Les meilleurs films de 2024 selon Alexandre G
49 films
créée il y a 11 mois · modifiée il y a 1 jourLes Graines du figuier sauvage (2024)
Daneh Anjeer Moghadas
2 h 46 min. Sortie : 18 septembre 2024 (France). Drame
Film de Mohammad Rasoulof
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Un des grands films de cette année, et un monument du cinéma iranien, digne des Farhadi et Kiarostami !
Rasulof croque toute la société iranienne dans ce huis clos de presque 3h, au milieu du mouvement 'Femme, vie, liberté' : au sein d'une famille bourgeoise de Téhéran, le père vient d'être promu juge d'instruction. Sa femme l'accompagne depuis des années, et ses filles s'apprêtent à faire leur rentrée, lorsque le mouvement de protestation éclate. Le père se sent vite dépassé par les évènements, devant condamner à mort des enfants qui semblent innocents, et une de ses filles se retrouvent happée par les émeutes. Mais surtout : l'arme de fonction du père a disparu, et cela ne peut être qu'une des trois femmes de la maison.
Plein de symbolisme, de métaphore, et de mariage des genres, 'Les graines du figuier sauvage' est un film magistral, parfaitement réalisé (d'autant plus quand on en sait les conditions : Rasulof venait d'être condamné à 8 ans de prison, il a dû fuir l'Iran clandestinement peu avant la projection cannoise...) D'abord construit comme un film de société : le mouvement se vit par procuration, à travers les slogans chantés au dehors et que la famille entend depuis leurs fenêtres, mais aussi par l'écran des téléphones, qui retransmettent ce que la TV ne montrera pas. La quiétude de la famille en est progressivement bouleversée, jusqu'à ce que la suspicion s'installe, et que, retranchée dans une maison de campagne qui est tout sauf un havre de paix, le père si aimant se commue en tyran, dont la quête d'autorité n'a plus aucun sens. Ainsi, le film se termine en thriller psychologique, les femmes décidant enfin de tenir au tête au père et de l'affronter, plutôt que de courber l'échine. Les choix de casting, de réalisation, de musique, sont d'une justesse impressionnante. La scène de rasage et d'ablutions dans la première partie du film montre tout ce qu'il y a à voir : ce qui fait fonctionner l'Iran, ce sont ces femmes, qui vivent cloîtrées, dans leur maison, dans leur habitacle de voiture, derrière leur voile. Et le problème ne réside pas dans ce qui se passe dans la rue : c'est au sein de leur foyer qu'elles sont prisonnières, condamnées à n'être que des esclaves de leur père ou de leur mari, et quand la peur s'est installée, que la suspicion est généralisée, il ne reste que la violence pour s'en sortir, de part et d'autre.
Civil War (2024)
1 h 49 min. Sortie : 17 avril 2024 (France). Action, Thriller
Film de Alex Garland
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Il émane de "Civil War" une sensation étrange. Sans avoir vu un film révolutionnaire, on a quand même l'impression que peu de réalisateurs ont su filmer la guerre (civile, de surcroît) comme Alex Garland. Que ce soit dans la totale désorganisation de la société (où il aurait pu emprunter aux films post-apo, notamment à la série de jeux vidéos The Last of Us, mais ce n'est ni évident ni souhaitable), dans l'accoutumance et, en fait, l'inaccoutumance à la violence et à la mort, et surtout dans cette séquence finale d'assaut sur Washington, qui est selon moi un chef d'oeuvre dans la représentation millimétrée d'une offensive militaire professionnelle. La guerre y est vraiment dépeinte sous tous ses angles, et on serait en peine de décerner au film un brevet de gauche ou de droite : on passe du 'war porn' à la tension la plus extrême, du déluge de mortiers à une simple balle tirée et attendue, du sniper invisible au tireur à amadouer... Le rythme y est incroyable, tant dans l'économie du film que dans le déroulement des plans, et les 4 acteurs principaux, incarnant des photoreporters de guerre, contribuent à cette ambiance crépusculaire. Sans réelle colonne vertébrale, le film accumule les scènes faisant ressortir la violence, l'incertitude, le brouillage définitif des repères propres à une situation de guerre civile. La palme revient probablement à cette scène de sniper embusqué dans un golf de Noël : introduite par un cadavre de militaire jeté au milieu de la route comme une menace, elle installe une tension permanente au milieu d'un décor féérique. Une fois le sniper connu, la scène se focalise ensuite sur les deux militaires camouflés qui tentent de le débusquer, et qui résument la situation : "Someone is trying to kill us, and we're trying to kill them. It's that simple."
Dune - Deuxième partie (2024)
Dune: Part Two
2 h 46 min. Sortie : 28 février 2024 (France). Science-fiction, Drame
Film de Denis Villeneuve
Alexandre G a mis 9/10.
Annotation :
Denis Villeneuve s'est dit un jour : "Dune ? le film soi disant infaisable ? Non seulement je vais le faire, mais je ne vais pas le faire bien : je vais aller trois mille stades au-dessus de ce que vous attendez"
Pour l'amateur de blockbuster que je suis, ça a été 2h45 de pur plaisir : des esthétiques désormais si reconnaissables, des couleurs, des costumes (ceux des Bene Gesserit !!), des décors (avec cependant le même problème que dans le premier volet : il est censé faire une chaleur insupportable sur Arrakis ! pourquoi personne ne semble en souffrir ?), des plans, etc. Les SFX sont évidemment bluffants, tant du côté des vers, qui ont enfin droit à des scènes dignes de ce nom, que des bâtiments imposants, les vaisseaux moissonneurs des épices notamment. A l'exception notable de Timothée Chalamet, que je trouve toujours aussi peu convaincant en Paul-Muad'Dib-Usul, le casting est formidable : Rebecca Ferguson aurait pu être la personnage principale de ce volet, Javier Bardem a un rôle vraiment plus poussé que le mentor censé mourir rapidement, et même les caméos qui auront leur importance plus tard (Léa Seydoux, Anya Taylor-Joy) apportent des scènes bienvenues.
C'est un concentré de tout ce que Hollywood peut proposer de bon : un rythme soutenu, de la transgression juste ce qu'il faut (par exemple la course en avant de Muad'Dib à partir du moment où il arrive dans le Sud d'Arrakis, qui le conduit de simple prophète à nouveau rival de toutes les Grandes Maisons), du grand spectacle à chaque scène... La barre est désormais très haute pour la suite !
