopilant, de situations cocasses, de satyre grinçante et potache. Un must have dans une bédéthèque digne de ce nom, et une respiration bienvenue dans l'enfer de nonsense (prononcé avec l'accent british s'il vous plait) qu'est notre quotidien.

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16 février 2017

Je connaissais de Pénélope ses blogs BD, ses vidéos sur Madmoizelle et son premier one shot, "Ma vie est tout à fait fascinante" à l'époque où ma sœur peinait à m'initier aux BD de "filles" (tout à fait fascinantes) de Diglee ou Margot Mottin.
J'ai découvert les premiers strips de "Culottées" sur l'internet, et je ne cachais pas ma gourmandise à l'idée d'avoir un bel ensemble de ces portraits dans les mains. Je ne fus pas déçu !

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25 décembre 2021

De prime abord pas forcément emballé par certains aspects du dessin, à commencer par les cheveux ficèles et craspouilles des héroïnes, j'ai peu à peu été happé par la profondeur de l'émotion suscitée par l'histoire banale d'un amour de jeunesse.

Que cette BD ait été adaptée par Kechiche pour "La vie d'Adèle", que je n'ai pas encore vu mais dont on m'a dit bien des choses contraires, ne jouait a priori pas en sa faveur. Mais Jul' Marot parvient à donner à cette histoire une intensité dramatique rare pour une romance. J'aurais souhaité que la même patience soit accordée à la relation entre Clémentine et Emma qu'à toutes les péripéties de leur rencontre : le sujet à peine évoqué du lien entre sexualité et identité, diamétralement opposé entre les deux personnages, me paraissait prometteur. Mais ce regret ne gâche le portrait tragique et incarné d'un amour si précieux.

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8 mai 2019

"Les Équinoxes", c'est avant tout une œuvre magnifique. Le large volume de Pedrosa n'est pas assez gros pour assouvir notre enchantement. Rythmé par des saynètes d'une poésie rare, jouant admirablement sur la puissance d'une esquisse en noir et blanc émaillant de profondes introspections, proposant enfin, tout au long du récit, une superbe palette dont les couleurs sont un personnage à part entière.

C'est aussi un récit patient, exigeant, choral, qui ne tisse pour rien d'autre que le besoin de le faire les morceaux de vie de personnages que rien ne pousse. Croquer. C'est le fil conducteur de cette œuvre, au diapason de son héroïne, en tout point mystérieuse, et qui sans le savoir retrouve le goût de vivre par la rencontre et la photographie. Superbe.

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Date inconnue

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2 novembre 2018

Une belle claque. Alors que je craignais que ce quatrième (énorme) volume s'enlise, un peu comme le précédent et le dernier tome d'Esther, il ouvre enfin le champ sur une enfance de plus en plus difficile. Rythmé par les élucubrations et rodomontades d'un père que son séjour en Arabie Saoudite a achevé de radicaliser, la place d'une mère sombrant peu à peu dans l'abandon de son mari et la misère sociale, les brimades et l'ostracisation que rencontrent Riad en grandissant, et le racisme, enfin, véritable personnage principal de ce tome, celui-ci tranche par la vive émotion qu'il suscite. Sattouf avance finalement ses pions avec prudence pour préserver la progressivité de son regard d'enfant puis d'adolescent sur sa propre condition. On s'attend à un cinquième tome possiblement glaçant.