Vol(eur) de l'Aigle

Ou comment ne pas faire un film historique.

Être à moitié connu pour ce genre de film, et passer les deux dernières semaines avant la sortie à s’embrouiller avec des historiens, ça devrait vous donner le ton. Dans une certaine mesure, il n’a pas tort. Chipoter sur des détails, ça ne sert à rien et ça réduit le travail de l’historien à compter les poils de cul sur les costumes. Il faut respecter la vision artistique – c’est du divertissement après tout, rien de mal avec ça, mais c’est du divertissement où - au mieux - on se fait chier !

«Je n'ai pas besoin d'historiens pour rendre mon Napoléon épique.» qu’il dit. Mais où est l’épique ? On a cinq batailles, toutes expéditives, simplifiées au possible, avec quelques centaines d'extras au plus, et où les combats se résument à «et là le général pointe du doigt, et il gagne!». Comparez le Waterloo de ce Napoléon et le Waterloo du film éponyme de 70, et vous avez deux mondes différents.

A défaut de le rendre épique, les historiens auraient pu aider à le rendre historique.

Oui, ce n'est pas un documentaire – mais la représentation historique d’un film influe forcément sur notre représentation culturelle commune. Qui dans votre entourage connaît la Bataille de Pont de Stirling autrement qu’à travers Braveheart, ou Thermopyles autrement que comme dépeinte dans 300 ? Personne.

C’est d’autant plus important ici au vu de l’ampleur du personnage traité, ça devrait forcer un minimum de respect. C’est une œuvre visuelle qui nécessite des choix visuelles, certes. Mais les faire faire feu sur les Pyramides, c’est plus qu’un « choix » visuel. Attendez vous à ce que ce film soit le terreau de beaucoup d'idées reçues.

Bref, les erreurs sont là, et elles sont grosses : faire feu sur les Pyramides, Austerlitz gagnée par la glace, le Vol de l’Aigle pour aller pécho Joséphine alors qu’elle est morte une année avant, la défaite de Waterloo due... à la flemme de Bonaparte?

Sans compter qu'aucun travail n'est fait pour proprement contextualiser les scènes, qui en plus de bâcler les évènements traités, s’enchainent à une vitesse hallucinante. On passe d'un coin de l'Europe à un autre en un cut, avec comme seul vrai file rouge la romance foireuse avec Joséphine.

Parfois, ça effleure un portrait de Bonaparte comme un homme. Qui sait commander – mais pas se battre. Conquérir – pas régner. Séduire – pas baiser. Mais c'est au service d'un jeu d'acteur flemmard et décevant de Phoenix, qui rend le personnage aussi détestable qu'oubliable.

C'est une version simpliste qui n’est même pas agréable à regarder. La vision d'un vieil homme à la ramasse, hors-sujet, avec la finesse d'un film des années 50 sans leur grandiosité.

Prenez Ridley, redonnez nous Kubrick, et laissez le nous offrir sa vision de l’Empereur.