Alien: Romulus (2024)
1 h 59 min. Sortie : 14 août 2024 (France). Épouvante-Horreur, Science-fiction, Thriller
Film de Fede Alvarez
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Au contraire des deux opus précédents ('Prometheus' et 'Alien Covenant'), 'Alien Romulus' ne brille pas par son originalité : on n'apprend rien de particulier sur le lore en dehors de deux trois boucles un peu anecdotiques (l'androïde Rook, revenu du 1er opus, qui aurait manufacturé lui-même les parasites), et ce film pourrait s'apparenter à un hommage-remake du premier film, tant il lui ressemble dans la plupart de ses structures narratives. En effet, des jeunes gens bloqués sur une planète minière gérée par Weyland Corporation tentent de s'enfuir en abordant un vieux vaisseau en détresse qui survole la planète. Evidemment, ce vaisseau, comme l'a montré le prologue, a récupéré peu avant le xénomorphe lâché quelques années plus tôt dans l'espace par Ripley. Par une suite d'épisodes rocambolesques, incluant le vaisseau des jeunes, le vaisseau principal, les nacelles de cryogénisation, un souterrain ensablé.. bref, comme dans le premier, une multitude de compartiments reflétant les couches et sous-couches organiques dans lesquelles se meuvent les parasites, dans cette multiplicité d'épisodes, Rain, la protagoniste, et Andy son fidèle androïde, tentent de s'échapper.
C'est une franche réussite, tant au point de vue de la fidélité à la saga, du sens du rythme (le fameux dernier acte qui arrive après une fin trompeuse), de l'esthétique (les plans sur les anneaux de la planète qui absorbent les vaisseaux sont splendides), de la place donnée au xénomorphe, etc. Si le film prétend assez tôt cultiver le côté Bishop de la saga, avec l'androïde Andy qui au départ est plutôt attaché à Rain et se fait pirater par l'androïde Rook pour poursuivre la mission de Weyland, cela est assez vite laissé de côté, peut-être de façon un peu grossière (Rain lui enlève la mise à jour et hop) : c'est dommage car c'était vraiment l'apport intéressant des suites du 1er opus, et notamment à travers David et Walter dans les deux derniers, c'est à dire le lien ténu qui lie les androïdes de Weyland à l'humanité. Peut-être que certains trouveront la dernière créature exagérée, mais c'est pourtant un bel hommage à Alien Resurrection, avec les possibilités biologiques offertes par ce corps parasite qui exploite l'être humain.
Bref, Alien Romulus réussit là où il s'engage, c'est à dire concevoir un épisode de la saga certes sans grande originalité, mais qui emmagasine tout ce que le premier avait proposé, ainsi que les suites, et même le suspense horrifique du jeu 'Alien Isolation', dont on tro
Anora (2024)
2 h 19 min. Sortie : 30 octobre 2024 (France). Comédie dramatique
Film de Sean Baker
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Comme toujours avec les films de Sean Baker, se marient le scénario le mieux écrit du monde avec un propos social discret mais intelligent. Et comme souvent, cela concerne les under-privilegied workers, ici Anora, une escort de New York dont s'amourache un jeune héritier russe. Mais à partir du moment où tous deux se marient à Las Vegas, les ennuis commencent, la famille de l'oligarque n'étant pas disposée à ce qu'une "prostituée" vienne entacher leur nom.
Il était juste que Sean Baker reçoive un prix de la taille de la Palme d'Or, et c'est d'autant plus plaisant que ce soit pour 'Anora'. Outre son casting impeccable (à la fois Mikey Madison, qui transcende absolument tout le film, mais aussi les seconds couteaux arméniens et russes, et jusqu'à Igor, le second personnage principal du film), son sens du rythme (avec ce ralentissement incroyable à partir du milieu) et une atmosphère qui se désagrège à mesure que s'effrite la situation du couple, 'Anora' est une épreuve de force émotionnelle : la tension se conjugue souvent avec l'humour, et l'écriture fait autant penser à Tarantino qu'aux meilleures quêtes de GTA V (cet arc central de la recherche d'Ivan dans New York est vraiment formidable), en passant par le comique de situation des frères Coen. Mais Ani reste la personnage emblématique du film, montrant notamment son inadaptation émotionnelle, qui la prédispose bien davantage à s'attacher à des milliardaires superficiels, leur proposant des services sexuels contre rémunération et poursuivant cette ambiguïté y compris après le mariage, plutôt qu'à des hommes comme Igor, dont la simplicité et la concision lui sont incompréhensibles (la scène finale venant évidemment le souligner). Tour à tour maîtresse de la situation et broyée par des forces masculines et/ou patriarcales, Ani incarne toutes ces femmes qui tentent de survivre avec leurs choix, ballotées par des vents sans cesse contraires. C'est subtil et intelligent.
La Bête (2023)
2 h 26 min. Sortie : 7 février 2024. Drame, Romance, Science-fiction
Film de Bertrand Bonello
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Il en met du temps ce film à vous accrocher et à vous faire comprendre qu'il est d'une intelligence rare. Mais à partir du 2ème tiers, ça y est, on soupçonne qu'on est face à un film qui pourrait être appelé à devenir un classique, tant dans la forme que dans le fond. De ce genre de film qu'on voit pour la première fois 60 ans après sa sortie, non pas pour dire qu'on aime ou non, mais pour examiner ce qui en fait un grand film.
Conçu comme un diptyque, où les deux parties sont reliées par une temporalité futuriste où Gabrielle (Léa Seydoux) cherche à "purifier" ses souvenirs de toute émotion pour en évacuer la douleur, 'La Bête' semble à la fois être une réflexion sur la puissance des émotions, mais aussi (et surtout !) sur la condition d'acteur. Car à travers ces deux évocations oniriques, dont on ne sait jamais vraiment si elles sont réelles puisqu'elles se déroulent dans des temporalités que n'a pu connaître Gabrielle (la Belle Epoque française et les années 2010 à San Francisco), ce qui est mis en évidence, c'est la capacité des personnages à éprouver des émotions, à les jouer intensément, à vivre leur vie comme s'ils étaient dans un fond vert et qu'ils ne voyaient pas les éléments qui sont censés les faire réagir. Cette image sert d'abord la scène d'introduction, et revient à deux reprises. Si la première saynète recouvre l'intensité de l'amour, la seconde propose une home-invasion au suspense insoutenable, montrant d'ailleurs que Bertrand Bonello maîtrise à la perfection la réalisation de registres complètement différents.
