Conterandu n°1
On rencontre Charlie Gordon juste avant l’opération qui doit lui permettre d’augmenter considérablement son QI. Premier cobaye humain, les docteurs qui vont le suivre sont particulièrement confiants car la souris Algernon, ayant subi la même opération, semble très bien réagir. Le roman suit l’évolution de Charlie grâce à ses comptes rendus qu’on lui a demandé d’écrire pour suivre son développement. Et l’on ne quittera pas un instant l’esprit de Charlie, n’ayant d’aperçu de ce qui lui arrive qu’à travers ses yeux.

Charlie est conscient de son retard et veut sincèrement devenir intelligent. Il est travailleur, courageux et apprendra à lire malgré les efforts que cela a pu lui demander. D’abord très simple, bourré de fautes et pénible à lire, son récit devient plus précis, mieux orthographié, plus riche à mesure qu’il progresse sans même s’en rendre compte. Une fois l’apprentissage devenu facile, même plus facile que pour le commun des mortels, il semble oublier a quel point cela a pu lui être pénible. Il semble vouloir oublier le Charlie qu’il était avant, rejetant petit à petit tous ceux qui lui semble inférieurs – autant dire de plus en plus de monde.

Devenir plus intelligent, ce n’est pas seulement élargir son spectre de connaissances. C’est aussi s’apercevoir que les autres qu’il a toujours considérés comme ses amis se moquent et se servent de lui. Se rendre compte qu’on ne rit pas avec lui mais à ses dépens. Et gérer ce changement. Devenir plus intelligent c’est d’abord s’ouvrir au monde et aux autres qu’il n’arrivait pas à cerner pour réaliser que rien n’est ce qu’il croyait. Changer, c’est se confronter au regard des autres qui n’admettent ou ne comprennent pas forcément ce changement.

A travers le récit de Charlie ressort l’idée que l’individu n’est pas juste un être bardé de connaissances ou de capacités à les emmagasiner, c’est aussi un être doué d’émotions. Que l’on se construit à partir d’expériences passées, de la façon dont elles nous ont marqués. Et que lorsque le développement est inégal, le résultat est nécessairement instable. Charlie, devenu très – trop – intelligent a le plus grand mal à gérer les émotions nouvelles qu’il ressent. Il ne peut y répondre que par les moyens qui lui ont été donnés dans son enfance, qu’il a toujours appliqués sans chercher à les remettre en cause car il n’imaginait même pas qu’il pouvait en exister d’autres. Et l’une des quêtes du Charlie-nouveau sera de parvenir à aller contre ces acquis devenus réflexes pour que son « intelligence émotionnelle » rejoigne son développement intellectuel.

Au fil de la lecture, l’on pourra se demander ce qui est le mieux pour Charlie, qui reste un phénomène de foire tant il est passé d’un extrême à l’autre. Exceptionnel s’emploie dans les deux sens et ne semble pas plus enviable dans l’un que dans l’autre, pour des raisons différentes. Le bonheur est-il dans l’ignorance ? Dans la normalité ? Dans la compréhension totale du monde qui nous entoure ?  L’intelligence ne suffit pas au bonheur de Charlie qui, pourtant, voulait tant l’être.

Conterandu n°2
A la fin de mon édition se trouvait aussi la nouvelle originale de 1959. J’aurais dû la lire avant, car elle paraît bien vide à côté du roman. Elle retrace de façon assez succincte l’évolution de Charlie. Les personnages sont déjà là pour la plupart et la progression est la même. J’ai d’ailleurs constaté que certains passages de la nouvelle étaient repris tels quels dans le roman. Le récit se tient bien mais il lui manque un des enjeux qui m’a le plus intéressée dans le roman : le rapport aux autres et les émotions. On voit bien l’évolution de l’intelligence de Charlie mais ses émotions sont mises au second plan. La famille et le passé sont inexistants alors qu’il sont prétexte à beaucoup d’introspection, de réflexions. Miss Kinnian n’est qu’accessoire – inimaginable à la lecture du roman. Lue dans la foulée, j’ai du mal à me forger une opinion dessus car j’ai forcément une sensation de manque après le roman qui ne m’a pas paru trop long.
Nomenale
8
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le 18 mars 2014

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Nomenale

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