Les meilleurs films de 1970 selon Alexandre G

Annotation :

Ce véritable chef d'oeuvre d'écriture, de costumes, d'interprétation, de décors, vous est modestement servi par Jacques Demy et Michel Legrand. Que cette année 1970 était heureuse, d'avoir à contempler pour Noël ce délice enfantin, et qui se savoure d'autant quand on est adulte qu'on peut admirer la beauté de Catherine Deneuve, savourer le bégaiement de Pierre Repp ou le jeu de Jean Marais. Tout y est juste et à sa place, tout y est parfait.

Annotation :

Quelle écriture ! Truffaut est vraiment un virtuose de la mise en scène, et ce film est là pour en témoigner. Pourtant, quoi de plus simple que son pitch ? Le mariage d'Antoine et Christine bat de l'aile alors qu'après l'arrivée de leur enfant, Antoine tombe amoureux de Kyoko, belle japonaise (YOKO ONO) mystérieuse mais creuse. Et comment mieux représenter cette époque qu'à travers une espèce de vaudeville, souvent drôle, parfois profond, des personnages incroyables (évidemment, Jean-Pierre Léaud est probablement le meilleur acteur français des années 1960), la magnifique Claude Jade, toujours parfaite dans son rôle de petite fiancée du cinéma français, qui ici n'est clairement pas aidée par sa naïveté et son insouciance. Et que de péripéties, que de clins d'oeil, que de phrases cinglantes ("écoute je trouve ça provincial d'embêter les artistes après leur spectacle"; "Il y aura des trompettes dans votre roman ? - Ah non; - Et des tambours, yen aura dans votre roman ? - Non non; - Beh vous n'avez qu'à l'appeler "Sans trompette ni tambour")
Et les différents tons qu'adopte le film sont toujours justes, y compris quand, à la fin, les amants séparés se rendent compte qu'ils ne veulent plus l'être. La simplicité de ces thèmes n'a jamais aussi bien été représentée au cinéma.
Bref, ça se déguste sans faim.

Annotation :

Un meurtre a été commis, celui d'une belle bourgeoise de Rome, étranglée. La scène de crime est remplie de preuves : des empreintes digitales, des traces de pas, des photographies érotiques... Pour cause, le coupable est connu du spectateur : c'est le commissaire de police qui dirige l'affaire. Et celui-ci, après avoir rejoint la section politique de la police italienne, cherche à imposer ses visions fascisantes de répression sociale et de régénération morale à toute la police. Mais il cherche aussi à montrer sa culpabilité, que s'évertuent à nier tous ses collègues : il demande à un inconnu dans la rue de le décrire patiemment, armé d'une vingtaine de cravates bleues du même modèle que celle qui a été retrouvée sur le crime, et de le dénoncer à la police. Et quand cet inconnu recroise le commissaire devant les policiers, il se confond en excuses et ne le dénonce pas. Tout le dénonce, et pourtant personne n'ose; la vérité est sous leurs yeux, et tous préfèrent l'autorité, l'ordre. Le film d'Elio Petri est une satire de la social-démocratie italienne des années 1970, celle qui préfère réinstaurer l'ordre contre les agitateurs socialistes, au risque de réinstaller le fascisme, plutôt que de faire le ménage auprès de ses propres agents criminels. En cela, Gianmaria Volonté est d'une rectitude splendide, auteur d'un magnifique monologue à la Mussolini derrière un micro, mais aussi droit dans ses bottes quand il s'agit de réinstaller son personnage de commissaire charismatique et autoritaire. La musique iconique d'Ennio Morricone y ajoute cette pincée de burlesque qui consacre toutes les tragédies.

Annotation :

Une des reconstitutions emblématiques de Sergueï Bondarchouk, centrées sur les Cent-Jours dans sa 1ère partie et la bataille de Waterloo dans la 2nde. Le film est davantage un face à face épique entre le vieux et ventripotent Napoléon, revenu de sa déchéance pour soumettre ces princes qui l'ont exilé, et le duc de Wellington, symbole de l'aristocratie européenne décidée à mettre à bas "le monstre" français. En ce sens, le film fait des miracles : on ressent bien la dichotomie entre ces deux mondes, entre la colère et la mélancolie de l'empereur, et le flegme et la gravité de l'Anglais.
Au point de vue géopolitique, le film prend son temps, positionne les pions durant toute la 1ère heure, ce qui nous permet par exemple de profiter de l'excellent Orson Welles en Louis XVIII perdant son trône, ou de la valse des maréchaux qui changent d'âne dès que le vent tourne. Le message qui traverse le film côté anglais sur la vanité de la guerre et les jeunes vies brisées par les batailles tombe un peu à l'eau en mon sens.
Enfin, pour ce qui est de la reconstitution de la bataille, c'est évidemment colossal, tant par la mobilisation de ces milliers de figurants, par les costumes et les décors, les cavalcades et les plans filmés en travelling côté, en hélicoptère, etc. Cela peut faire un peu désuet par rapport aux scènes de bataille du XXIe siècle, mais pour les années 1960 cela relève encore de la prouesse technique, et on ne peut que regretter qu'il n'y ait plus cette volonté aujourd'hui de faire graviter un film autour de ces grandioses scènes de bataille.

Annotation :

Marcello est un fasciste et membre de la Police secrète dans les années 1930. Il doit effectuer une mission pour prouver sa fidélité au régime : liquider, à Paris, son ancien professeur de philosophie, opposant déclaré. Mais lorsqu'il le rencontre, lui et sa jeune femme Anna, ses convictions vacillent.
Bertolucci signait avec 'Il Conformista' un film puissant sur la conviction politique bouleversée par les sentiments. En trois parties distinctes, le film s'apesantit d'abord sur le fascisme rédempteur, promesse d'un avenir ordonné et rigoureux, à l'architecture stricte et uniforme. Bertolucci y distille évidemment de sourdes critiques : le bal des fascistes aveugles au début, la décadence tant conspuée par les fascistes mais qui irrigue jusqu'aux plus hauts fonctionnaires, le sentiment religieux de façade de ces militants... Et le voyage à Paris sonne ainsi comme une révélation : quelle force de cette conviction si une immersion dans la ville des plaisirs la fait vaciller ? Au moment fatidique, Marcello ne peut appuyer sur la détente, et rentre disgrâcié en Italie.
Dans la veine de la NOuvelle Vague, Bertolucci sait réaliser, sait filmer, sait diriger ses acteurs. Bien sûr, années 1970 obligent, la post production est reine, et Trintignant ne nous honore pas de sa belle voix italienne. Mais la caméra est intelligente, les couleurs pas anodines, la musique a un vrai rôle, et on se plaît à distinguer tout ce qui peut allier le fond et la forme. Le film est certes un peu lent et redondant par moment, mais suffisamment moderne pour qu'on ne s'ennuie pas non plus tout le long.