Et bien sûr, le point fort de ce film est le duo entre Léa Seydoux et George McKay. Tous deux sont d'une justesse, d'une beauté et d'un lyrisme à couper le souffle : plusieurs scènes en costume et d'amour sont vibrantes, charnelles, et Léa Seydoux nous montre à quel point elle est une grande actrice dans cette mise en abyme qu'on croirait taillée pour elle. Tout paraît si vrai dans ses émotions, ce qui rend un hommage formidable à l'objectif de Bonello derrière ce film : celui de montrer la capacité du cinéma à retranscrire des réalités inexistantes ou rêvées, des émotions feintes ou inconnues.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant (2023)
1 h 31 min. Sortie : 20 mars 2024 (France). Comédie, Épouvante-Horreur
Film de Ariane Louis-Seize
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Ce genre de film indépendant est vraiment ce qui fait que je suis heureux de rentabiliser mon abonnement UGC. Rendant hommage aux derniers films de vampires indé qu'ont été "A Girl walks home alone at night" et "Only Lovers Left Alive", "Vampire humaniste cherche suicidaire consentant" (ouf !) nous propose un conte burlesque, celui de Sasha, une jeune adolescente vampire québecoise qui n'arrive pas à mordre les gens. Elle rencontre Paul, un adolescent suicidaire, victime de bullies au lycée, et qui se dévoue pour lui servir de cobaye. Mais évidemment, leur lien bizarre se transforme en amitié ambiguë, à mesure qu'ils s'attachent pour aider l'autre à parvenir à son objectif.
Mélangeant l'humour, le film de genre et le drame adolescent, "VHCSC" surprend par la justesse de ses personnages, la délicatesse de son écriture et de son rythme, et des scènes souvent jolies et à l'esthétique soignée (le plan-séquence sur les deux ados qui dansent chacun de leur côté du cadre dans la chambre de Sasha est si beau ! et ne peut que rappeler le lent rapprochement des protagonistes dans A Girl walks home...) Et comme dans toute histoire de vampire, c'est l'occasion de filer une métaphore et en même temps de parler de ces êtres formidables, avec quantité de clins d'oeil (les pieux dans le coeur, le lever du lit à l'horizontal, le rêve de voir le soleil une fois...) Car pour moi, cette quête initiatique est d'abord celle de son corps, de la confiance en soi, et la découverte du corps de l'autre, avec cet érotisme infernal qui transpire de la scène où Sasha arrive enfin à mordre Paul. Le casting est incroyable, tant dans la famille de Sasha, qui paraît être une famille Addams faite pour jouer ce rôle, ou même la mère de Paul, la maman par excellence.
bref, le cinéma québecois se porte bien, merci pour lui
Le Comte de Monte-Cristo (2024)
2 h 53 min. Sortie : 28 juin 2024. Aventure, Drame
Film de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Eh bien pour une superproduction vendue comme un blockbuster littéraire, c'est une agréable surprise. Sans grande originalité ni prise de risque, 'Le Comte de Monte Cristo' fait clairement le taf, et propose une bonne copie bien classique : le suspense et le rythme sont appréciables, les décors sont particulièrement soignés, et le casting se révèle finalement convaincant (même si Pierre Niney ne sait toujours pas jouer, et qu'Anaïs Demoustier ne devrait pas jouer des rôles dans le passé). Petit bémol cependant pour le personnage de Villefort, qui pâtit du fait que Laurent Laffite prend toute la place : il devient le méchant principal du film, dont la chute est extraordinaire, mais le combat final entre Edmond et Fernand, alors présenté comme le vrai rival, paraît comme terne.
When Evil Lurks (2023)
Cuando acecha la maldad
1 h 40 min. Sortie : 15 mai 2024 (France). Épouvante-Horreur
Film de Demián Rugna
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Prix du Public à Gerardmer, 'Cuando acecha la maldad' n'a rien de très original : un mystérieux mal s'empare de gens dans un village argentin perdu dans la campagne, et deux frères tentent de sauver leur famille de la violence des infectés. Mais ce qui fait la force de ce film d'horreur réussi, c'est qu'il rend une très bonne copie d'un sujet déjà bien éculé. Mariant habilement le film de zombie et de possession, il propose du suspense, une tension extrême, qui peut être résumée dans la scène où le chien de l'ex-femme de Pedro s'apprête à bouffer la petite fille : le film a bien insisté sur le fait qu'il avait senti les vêtements du père, et à ce moment du film on sait que le démon circule par les objets. Donc on sait que le chien est possédé, mais il ne bouge pas ; il est assis sagement, et la petite fille le caresse tranquillement. La caméra alterne entre cette situation apaisée et l'autre pièce, où Pedro tente de persuader son ex-femme de le laisser emporter les enfants pour se mettre à l'abri. Elle ne veut rien comprendre, crie, pleure, lui hurle, le spectateur est cramponné à son siège, car l'action ne se passe pas ici mais ces personnages ne veulent rien savoir, le film nous montre merveilleusement bien la sensation la plus efficace dans un film d'horreur : non pas l'effroi, la surprise mais l'impuissance. Le démon est déjà là, le mal se propage insidieusement, et tout le monde regarde ailleurs.
A ne pas voir après avoir mangé en revanche...
