Âpre et radical

Je n'ai vu aucun film de Cédric Kahn avant celui-ci et je dois dire que j'ai été surpris par la radicalité du film. On a un film en huis clos (enfin à part la scène d'ouverture qui sert vraiment à jeter le trouble sur le personnage de Goldman), avec un jeu d'acteur assez théâtral (perso j'aime beaucoup), une image qui a du grain, filmé en 4:3 et surtout un rythme qui ne ralentit jamais comme si on faisait face à une fuite en avant.

Le procès Goldman, inspiré donc de l'histoire vraie du demi-frère de Jean-Jacques, c'est avant tout un procès où personne se souvient de rien, où la matérialité des faits est impossible à prouver et où l'accusé refuse certains passages obligés d'un procès, notamment avoir un témoin de moralité parce qu'il juste qu'il est innocent parce qu'il est innocent et pas parce qu'un péquin dit qu'il avait de bonnes mœurs.

Disons que ça pose le décor...

Surtout que Goldman n'est pas d'accord avec son avocat sur sa stratégie de défense, Goldman est un communiste et il a pour ambition semble-t-il d'exposer toute la perversion du système, le racisme de la police et de la justice. Là où l'avocat est beaucoup plus mesuré et tente d'apaiser les choses. On sent toute sa frustration de devoir gérer un iconoclaste, dont on apprend dès le début du film qu'il y a un certain mépris entre les deux.

J'aime cette dynamique où l'avocat est profondément exaspéré par son client qui l'empêche de plaider comme il le désire, pendant que l'autre passe son temps à s'enfoncer à tenter de détruire le système répressif français.

En plus le film se termine et on ne sait finalement pas s'il a vraiment commis les meurtres dont on l'accuse, on a juste le verdict du procès, on ne sait pas s'il y a vraiment une machination policière à l'encontre de Goldman pour le faire tomber... On ne sait rien... Mais on voit bien que c'est possible. Oui c'est possible que Goldman soit un assassin, mais c'est également probable qu'il soit innocent et qu'il a été piégé par une police raciste et antisémite. Surtout que la carton à la fin du film expliquant qu'il est mort peu de temps après sa libération dans des circonstances troubles mettent bien le doute également.

Le film évite également pas mal d'écueils des films de procès, avec un aspect dépolitisé, des acteurs qui en font des caisses, des retournements de situation en pagaye... ici c'est sobre, brut, on enchaine les témoins, on n'a aucun indicateur temporel, on ne sait pas combien de temps peut bien durer le procès... il y un a un effet accumulation, où on voit tous ces gens qui veulent faire tomber Goldman sur des incertitudes, des imprécisions... et en même temps les trucs un peu étranges sur le comportement de Goldman s'accumuler...

Et vu qu'on ne sait pas, on repart troublé, on y repense...

Comme je le disais le film assume l'aspect politique et ça fait plaisir, on a un film français qui attaque l'institution policière, la racisme dans la police (ou devrais-je dire : de la police, pour respecter la vision de Goldman) et avec une vision radicale esthétiquement. Que demande le peuple ?

Bref, je ne m'attendais pas à un film aussi âpre, aussi fort et aussi radical.

Je me dois de dire un mot sur les acteurs, parce que Arieh Worthalter est extraordinaire, le mec il a une carrière qui commence vraiment à ressembler à quelque chose et à chaque fois dans des registres différents.