Suite directe de Les Cigares du pharaon, Le Lotus bleu marque un tournant dans les aventures du jeune reporter.

Tout d'abord, l'histoire.

Alors qu'il se repose en Inde dans le palais du Maharadjah de Rawhajpoutalah, Tintin reçoit la visite d'un Chinois venu de Shangai pour lui remettre un message important. Malheureusement, il reçoit une fléchette imbibée de Radjaïdjah/Poison-qui-rend-fou et a tout juste le temps de prononcer les mots Mitsuhirato et Shangai et perd la raison.

Voulant en savoir davantage, Tintin se rend immédiatement à Shangai afin d'en savoir plus.

Ce qui démarque grandement Le Lotus bleu des albums précédents est qu'il est bien plus authentique que ces derniers.

En effet, alors que dans Tintin au Congo Hergé glorifiait la suprématie de l'homme blanc sur l'homme noir, dans Le Lotus bleu, l'auteur critique la soi-disant supériorité occidentale et la domination japonaise sur la Chine maltraitée et opprimée.

Et ce n'est pas tout. On sent le changement de mentalité de l'auteur sur le monde. En effet, alors que dans Tintin au Pays des Soviets, un groupe de chinois 'mangeur-de-chiens' était représenté avec des tresses, dans Le Lotus bleu, les habitants de la Chine sont représentés de façon réaliste tandis que les occidentaux sont moqués pour leurs préjugés à travers une réplique de Tintin; réplique dans laquelle Hergé fait son auto-critique par rapport à sa mentalité du passé.

Les peuples se connaissent mal[...]Beaucoup d'européens s'imaginent que tous les Chinois sont des hommes fourbes et cruels qui portent une natte et qui passent leur temps à inventer des supplices et a mangé des oeufs pourris et des nids d'hirondelle. Ces mêmes européens croient, dur comme fer que toutes les Chinoises, sans exception, ont des pieds minuscules et que, maintenant encore, toutes les petites filles chinoises subissent mille tortures destinées à empêcher leurs pieds de se développer normalement. Enfin, ils sont convaincus que toutes les rivières de Chine sont pleines de petits bébés chinois que l'on jette à l'eau dès la naissance.

Sans parler des bien peu futés Dupondt "s'infiltrant" en Chine habillés de la manière que Tintin décrit et voient la foule leur rire au nez pour leurs déguisements ridicules.

Puisque nous parlons de cette tirade, parlons maintenant de l'interlocuteur à qui elle est adressée. Il s'agit de Tchang-Tchong Jen, un pré-adolescent Chinois que le jeune reporter croise sur sa route. Durant l'histoire, celui-ci est mis sur un pied d'égalité avec Tintin: lui sauve plusieurs fois la vie, est intelligent et également très sympathique.

Et pour cause, ce dernier est inspiré d'un véritable ami d'Hergé ayant le même nom que celui de ce jeune personnage que Tintin croise sur sa route. C'est grâce à ce dernier que l'auteur a été capable de représenter la Chine de façon juste à travers des mots écrits dans la langue locale comme "À bas l'impérialisme!"

Le vrai Tchang fut tellement impliqué dans la création de l'album qu'Hergé lui proposa de co-signer Le Lotus bleu mais ce dernier refusa par peur de subir la répression de son pays n'hésitant pas à emprisonner, voire à faire exécuter, leurs habitants pour "crime d'opinion" et devint sculpteur jusqu'à décédé en 1998.

Revenons à l'album. Hergé va si loin dans sa volonté de prendre partie pour la Chine opprimée qu'à part notre héros Tintin, TOUS les occidentaux sont des méchants: Gibbons, n'hésitant à brutaliser et traiter de "chink" des chinois qu'il bouscule. Dawson, le chef de la police internationale n'hésitant pas à faire abstraction de la loi quand ça l'arrange.

Ou encore Rastapopoulous révélant son vrai visage à la fin de l'histoire.

En dehors de l'Occident, le Japon s'en prend aussi plein la tronche faisant ainsi allusion aux invasions du Japon en Chine ainsi qu'aux conflits destructeurs déclenchés à cause de cela.

Mitsuhirato est un excellent méchant: intelligent, violent, menaçant, cruel...Bref, tout ce qu'il faut pour être un antagoniste digne de ce nom. Et n'oublions pas ses hommes de main ou encore le bien peu sympathique général Haranochi tous plus dangereux les uns que les autres.

Dans Le Lotus bleu, tous les gentils sont des chinois. Tchang lui-même mais également le vénérable Wang Jen-Ghié, chef des « Fils du Dragon » luttant contre les trafiquants de drogue, son fils Didi protégeant Tintin...

...au prix de subir le châtiment du poison-qui-rend-fou, le professeur Fan Sen Yeng trouvant un antidote au terrible poison en question...

...sans compter de nombreux figurants chinois aidant Tintin à plusieurs reprises au cours de son aventure.

Puisqu'on parle de notre héros: Le Lotus bleu est la rare histoire où il subit plus qu'il n'agit (c'est même l'un des rares albums où on le voit pleurer, ce qui le rend plus humain). En effet, ce tome n'hésite pas à le montrer subir la violente répression et corruption des occidentaux et japonais en lui faisant payer le prix de son altruisme et sa gentillesse...

...à travers le supplice de la cangue en étant exposé aux habitants en guise d'exemple pour ne pas se rebeller contre les occidentaux et les japonais, une condamnation à mort arbitraire sans procès.

Et n'oublions pas le lieu donnant son titre à l'album: le Lotus bleu, la fumerie d'opium de Shangai montrant des gens se perdre dans les paradis artificiels au point qu'ils paraissent sans vie quand on voit les fumeurs de drogue.

Sans compter le fait qu'on révèle que des hommes haut-placés soit-disant respectables vont à la fameuse fumerie pour "profiter" des paradis artificiels et que Tintin lui-même semble être tenté par la dangereuse drogue.

Mais, en dehors de tout ça, Le Lotus bleu est également un album très drôle avec les Dupondt toujours aussi stupides dans le bon sens...

...Tchang qui les ridiculise en remplaçant leur mandat d'arrêt au nom de Tintin par une lettre où il est écrit "Au cas où vous n'auriez pas remarqué que nous sommes deux fous, en voici la preuve officielle"...

...Milou déstabilisé par un Tintin agissant de façon infantile pour faire croire à son ennemi qu'il l'a battu.

Tout ceci pour dire que Le Lotus bleu a tellement de qualités qu'il est difficile de lui trouver des défauts.

Les rares choses qu'on peut lui reprocher est un début assez lent un peu monotone faisant soupirer car on se demande quand est-ce qu'il va se passer quelque chose d'intéressant ou toute une histoire d'enlèvement ne menant nulle part au milieu du récit.

Bref, Le Lotus bleu est une perle qu'il faut absolument lire sous peine de rater une oeuvre incontournable.

Jetez vous dessus!

Pour ceux que ça intéresse, voici une review de The Reg traitant des épisodes Les Cigares du Pharaon et Le Lotus bleu de la série d'animation 'Les aventures de Tintin' de 1991 https://www.youtube.com/watch?v=qEL8VMa9XJ4

BlackBoomerang
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le 22 juil. 2023

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BlackBoomerang

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JuYawn
9

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