La Salle des profs (2023)
Das Lehrerzimmer
1 h 39 min. Sortie : 6 mars 2024 (France). Drame
Film de İlker Çatak
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Sous des allures d'énième film de profs confrontés à la rumeur et la cancel culture, "La Salle des profs" se révèle être un chef d'oeuvre de métaphore et de réflexion sur la capacité d'une société, ici vue à travers la loupe d'un collège allemand, à faire évoluer ses règles démocratiques en situation de crise. Mme Novak, enseignante de mathématiques et d'EPS, suspicieuse que les affaires de vols d'argent dans l'établissement soient en fait l'oeuvre d'un.e enseignant.e, décide de tendre un piège à la caméra cachée, et accuse la secrétaire de l'établissement, qui réagit de façon outrée et est mise à pied. A partir de ce moment, l'ambiance dans la classe de Mme Novak et dans le collège devient délétère : les bons élèves, dont le fils de la secrétaire, Oskar, sombrent dans la diffamation et les menaces, le journal des collégiens s'improvise lanceur d'alertes et les parents partent en croisade contre une enseignante jugée dépassée et défaillante. Au-delà du propos mesuré sur les difficultés à enseigner dans un monde d'accusations infondées, 'La Salle des profs' est surtout une belle réflexion autour de l'Etat de droit et le basculement vers le fascisme : à de nombreuses reprises ces notions sont évoquées, notamment lorsqu'il s'agit d'agir dans l'urgence. Le pêché originel reste l'accusation de la secrétaire sur la base d'une vidéo lacunaire : elle-même s'estime jugée sans même avoir pu se défendre devant la proviseure. S'en suit une escalade de mesures répressives pour empêcher les voix dissonantes de s'exprimer : censure du journal de l'école, exclusion d'Oskar, etc. Mme Novak au milieu semble encore la bonne conscience de la démocratie, au milieu de ses collègues qui aimeraient résoudre le problème à coup de hachoirs : changer Oskar de collège et ne pas réintégrer sa mère. En négatif, on ne peut qu'y voir le basculement progressif qu'a connu l'Allemagne dans les années 1930, où des épiphénomènes économiques ont conduit le pouvoir nazi à convaincre la majorité de la population que le problème provenait d'une minorité accusée à tort (tout en s'appuyant sur des cas isolés).
Tout cela est évidemment servi par une distribution formidable, et Leonie Benesch est tellement convaincante en prof consciencieuse, bienveillante et mesurée, perdue au milieu de cette entreprise folle qu'elle n'a jamais voulu.
All We Imagine As Light (2024)
1 h 55 min. Sortie : 2 octobre 2024 (France). Drame
Film de Payal Kapadia
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Tout en délicatesse et en bienveillance, 'All we Imagine as Light' est un lent et doucereux poème sur la liberté, les espoirs et les regrets. A travers le regard de deux femmes vivant en colocation à Mumbai, le film trace deux trajectoires : celle de Prabha, femme d'âge mûr abandonnée par son mari (que ses parents lui avaient choisi), parti travailler en Allemagne et qui n'a plus donné de nouvelles depuis un an, elle se construit mélancolique comme infirmière en chef d'un hôpital, et vit dans les illusions du retour et les regrets du passé. Anu, jeune femme pétillante, vit un amour passionnel avec Shiaz, un musulman, mais qu'elle doit côtoyer cachée. Tout est intéressant dans la première partie du film : dans Mumbai vivant à 100 à l'heure, ces deux femmes ralentissent le temps par leurs émotions contraires, la mélancolie de l'une venant se heurter à l'allégresse de l'autre. Pour échapper aux déconvenues, elles décident d'accompagner une amie de Prabha, Parvaty, expulsée de son immeuble et qui s'installe dans son village natal. Cette 2e partie, beaucoup plus lumineuse, pourrait être celle de la rédemption et des espoirs : loin de la ville et de ses diktats, les trois femmes renouent avec leur vraie nature, les grands espaces, l'amour au grand jour, et pour Prabha, une rencontre inattendue qui lui permet de définitivement enterrer ses rêves déçus. Cette fin, éblouissante, rattrape un film parfois longuet, mais servi par des actrices formidables et une réalisation hautement poétique.
Pauvres Créatures (2023)
Poor Things
2 h 21 min. Sortie : 17 janvier 2024 (France). Comédie, Drame, Fantastique
Film de Yórgos Lánthimos
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Objet indescriptible du cinéma de Lanthimos, 'Poor Things' apparaît au début comme une espèce de remake de la créature de Frankenstein : en récupérant le cadavre d'une femme suicidée dans la Tamise, Godwin Baxter, chirurgien défiguré (Willem Dafoe), lui implante le cerveau du bébé dont elle était enceinte. Il éduque ainsi cette femme au cerveau d'enfant, qui découvre la vie. Tout comme un roman d'apprentissage, on suit ainsi Bella Baxter passer par tous les stades de la vie : celui de l'enthousiasme, de la soif de découverte, puis la désillusion, la tristesse, la fin de l'innocence, et enfin la sagesse et la philosophie. La fin du film présente ainsi une Bella mature, responsable, sûre de ses choix, et apte à reprendre la tête de la maison Baxter.
Mais dans une autre lecture, 'Poor Things' est surtout un grand film féministe : celui d'une éternelle prisonnière, créée par et pour les hommes, qui ne cesse de vouloir s'en libérer. D'abord, en quittant la caverne dorée que lui a bâtie son père, le bien nommé God ; par la même occasion, en s'extirpant du mariage forcé avec le gentil Max McCandles. Puis, en brouillant complètement la relation qu'elle a avec le baroudeur Duncan Wedderbred, qui passe de serpent tentateur à amoureux fou à lier et jaloux. C'est le coeur du film : Bella s'émancipe grâce à son enseignement, et parvient à trouver sa voie, celle de la prostitution, qui est présentée à plusieurs reprises comme la seule façon de reconquérir son indépendance pour une femme. Enfin, l'acte final est un des plus intéressants, puisque Bella choisit de retourner vers le mari de son ancienne elle, qui l'a retrouvée à son mariage : il est pire que tous les autres, l'enferme dans son château et souhaite même l'exciser, elle qui a toujours passé ses journées à forniquer. Elle répond calmement qu'elle souhaite partir : il manque son tir et se blesse. Calmement, elle l'amène se faire soigner, et regagne sa liberté.
'Poor Things' est un film magistral, un kaléidoscope des étapes de la vie, de l'enchaînement des émotions et des nécessités de connaître le mal pour accéder au bien.
