Est-il encore possible de mettre 10/10 à un jeu vidéo ?

Annotation :

Pour commencer, un peu de statistiques. Ca fait jamais de mal pour se lancer.

J'ai attribué la note de 10/10 à seulement 6 jeux dans ma collection, sur un total de plus de 250 critiques (plus ou moins étoffées). Ces 6 titres sont finalement assez concentrés dans le temps, puisque leur date de sortie oscille entre 1990 pour Super Mario World et 1998 pour Metal Gear Solid, qui est dans le temps le dernier titre à avoir obtenu cette note.

Apparaît déjà une première interrogation : la note du 10/10 est-elle liée à une notion de nostalgie de titres passés, forcément sublimés par des souvenirs forts ?

Annotation :

Et pour continuer l'amorce de cette discussion - ceux qui me connaissent un peu ne seront pas surpris - je vais me focaliser quelques instants sur Final Fantasy VII, un titre central dans ma vie de joueur.

Comme je l'ai déjà dit dans de nombreux textes et listes, FF7 n'est pas le jeu parfait et n'est pas exempt de défauts. Par ailleurs, il ne séduira pas l'intégralité de la communauté des joueurs, quand bien même elle serait limitée aux seuls joueurs en âge de jouer à FF7 au moment de sa sortie (y jouer en rétro-gaming ne compte pas).

Pour expliquer pourquoi je note 10/10, FF7 est un bon exemple : il est la synthèse parfaite entre les attentes d'une époque, une avancée technologique ou technique notable, une qualité de gameplay en phase avec son époque, et sa capacité à toucher une sensibilité. En ce qui me concerne, FF7 réussi sur l'ensemble de ces 4 cibles principales en étant un jeu qui a révélé un genre - pourtant ancien - aux joueurs européens, a mis en avant de façon intelligente et spectaculaire les vidéo pré-calculées rendues accessibles par le support CD de la PSOne, nous a révélé une histoire riche en personnages attachants, en lieux mémorables et en rebondissements hypnotisant.

En tout cas, je m'y suis investi comme jamais aucun jeu depuis. Mais peut-être est-ce aussi une question d'âge. A la fois pour moi (j'avais 16 ans lorsque FF7 est sorti) mais également pour le média qui n'était pas encore devenu à cette date le support de culture populaire grand public que nous connaissons aujourd'hui (à l'époque, le jeu vidéo restait un loisir de jeunes).

Annotation :

Sorti 6 ans plus tôt que FF7, A Link to the Past parvenait déjà à atteindre ces objectifs. J'avais alors 10 ans, et je balbutiais encore en matière de jeux vidéo.

Vivre une aventure relativement mais intensément libre, découvrir de nouveaux lieux sur la carte, aller et venir dans un univers très marqué 16-Bits mais très convainquant, c'était un grand pas en avant !

Quelques années plus tôt, sur NES, il était difficile de se projeter quelques années plus tard et de s'imaginer au commandes d'un Link presque crédible, lancé dans un duel épique avec Ganondorf.

La encore, cet épisode de Zelda s'avère en phase avec son temps, dont il réussi à sublimer les référentiels et les attentes. Un bon 10/10 quoi !

Annotation :

L'exemple global et le contre-exmple parfait du 10/10, c'est Ocarina of Time. Pour les joueurs console et de mon point de vue, jamais un jeu n'aura autant été attendu et n'aura autant su contenter ses fans à sa sortie. Les gens qui y jouaient autour de moi n'avait qu'un mot à la bouche : la perfection.

Un Link mature dans un univers assez ouvert en 3D, un monde cohérent et consistant dans lequel faire évoluer le héros. Pour moi qui n'y jouait pas, ça ressemblait fort, évolution technique mise à part, à A Link to the Past.

Mais voila, c'est la force de Nintendo que de fournir des épisodes totalement en phase avec les attentes des joueurs des différentes époques, en sortant totalement de l'équation le facteur "nouveauté". Pour quelqu'un qui voit ça de l'extérieur, rien ne ressemble plus à un Zelda qu'un autre Zelda ...

Sauf que moi j'ai joué à OoT à contre-temps. Sur le tard, sur une N64 d'occasion. Je ne nierai jamais la qualité intrinsèque de ce titre. Mais la magie était passée. La communauté était passée à autre chose. Et pour le coup, depuis cette époque, je ne me suis jamais résolu à noter ce titre. Si j'osais, je pense que je lui mettrai un 8/10. Mais je considère que ce serait trop faire abstraction de l'apport qu'il a constituer, en termes, d'émotion, à la communauté lors de sa sortie.

Et cet élément compte aussi. Au-delà du seul jeu, il y a également le message, l'espérance (culturelle, ludique, ...) qu'un jeu génère.

Et dans la notation, ça compte.

Annotation :

Parallèlement, il y a tous ces jeux qui - eux - ne parviennent pas à obtenir un 10/10, alors que, quand on y repense, on se demande ce qui les sépare véritablement du peloton de tête.

