Attendu depuis 3 ans Benedetta promettait de diviser comme n’importe quel film de Verhoeven par le passé. On constate que c’est déjà le cas, entre ceux s’indignant d’un n-ième film de nunsploitation peu inspiré ou d’une série Z ridicule et ceux louant un film complexe aux multiples niveaux de lecture la guerre fait déjà rage. De mon côté, sans surprise si vous avez vu ma note, j’appartiens à la seconde catégorie.


Un petit rappel du contexte dans lequel le film se déroule. Benedetta est une petite fille envoyée au couvent très tôt et qui a été éduquée dés son plus jeune âge dans ce but. Le film s’ouvre et nous montre ça avant une ellipse de 18 ans ou l’histoire principale se déroule. Bartolomea est une paysanne qui cherche refuge dans le couvent et Benedetta la prend sous son aîle. Une histoire d’amour naît après une séquence aux chiottes mémorable.


Verhoeven est un cinéaste satirique, ce film en est une, et violente qui plus est. Il nous montre plusieurs facettes de l’église via des personnages tous plus pourris les uns que les autres. La ou la religion promet paix, amour, dévotion et j’en passe des belles promesses on nous montre une institution qui s’en sert pour justifier un buisiness juteux, souffrance, mensonge, manipulation, jeux de pouvoirs etc…
L’institution en tant que business est présentée dés le début lors de l’arrivé de Benedetta au couvent, ou le père qui promet déjà des vivres au couvent en quantité non négligeable annuellement se voit obligé de payer une dote supplémentaire. Une négociation s’engage sur le montant, mise en scène façon acheteur/vendeur qui enlève toute humanité à Benedetta qui n’est rien d’autre qu’un objet. Quelques minutes plus tard on lui apprendra d’ailleurs que : « son pire ennemi c’est son corps », une marche supplémentaire dans l’effort de déshumanisation des novices.
C’est l’arrivée de Bartolomea au couvent qui va réellement lancer le film. Elle va être le déclencheur des visions de Benedetta. Bartolomea est une fille de paysan, illettrée, abusé par son père et ses frères, les codes du couvent lui sont inconnus. Elle tombe amoureuse rapidement de Benedetta et va tout faire pour susciter du désir chez elle. C’est le fait de contenir ses pulsions qui va donner lieu à la première vision de Benedetta. La ou la mise en scène du film est très désacralisée celle des visions l’est totalement au point ou le contraste paraît même assez absurde. C’est par l’utilisation intelligente de ses visions que Benedetta arrivera à la tête du couvent.
Toute cette partie n’est que magouille religieuse et jeu d’influence entre l’abbesse et la hiérarchie masculine. C’est aussi là qu’on voit que personne ne croit aux visions de Benedetta mais que tout le monde joue le jeu. Tout le monde sauf une sœur qui sera la victime d’une institution qui ne laisse pas la place à la parole. La sœur rebelle n’est cependant pas moins pourrie que les autres, quand elle dit : « n’est ce pas nous qui dictons quelle est la volonté de Dieu ? » elle montre qu’elle agît plus par intérêt (elle secondait l’abbesse fraîchement destituée) qu’autre chose.


Je ne détaillerai pas le dernier acte avec l’intervention de l’évèque dans l’intrigue, cependant j’aimerai détailler un peu que qu’on peut tirer du personnage de Benedetta. À mon avis le film est assez intelligent pour ne jamais réellement trancher la question des visions de Benedetta. Elles sont là, elles existent, contrairement aux stigmates qui sont expliqués via l’automutilation. On ne peut donc que théoriser sur la nature de Benedetta finalement. Est-elle une fervente religieuse réellement inspirée par des visions divines ? N’est-elle qu’une manipulatrice ? Est-elle tout simplement folle ? Les 3 à la fois ?
Je ne pense pas qu’elle soit une manipulatrice pure étant donné qu’on nous montre clairement des visions, pour moi il est évident qu’on ne puisse pas ignorer la nature des visions pour juger de Benedetta, elles sont trop importantes dans le film. À mon sens la nature complètement décalée voir absurde des visions écarte aussi la thèse des visions divines, c’est pour moi un élément qui vient marquer la folie, question que se pose d’ailleurs l’abbesse elle-même. Cependant je la crois aussi fervente religieuse notamment pour la séquence finale qui la pousse à retourner au couvent pour tenir ses engagements auprès de Dieu. Benedetta est pour moi un personnage beaucoup plus complexe et ambigu, à l’image du film et de Verhoeven en général, que ce que certains pisse-froid veulent bien nous faire croire.


Il reste énormément de chose à dire sur ce film, déjà sur son dernier acte et aussi, je pense qu’il y a un parallèle à faire entre le rôle de la peste dans le film et Bartolomea.

FabienBe
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le 11 juil. 2021

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Fabien B.

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