Daaaaaalí ! (2023)
1 h 18 min. Sortie : 7 février 2024. Comédie
Film de Quentin Dupieux (Mr. Oizo)
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Mais pourquoi Dupieux n'avait-il jamais rencontré Dali auparavant ? Au visionnage de cet énième long-métrage du réalisateur, on ne peut qu'applaudir un mariage très heureux entre l'absurde tranquille de Mr Oizo et l'absurde excentrique du peintre espagnol. Le pitch est déjà complètement déluré : une journaliste tente désespérément d'interviewer Salvador Dali, mais celui-ci, par d'innombrables raisons, ne cesse de refuser ou de reporter l'interview. Mais Dali est lui-même interprété par 5 acteurs différents, les plus impressionnants étant Edouard Baer et Jonathan Cohen, qui en font des tonnes pour incarner l'excentricité de l'artiste, et qui y arrivent très agréablement. Il n'y a plus vraiment d'histoire passé les 15 premières minutes, seulement des saynètes comiques où la répétition, l'absurdité et la non-causalité font plus souvent sourire que rire, mais fonctionnent très bien. A de rares occasions, le film présente également une interprétation des peintures du maître, notamment au début avec les deux hommes qui posent dans la steppe andalouse, ce qui produit des images qui ne seront jamais aussi belles dans le reste du film, hormis peut-être la villa catalane de Dali.
Bref, pas le meilleur film de Dupieux mais peut-être celui qui révèle le mieux ses inspirations et son hommage au peintre de l'absurde.
Moi capitaine (2023)
Io Capitano
2 h 02 min. Sortie : 3 janvier 2024 (France). Drame
Film de Matteo Garrone
Alexandre G a mis 8/10.
Annotation :
Peut-être un des films sur l'épopée migratoire les plus intenses et réalistes qu'il m'ait été donné de voir. Depuis le Sénégal jusqu'aux côtes siciliennes, Seydou et Moussa nous embarquent dans leur odyssée qui passe de l'épique à l'horrifique, entre les bus calmes du Mali, la traversée du désert en pick-up puis à pied (difficile de ne pas penser à l'errance des Hébreux dans le Sinaï), les prisons libyennes et la dure vie de travail d'esclave à Tripoli pour espérer décrocher le sésame : une place sur un bateau de fortune vers l'Italie. Evidemment, Matteo Garrone est empathique : Seydou est un jeune garçon de 16 ans, qui, comme tous les adolescents, rêve, a soif d'avenir et d'ambition. Dans ce récit initiatique, la réalité le rappelle à l'ordre : tu ne dois ta vie qu'à la chance. Celle de ne pas avoir pensé à mettre ton argent dans ton cul, celle d'avoir rencontré un Malien père de famille qui t'a pris sous son aile, celle d'avoir eu une mer calme... En cela, le film est globalement de gauche : qu'un migrant parvienne à parcourir ces milliers de km au milieu de l'enfer, ce n'est pas du mérite ou de l'honneur, ça n'est que de la chance. Mais j'ai du mal à ne pas y voir un film parfois de droite sur ce qu'il aborde (ne pas oublier qu'il a eu du succès dans l'Italie qui a voté Giorgia Meloni) : tout le monde au Sénégal l'incite à ne pas partir, lui disant qu'il va mourir ; l'entraide sur le chemin n'est que très partielle, et ne mène bien souvent à rien (à l'exception de l'homme qui prend Seydou avec lui au marché d'esclaves) ; rien n'est jamais dit sur ce qu'il se passe de l'autre côté de la mer, les garde-côtes italiens ne sont même pas montrés, on ne voit que l'hélicoptère qui s'approche du bateau ; et Seydou qui hurle, conquérant, lorsqu'il a réussi à amener ce navire en Italie... Bref, certaines idées et certains plans sont glissants dans ce contexte, et on a l'impression que les spectateurs de droite auront tôt fait d'y voir une catharsis : vous voyez, on vous avait dit que ça se passait comme ça.
Le Moine et le Fusil (2023)
The Monk and the Gun
1 h 47 min. Sortie : 26 juin 2024 (France). Comédie dramatique
Film de Pawo Choyning Dorji
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Un film intéressant venu du Bhoutan, et qui aborde avec complexité et délicatesse le sujet de l'occidentalisation du pays depuis les années 2000, sous la pression des élites, à travers l'ouverture aux étrangers, symbolisés par ce collectionneur d'armes américain venu acheter un fusil de la guerre de Sécession à un vieil homme dans un village reculé, et à travers la démocratisation. L'intrigue prend place dans ce village, Ura, où les nouvelles habitudes politiques ont bien du mal à se diffuser, et où les innovations occidentales ne semblent pas accueillies très chaudement. L'irruption de la démocratie ne paraît créer que de la discorde entre les familles, tandis que les étrangers ne servent qu'à importer des armes dans le pays. HEureusement, les sages et fiers Bhoutanais savent comment régler ces soucis : en court-circuitant le processus démocratique par la communauté rituelle et religieuse, et en enterrant les armes sous des stèles bouddhistes. Derrière ces dehors un peu simplistes, le film a tout de même de nombreuses qualités : une belle photographie, des acteurs convaincants, et des clins d'oeil aux années 2000.
Le Robot sauvage (2024)
The Wild Robot
1 h 42 min. Sortie : 9 octobre 2024 (France). Animation, Aventure, Science-fiction
Long-métrage d'animation de Chris Sanders
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Le retour de 'DreamWorks' avec autre chose qu'une suite, c'était attendu. Le studio sort enfin des sentiers battus avec une production ambitieuse qui, même si elle ne peut se targuer d'un scénario formidable, a le mérite de jouer avec les émotions et les lieux communs de l'animation pour proposer une qualité graphique et d'écriture intéressante. A travers l'amour filial entre un robot d'assistance échoué sur une île et un canneton qu'il élève, on s'oriente naturellement vers l'attachement, l'abandon, les retrouvailles, etc. Plusieurs traits d'humour et des side-characters pas mal écrits nous permettent de passer un moment agréable.
Juré n°2 (2024)
Juror #2
1 h 53 min. Sortie : 30 octobre 2024 (France). Drame, Thriller
Film de Clint Eastwood
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Pas le film de l'année ni celui qui marquera la carrière de Clint Eastwood, mais 'Juré n°2' pose des questions intéressantes sur le système judiciaire : peut-on être impartial ? est-il souhaitable de l'être ? La justice est rendue par des citoyen.ne.s, qui ont leur vie, leur avis, leurs préjugés. A travers le personnage du juré n°2, on a ainsi une histoire originale : le juré qui est en fait le coupable (accidentel) du meurtre d'une jeune femme. Mais c'est son petit ami violent et ex-membre d'un gang de narcos qui est accusé. Tout l'accuse, et le juré sait qu'il est innocent. Il tente de convaincre les autres membres du jury.
