Cinq mots me viennent à l'esprit si je dois décrire mon ressenti : terriblement prétentieux et simplement grandiose.

Nolan n'a jamais fait partie de mes réalisateurs préférés je dois l'avouer, trop froid et cérébral pour moi (contrairement à Kubrick qui, à ces tares, ajoute un sens de l'esthétisme qui me plaît et une dynamique hollywoodienne à ses films). Pourtant, je lui ai toujours reconnu un véritable savoir-faire, un sens de la manipulation du spectateur assez incroyable et un don pour mettre en images des récits faussement complexes, bougrement bien construits. A cet égard, Interstellar est peut-être, et je pèse mes mots, son chef-d'oeuvre.

Au-delà d'une série d'images incroyables (la tempête de poussière, la planète-tsunami ou, plus simplement, les conversations skype étonnamment émouvantes) associées à une musique d'un Hans Zimmer plus en forme que jamais, Nolan parvient surtout à se hisser occasionnellement à la hauteur de son modèle kubrickien (référence indiscutable : les clins d'oeil à 2001 sont partout dans le film) en offrant un récit assez sombre, pessimiste, privilégiant les silences et un sens de l'entertainment revendiqué (l'étirement en longueur des scènes à suspens) à des effets usés et un peu à côté de la plaque (coucou Gravity).

Interstellar, c'est l'art de rendre palpable un univers complexe de données scientifiques barbantes, de captiver avec de la physique avancée, de balancer des théories incompréhensibles pour la plupart des spectateurs. C'est une direction d'acteur hors-norme, où Matthew McConaughey confirme son génie. C'est une leçon en termes de montage, dans la capacité de rendre insoutenable une scène assez simple. Ce sont des défauts, comme des moments de mous, un quart d'heure de trop, une débauche d'effets spéciaux qui fait basculer le film d'un 2001 contemporain à un The Fountain très kitsch. Mais qu'importe.

Interstellar, c'est surtout la preuve pour moi que le Cinéma n'est pas mort, qu'il existe encore quelques artistes capables de penser non pas en termes d'écrans de salon mais bien en termes de salles obscures, des types qui exploitent encore la puissance de l'effet de masse, du système audio et de la taille imposante du rectangle blanc face aux spectateurs. Nolan n'est pas le seul, c'est vrai, mais rarement depuis quelques années un cinéaste aura autant revendiqué son envie de faire vivre son film en salles et non en dvd. Parce qu'il est un vrai film de cinéma, Interstellar est tout autant une jolie lettre d'amour au septième art qu'un espoir de ne pas le voir se laisser aller à la facilité.
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le 29 déc. 2014

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