Bien qu'il soit argentin, Citoyen d'honneur ne partage que quelques points communs avec l'explosif Les nouveaux sauvages. Le goût de la satire et de l'humour noir, sans doute, mais le film de Cohn et Duprat n'est qu'en partie une comédie avec des éléments dramatiques et une réflexion fort intéressante sur les mécanismes de la création. Le film est entièrement vu à travers les yeux de son héros, écrivain qui vient de recevoir le Nobel, de retour dans son petit village de la pampa qu'il a quitté depuis ses 20 ans. De cynisme, il n'y a point dans cette vision certes cruelle mais aussi parfois tendre de la vie provinciale. L'écrivain lui-même est un individu peu sympathique, arrogant et manquant assez souvent d'humilité même s'il lui arrive d'être lucide par rapport à lui-même. Le film est finalement davantage axé sur la manière dont les romanciers se nourrissent sans aucun principe moral des personnes qu'ils rencontrent. Cette mise en abyme de la réalité et de la fiction se retrouve d'ailleurs dans un dénouement assez malin, comme un symbole d'un film loin d'être lisse et qui peut donner lieu à plusieurs interprétations. Son écriture a quelque chose de littéraire et il faut bien avouer que son aspect visuel est beaucoup moins léché. Cohn et Duprat ont un riche passé de documentariste et nul doute que filmer à la fçon du Dogme danois leur a semblé la meilleure option. A la réflexion, le choix n'est pas si mauvais. L'interprétation d'Oscar Martinez, qui lui a valu un prix à Venise, est absolument remarquable au milieu d'un casting d'où émergent un certain nombre de "trognes" invraisemblables. Cela ajoute à une dimension absurde, voire kafkaïenne, d'un récit où rien n'est prévisible et où le cauchemar n'est pas loin de prendre un aspect fantastique. Citoyen d'honneur n'a pas le même impact dévastateur de Les nouveaux sauvages mais c'est un film plutôt subtil derrière une apparente rugosité et à l'honneur de l'école cinématographique argentine.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Au fil(m) de 2017 ...

Créée

le 12 mars 2017

Critique lue 641 fois

2 j'aime

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 641 fois

2

D'autres avis sur Citoyen d'honneur

Citoyen d'honneur
Roinron
7

Un prix Nobel dans la cambrousse

Citoyen d’honneur est une sympathique comédie caustique, traitant de la place de l’artiste dans la société, de son rapport avec la célébrité, ainsi que des liens poreux qui séparent la fiction et la...

le 23 mars 2017

9 j'aime

7

Citoyen d'honneur
ChristineDeschamps
9

Critique de Citoyen d'honneur par Christine Deschamps

Une excellente surprise que ce film argentin qui peut se targuer d'un véritable propos, sur l'art, la culture, l'inspiration, la probité ou la beauferie. Un prix Nobel de littérature revient au...

le 24 sept. 2018

3 j'aime

Citoyen d'honneur
seb2046
7

Quand la réalité dépasse la fiction...

CITOYEN D’HONNEUR (14,4) (Mariano Cohn & Gaston Duprat, ARG, 2017, 117min) : Cette satire caustique habile suit les aventures de Daniel Mantovani, écrivain argentin lauréat du Prix Nobel de...

le 10 mars 2017

3 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

76 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

76 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13