Certes, on pense tout de suite aux classiques du film de procès, mais Eastwood sait néanmoins apporter un peu de complexité à ce qui pourrait n'être qu'un banal téléfilm judiciaire : tout le monde a intérêt à tel ou tel verdict, et finalement bien peu sont enclins à véritablement rendre justice. Sans spoiler, Eastwood prend tout de même parti pour le système judiciaire et son éthique, incarnée de manière ambiguë par la DA qui accuse le petit ami. Mais encore une fois, elle est en campagne pour son élection, et se doit de gagner le procès pour réussir.
Ainsi, comme le dit le juré à la fin, la vérité n'est pas toujours la justice.
The Substance (2024)
2 h 20 min. Sortie : 6 novembre 2024 (France). Drame, Épouvante-Horreur
Film de Coralie Fargeat
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Une note pas particulièrement haute mais absolument pas pour dénigrer la qualité du film : la réalisation est soignée, la proposition scénaristique intéressante, l'intertextualité évidente, le casting très bon, et l'atmosphère horrifique et body-horror bien mise en oeuvre. On va dire que l'envie de vomir à mi-chemin m'a un peu freiné de passer un vrai bon moment.
Pour le reste, je préfèrerais toujours le body-horror érotique de Julia Ducourneau à celui-ci, qui sert davantage une critique du mannequinat, de la détestation de soi engendrée par les diktats sociaux (âge, physique), du star system, parfois sans grande subtilité. Le film est assez prévisible, et le feu d'artifice gore final se voyait venir à des kilomètres. Par ailleurs, le dédoublement aurait pu être un peu mieux détaillé ou utilisé, même si tout s'explique, se justifie et se comprend. Pour cela qu'il prend un solide 7 : c'est intéressant, solide, mais reste difficile à regarder.
Le mal n'existe pas (2023)
Aku wa sonzai shinai
1 h 46 min. Sortie : 10 avril 2024. Drame
Film de Ryusuke Hamaguchi
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Encore un film contemplatif et poétique signé Ryusuke Hamaguchi. Cette fois-ci, on ne parle pas d'amour ou de parenté, mais davantage de ville/campagne, de nature. Sur 1h40, le film ne raconte pas grand chose : le projet d'installation d'un "glamping" dans une commune rurale du Japon voit se confronter deux citadins qui viennent vendre le projet avec les habitants du village, et notamment "l'homme à tout faire", un bûcheron/puisatier économe en mots. C'est l'occasion de mettre en parallèle les trajectoires des urbains, jonchées d'espoirs, de remises en question, d'incertitudes, et celles des ruraux, droites, rythmées par le quotidien et la simplicité de la nature. Pourtant, Hamaguchi parvient à ne pas tomber dans la banalité et la caricature, grâce à une esthétique et une poésie de la lenteur, qui a tendance à prendre au dépourvu dans le premier tiers, mais qui devient délicieuse dans la seconde moitié du film. Et bien sûr, la scène finale n'en finit pas de surprendre : mise en abyme de cette campagne blessée et qui réagit durement ? Réaction de l'art face à l'utilité ? De l'esthétique contre le pratique ? Alors que durant tout le film Hamaguchi nous a endormis avec des considérations politiques sans enthousiasme (la réunion communale est un sommet d'ennui et de lieux communs), on se demande ce qu'il a vraiment cherché à faire dire à ce film, qui ne trouve son intérêt que dans ce dernier moment.
Priscilla (2023)
1 h 53 min. Sortie : 3 janvier 2024 (France). Biopic, Drame, Romance
Film de Sofia Coppola
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Pas franchement original dans la filmographie de Sofia Coppola, "Priscilla" est une énième itération de la femme qui s'ennuie dans un monde strass et d'hommes. Mais on ne peut qu'admirer l'esthétique si particulière, et qui ne se dément dans aucun de ses films, que Coppola arrive à apporter, et la vie si mouvementée et pailletée du couple Presley était toute trouvée pour une mise en scène : costumes formidables tant pour Priscilla que pour Elvis, décors de conte de fée, couleurs, musiques, etc. Tout nous fait vivre les années 1960 du côté du King et de sa Queen, sans que grand chose non plus ne vienne titiller notre intérêt narratif. En effet, le film est globalement vide : évidemment qu'on va avoir droit à la jeune épouse délaissée, violentée, etc. C'est même peu accentué, ce qui en fait une intrigue vraiment très plate, à peine agrémentée de la lubbie spiritualiste d'Elvis. Mais Priscilla elle-même est assez plate, complètement soumise, et seule sa transformation dans le dernier quart d'heure étoffe un peu un personnage transparent.
Longlegs (2024)
1 h 41 min. Sortie : 10 juillet 2024 (France). Épouvante-Horreur, Thriller
Film de Oz Perkins
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Encore rien de bien nouveau sous le soleil du film d'horreur. A la croisée des chemins du screamer bien crade et des poupées flippantes de Conjuring, 'Longlegs' ne propose pas de nouvelle formule. Mais une caméra oppressante de fixité, d'angles quasi fisheye, et d'obscurité aveuglante, nous permet de ressentir un malaise d'atmosphère plus que de situations. D'autant que le propos développé, nettement plus clair dans la deuxième partie, se révèle intéressant : une réflexion sur le sacrifice des parents, ici la mère qui fait un pacte avec le diable pour sauver sa fille. Evidemment, Lee Harker, la personnage principale, une medium travaillant pour le FBI et ayant une relation particulière avec le tueur, ne peut qu'être inspirée de Jodie Foster dans le Silence des agneaux (mais c'est son chef qu'on retrouve en jogging gris en sueur héhé), tandis que le surmaquillé Nicolas Cage campe une espèce de Moneypenny sataniste à mon goût trop peu utilisé dans l'intrigue.
Pas mal de faiblesses, mais d'indéniables qualités esthétiques.
Sans jamais nous connaître (2023)
All of Us Strangers
1 h 45 min. Sortie : 14 février 2024 (France). Drame, Romance, Fantastique
Film de Andrew Haigh
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Long-métrage d'une grande tendresse mais aussi d'une grande tristesse, 'Sans jamais nous connaître' peut être tout à la fois un film sur le deuil d'un homme pour ses parents qu'il a perdus jeune adolescent, sur l'attachement affectif, sur l'identité homosexuelle, etc. Tous ces thèmes sont traités à travers la métaphore de la solitude : Adam vit seul, dans un immeuble neuf de Londres quasiment désert, avec seulement Harry, un autre homme vivant au 6e étage et qui vient lui rendre visite. Entre eux se noue une relation qui devient rapidement de l'affection amoureuse, et qui incite Adam à abandonner le deuil qui le rattache à ses parents, qu'il va visiter métaphoriquement plusieurs fois dans le film.