Pour illustrer ce propos, j'ai choisi Xenogears à qui j'ai mis 9/10, mais je pense également à Vagrant Story, ou encore Super Mario Galaxy 2. La différence d'appréciation est tenue, il n'y a qu'un petit point, mais ce dernier fait la différence entre l'excellence et l'inoubliable.

Encore une fois, je reste persuadé à travers ces trois exemples que la différence entre le 9 et le 10 n'a finalement que peu de chose à voir avec la qualité du jeu, avec le volet objectif de la critique qui se trame derrière la simple notation.

Au final, sur la base de ces exemple, j'aurais tendance à penser - cela a été évoqué dans certains commentaires de cette liste - que la notation un tant soit peu objective s'arrête à 9. Le +1 qui nous permet d'arriver au summum est finalement le cri du coeur, un élément qu'on explique définitivement pas complètement notre part d'humanité dans cette tentative désespérée de donner une appréciation finie à une oeuvre, à un contenu culturel et sensible.

Le 10/10, c'est donc la résonance de notre sensibilité ?

Annotation :

Nous aimons penser que notre notation est avant tout motivée par le caractère culturel du jeu vidéo qui passe entre nos mains. Plus qu'une note quantifiant la qualité, avec par exemple 2 points pour les graphismes, 2 points pour la maniabilité, 2 points pour la bande son, ... je préfère considérer (à juste titre, selon moi), la note comme un élément global d'appréciation, situant le jeu dans une grille d'analyse mélant plaisir de jeu, qualité du gameplay, signification du titre (quel message ? pour quel public ? avec quel apport ?).

Mais soyons quand même réaliste. Le seul volet technique peut-il empêcher un titre d'atteindre la note de 10/10 ?

Avec Shadow of the Colossus, la réponse semble être (en partie) oui. Car ce titre est pour moi la preuve du caractère artistique et culturel du jeu vidéo. Encore une fois, l'expérience n'est pas parfaite, et le message, de même que le contenu artistique, parfaitement critiquable.

Et pourtant, SotC ne parvient qu'à croiser la ligne du 9/10. Pourquoi ? Avec un peu de recul dans la réponse, sans doute en partie à cause d'un volet technique à la limite de la console, dont il découle une impression de saccade dans un titre qui aurait bénéficié d'une plus grande fluidité.

Même si je ne suis pas à l'aise avec cet argument (car il nie une partie de mon processus intellectuel lorsque je note un jeu), je pense qu'un SotC sorti directement sur PS3 et bénéficiant d'un volet technique plus poussé et plus novateur aurait pu atteindre la note de 10/10 ...

Annotation :

Et puis dans la balance de la notation, se cache également, je le pense, la notion très mercantile mais présente, de rentabilité. Pour appuyer ce propos, je poserai la question suivante : un jeu indépendant - par nature moins riche en termes de quantité qu'un jeu AAA - peut-il atteindre la note de 10/10 ?

Les concepts sont présents et généralement novateurs. Il suffit de citer les exemples de The Unfinished Swan, de Journey, de Braid, de Limbo, ... Pour le coup, la seule appréciation de leur valeur culturelle et ludique leur permet d'atteindre des notations déjà confortables.

Mais il se heurtent généralement à un trait de caractère qui leur est commun : leur aspect éphémère, ou parfois désuet. Un jeu indie ne dispose pas de la profondeur de champs, et notamment de la durée de vie, permettant de s'investir sur la longueur dans son aventure et dans son univers.

Annotation :

Le cas "The Last of Us".

Dans la période récente, s'il y a bien un titre auquel je pensais qu'il était possible de mettre 10/10, c'était The Last of Us. Tant de critiques positives, tant de belles choses lues sur les sites, blogs et forums, tant de retours positifs autour de moi.

J'y ai joué. Et c'était bien. Très bien même.

La grande force de TLoU - comme je l'ai un peu écrit dans ma critique - c'est d'être un jeu synthèse de cette 7ème génération de console. Un titre finalement assez narratif, très mis en scène, et qui construit une relation forte entre deux personnages pour nous mettre face à un "instant significatif d'humanité" (j'utilise cette expression un peu bizarre pour ne pas spoiler) à la fin. Bref, TLoU, c'est vraiment la technologie et le gameplay de cette génération mis au service d'un récit destiné à toucher, in fine, notre sensibilité.

10/10 ? Et non ! 9/10 pour moi.

J'en discutait avec me tendre et chère tout à l'heure (qui goute peu le jeu vidéo) et je lui expliquait le principe de cette liste (elle a eu la patience de m'écouter en parler 5 minutes pleines). Et j'en venais à l'hypothèse suivante : peut-être le jeu vidéo, comme d'autres avant lui, est devenu un média désenchanté ?

Car TLoU, que je considère personnellement comme le point d'arrivée de cette génération de console, ne parvient - et c'est déjà beaucoup - qu'à faire une brillante et merveilleuse synthèse de ce qu'a été, ces dernières années, le parcours du jeu vidéo.

Mais malheureusement, à aucun moment il ne nous montre le chemin vers la suite. C'est sans doute là le point qui manque ...