La direction artistique est lente, nourrie de synthé, de musiques pop et de lumières tamisées. Il s'agit de nous faire vivre la tendresse, la lenteur du désespoir et de la dépression, l'impasse délicate et confortable que représente l'entêtement dans un deuil largement trop installé. Le film peut paraître larmoyant, multipliant les scènes à l'émotivité facile (Adam qui pleure dans les bras de son père, qui demande à ses parents de ne pas s'en aller, ou qui finit par prendre leur place auprès d'Harry), mais le tout reste touchant et fonctionne assez bien.
Il reste encore demain (2023)
C'è ancora domani
1 h 58 min. Sortie : 13 mars 2024 (France). Comédie, Drame
Film de Paola Cortellesi
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Le cinéma italien est en forme ces derniers mois ! Dans un tragicomique parfait, Paola Cortellesi propose une histoire simple mais concise, celle d'une femme enchaînée, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, enchaînée à son mari tortionnaire, qui la bat et la tient sous son joug, alors qu'elle fait des journées de 18h et que le monde évolue. Encadrée par les premières élections auxquelles participèrent les femmes en 1946, cette histoire est celle de toutes les femmes italiennes qui rêvaient de mieux mais qui n'ont pu faire grand chose face au poids des traditions et du patriarcat. Alors certes, Delia se trouve des marges de résistance, que la touche de burlesque de la réalisatrice vient rehausser (l'explosion de la gelateria des futurs ex-beaux-parents...), mais l'absurdité propre au film italien n'est jamais aussi bien montrée que dans la délicieuse scène de la veillée funèbre du grand-père, où tout le monde fait semblant, ou bien ne fait même plus semblant ("Caffè ?"). C'est un film tout à fait agréable, servi par une bonne distribution, et qui rend bien hommage aux donnè italianè.
May December (2023)
1 h 57 min. Sortie : 24 janvier 2024 (France). Comédie dramatique
Film de Todd Haynes
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Alors même que je n'y ai pas été forcément très emballé, 'May December' est une oeuvre de cinéma tout à fait intéressante. D'abord par son intrigue, plus complexe qu'il n'y paraît puisqu'elle superpose le fait divers originel (une femme de 35 ans qui tombe enceinte d'un garçon de 13 ans) avec la réalité d'aujourd'hui (tous deux vingt ans plus tard alors que leurs enfants s'apprêtent à entrer à l'université), et enfin avec la 3e intrigue, celle où une actrice rencontre Gracie pour en apprendre davantage sur elle alors qu'elle va jouer son rôle dans un film. On ne peut s'empêcher de penser aux grands duos de femmes du cinéma, évidemment 'Persona', quand on voit ces deux femmes qui semblent bien s'opposer : l'actrice mystérieuse et qui paraît naïve et douce, et la femme manipulatrice dont on ne saura jamais si elle est si naïve que cela. Evidemment, la venue de cette actrice est l'occasion pour ce couple inhabituel se questionner leur existence, leur destinée, mais c'est au-delà qu'on cherche à regarder : le caractère insaisissable de la vie, ce quelque chose qui nous échappe, incarné par les bégaiements et l'impossibilité de décrire ce qu'il ressent vraiment de Joe, grand adolescent de 35 ans qui ne sait s'il a été manipulé ou s'il a choisi ce qui lui est arrivé. Dans une ambiance très kitsch, ressemblant aux téléfilms de faits divers eux-mêmes, Todd Haynes propose un film unique et captivant.
La Zone d’intérêt (2023)
The Zone of Interest
1 h 45 min. Sortie : 31 janvier 2024 (France). Drame, Historique, Guerre
Film de Jonathan Glazer
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
'La Zone d'intérêt' a tout pour devenir un film canonique dans l'esthétique et la narration cinématographique. Il propose un film dont le principe réside entièrement dans la technique du hors-champ : Jonathan Glazer nous montre le quotidien de la maison Höss, du nom de Rudolf Höss, le commandant du KL Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est une succession de scènes épurées, souvent en plan large, où Mme Hedwig Höss règle la symphonie qu'est la demeure d'un couple de hauts-gradés nazis, dont la maison jouxte immédiatement les parois du camps. L'éducation des jeunes Aryens, le réglage des repas et l'accueil des invités, tout y est montré avec minutie, alors que se déroule en arrière-plan, le plus souvent simplement audible, la mécanique effroyable du génocide des Juifs. Nous vient évidemment en tête 'La Mort est mon métier' de Robert Merle, sur le même Rudolf Höss, où l'impitoyable et l'atroce dessein des nazis était ramené à une suite de chiffres, d'équations à résoudre. Ici, c'est davantage l'objectif de réussite sociale et familiale qui inquiète le couple Höss. Occasionnellement, Glazer s'en éloigne, pour nous montrer par exemple, dans un négatif bien trouvé, la timide résistance d'une jeune fille polonaise d'Oswiecim, qui sème des pommes la nuit sur les zones où travaillent les déportés. A cette occasion, on voit d'ailleurs que les habitants du coin savaient, et décidaient de fermer les rideaux quand les crématoires fonctionnaient la nuit.
Mais la prouesse technique ne fait pas tout, et le film a tendance à ennuyer, puisqu'il évite soigneusement l'éléphant dans la pièce. Là où 'Le Fils de Saül' nous prend aux tripes, caméra à l'épaule, 'La Zone d'intérêt' nous présente le nazisme tel qu'il était : un travail comme un autre, au milieu de l'enfer.
The Apprentice (2024)
2 h. Sortie : 9 octobre 2024 (France). Biopic, Drame
Film de Ali Abbasi
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Biopic sans réelle ambition, 'The Apprentice' surfe surtout sur la vague Trump sans réinventer le genre : le portrait de l'Amérique ambitieuse et sans scrupule des années 70-80, prête à marcher sur n'importe qui pour accéder à une richesse incommensurable. On n'apprendra ainsi rien de particulier mais on se satisfait d'une réalisation correcte et d'une direction d'acteurs intéressante : Jeremy Strong est vraiment convaincant en Roy Cohn, d'abord dur comme de la pierre, puis progressivement vaincu par le VIH et voyant sa créature lui échapper.
Tatami (2023)
1 h 45 min. Sortie : 4 septembre 2024 (France). Drame, Thriller
Film de Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv
Alexandre G a mis 7/10.
Annotation :
Allez t'as le droit à 7 et pas 6 parce que je continue à adorer le cinéma iranien. Mais il y a quand même pas mal de faiblesses dans ce film. D'abord, le scénario parait alléchant, mais au final il ne se passe pas grand chose : Leila Hosseini, une championne de judo iranienne en compétition en Géorgie pour devenir championne du monde, risque d'affronter une athlète israélienne en finale. La fédération iranienne appelle : elle doit se retirer, impossible de prendre le risque d'une défaite. Mais Leïla veut gagner. Cela a des conséquences sur sa famille, sur celle de son entraîneuse...
Et le film s'arrête là. Il y a même un moment de flottement terrible dans le dernier tiers, où le scénario n'avance plus, on a juste une succession de plans de désespoir et d'attente. Il manque clairement de la complexité, des enjeux annexes, tout repose trop sur la boucle principale qui n'est elle-même pas hyper dense.
Par ailleurs, quelques personnages sont assez sous utilisés. La World Judo Association (WJA), à travers le personnage de Stacy, entend jouer un rôle important dans la protection de Leïla en tant que athlète-réfugiée. Mais encore ici, leur caractérisation est toute lisse : maternelle, sa figure ne sert qu'à rassurer des sportives iraniennes pourchassées par le régime, et on n'introduit jamais d'autres enjeux de pouvoir ou même de représailles.
En-dehors de cela, le film propose une belle immersion au coeur d'une compétition de judo, avec du vocabulaire et des prises de vue audacieuses, et le personnage de Leïla est vraiment le socle du film.
Vice-versa 2 (2024)
Inside Out 2
1 h 36 min. Sortie : 19 juin 2024 (France). Animation, Aventure, Comédie
Long-métrage d'animation de Kelsey Mann
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Sans dire que c'est une mauvaise suite (vu ce à quoi Disney nous a habitués...), Inside Out 2 tombe un peu dans le péché habituel des suites de dessins animés : on ne fait que rajouter quantitativement les bonnes idées du 1er, mais sans vraiment renouveler la formule, proposer quelque chose de nouveau dans la continuité du précédent... Bref, cela revient à étendre ce qui était très appréciable dans Inside Out, mais un peu de manière artificielle. Il y a pourtant de belles intentions : à la puberté, Riley doit faire avec de nouvelles émotions, l'anxiété qui prend une place démesurée et détrône les anciennes émotions, l'ennui, l'embarras et l'envie. Et Pixar sait toujours ce qu'ils font, le diable étant dans les détails : à l'adolescence, les émotions font les montagnes russes dans une même minute (scène d'introduction), tandis que la joie laisse progressivement la place aux autres émotions (mais pas trop non plus, scénario oblige).
Mais ce qui ne fonctionne pas, c'est l'intrigue en elle-même : les émotions du 1 sont chassées du cerveau pour aller pourrir loin (?) et cherchent à récupérer l'estime de soi de Riley, dans les déchets des souvenirs. Et puis elles reviennent. Et c'est tout ? Evidemment, la toile de fond est le weekend que Riley passe dans un lycée pour montrer qu'elle sait jouer au hockey, mais on sent que l'alliance entre les deux intrigues ne propose finalement pas grand chose, chaque intrigue ne laissant pas la place à l'autre de se développer. Et ce qui faisait la force du premier volet, les personnages des émotions, devient le seul intérêt du 2e, trop peu appuyé sur un scénario intéressant. Certes, il y a un vrai talent pour dépeindre ce qu'est l'adolescence, mais finalement le propos abstrait est trop visible, il n'y a pas eu d'harmonie impeccable entre le fond et la forme.
Une affaire de principe (2024)
1 h 37 min. Sortie : 1 mai 2024. Thriller, Drame
Film de Antoine Raimbault
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Un film assez anecdotique, certes porté par Bouli Lanners et Thomas VDB, mais sans grand enjeu, autre que d'exposer une affaire de corruption au sein de la Commission européenne en 2012. L'affaire est largement trop compliquée, et peut-être pas assez bien expliquée pour que les rebondissements portent leurs fruits.
Comme un lundi (2022)
Mondays: Kono taimurupu, look joshi ni kidzuka senai to owaranai
1 h 23 min. Sortie : 8 mai 2024 (France). Comédie, Fantastique
Film de Ryo Takebayashi
Alexandre G a mis 6/10.
Annotation :
Sans être le film de l'année 'Comme un lundi' est une intéressante réflexion sur le travail, qui propose des pistes parfois discutables, parfois intéressantes sur la valeur qu'on attribue au travail au Japon : les employés d'une entreprise de communication minable se rendent compte qu'ils revivent à l'infini la même semaine au cours de laquelle doit être rendue une campagne de communication pour des cachets effervescents de miso (??). Pour sortir de cet engrenage, symbolisé par un oiseau fonçant chaque lundi matin sur la vitre de l'open space, ils tentent de se convaincre les uns les uns autres de la réalité de ce timeloop, jusqu'à convaincre le chef, dont le bracelet en perles serait à l'origine du maléfice.
En-dehors d'une réalisation assez drôle mais un peu trop épileptique, 'Comme un lundi' est d'abord une réflexion : faut-il faire du travail le coeur de sa vie ? Et dans cette optique, le travail doit-il n'être qu'une arène des ambitions rivales ou peut-il être un lieu de collaboration ? Le film répond assez clairement, peut-être de façon naïve, sans vraiment remettre en question l'omniprésence du travail dans la vie des Japonais : ici, la personnage principale abandonne même sa vie privée, déjà présente qu'à travers un petit ami au téléphone, pour régler les problèmes de son patron. Cette conclusion douteuse est à peine rattrapée par le sens du collectif acquis au cours de l'aventure, ou encore les rêves d'ailleurs des deux plus jeunes employés, en fin de film. Ce n'est pas un film de gauche, encore moins marxiste, et l'inutilité des tâches n'y est pas franchement mise en avant comme la cause de la boucle temporelle, mais au moins on a un film qui critique le travail au Japon.