The Dark Angel
Tim Burton avec Michael Keaton, Christopher Nolan avec Christian Bale, Zack Snyder avec Ben Affleck. Batman est un des super-héros qui cumule le plus de nouvelles adaptations jonglant entre des...
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le 2 mars 2022
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[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]
Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est d'aller chercher dans de l'ancien. Le réalisateur Matt Reeves a dû le comprendre puisqu'il donne un Batman détective, comme dans les comics d'origine. Le tout avec pour cadre une société rongée par la corruption la plus crasse, surtout de la part de ceux qui sont censés la combattre. Et pourquoi pas. C'est dommage par contre qu'il pompe sans vergogne son intrigue de thriller/film noir sur David Fincher. Il y a une pointe de Zodiac pour les cryptogrammes, mais, bien évidemment, je pense essentiellement à Se7en.
Déjà, visuellement, avec son ambiance noire, poisseuse, pluvieuse, avec ses raies de lumière agressives (du fait du contraste !), ça saute à la gueule. Mais sur le plan de l'intrigue, cela va tellement loin dans le pompage que j'ai même été étonné de ne pas voir l'assassin se laisser attraper en ayant des pansements blancs enroulés sur le bout de ses doigts (ceux qui ont regardé le Fincher comprendront !).
Ensuite, il y a le côté super-héros.
Les séquences de baston se démerdent bien
(bon, même si j'ai été étonné de voir Zoë Kravitz parvenir à envoyer des mandales à plein de jeunes armoires à glace avant de se faire facilement ratatiner par un Monsieur nettement moins costaud de plus de soixante piges juste parce que celui-ci est le boss des méchants !).
On est loin de la confusion d'un Nolan. Quand Batman se fait une dizaine de mecs baraqués à la suite, c'est clair, c’est net, c'est précis. Il y a même un plan bien inspiré, où c'est le noir complet, uniquement illuminé par le feu des armes des ennemis.
Pour les très grosses scènes d'action (assez rares pour le coup, ce dont je ne me plains pas particulièrement, si on part du principe que le scénario se focalise sur la traque d'un tueur !), je suis plus dubitatif.
Celle de la course-poursuite sur l'autoroute est montée avec les pieds. Quelquefois, c'est même difficile de savoir qui poursuit qui. En outre, dans le fond, ça dérange le protagoniste de buter des crapules, mais risquer la vie de plusieurs centaines d'innocents en train de rentrer du boulot ? Non, on s'en fout. Bon, OK.
Dans celle lors du discours de victoire, il y a des messieurs qui tirent d'en haut, il y a une putain d'inondation, il y a du matériel lourd pouvant tomber ou s'effondrer à tout moment, électrique qui plus est (inutile de dire que cela allié avec de la flotte, ça ne fait pas un joli mélange !), et personne ne trouve que ce serait une bonne idée d'évacuer tout le monde au plus vite. Allô, les pompiers, la police, le service de sécurité ? Non, on s'en fout. Bon, OK.
La distribution donne assez envie, même si elle ne fait pas des étincelles malheureusement. Ce qui est plus le résultat d'une écriture pas à la hauteur que des acteurs et actrices. À l'image de Robert Pattinson qui n'est certes pas le comédien du siècle, mais qui n'est pas mauvais non plus. Oui, je sais que les parents de son personnage ont été assassinés. Que ce n'est pas la joie, tout ça. Qu'il est normal qu'il soit triste, déprimé. Mais bordel, depuis le temps qu'ils sont morts, vous n'allez pas me dire qu'il n'a pas réussi à avoir quelques instants de joie, de bonheur. Là, il passe son temps 24 sur 24 à avoir la tronche d'un émo qui s'apprête à se trancher les veines dans sa baignoire sur du Joy Division. C'est beaucoup trop monolithique. Un peu plus de nuances, d'émotions, que diable.
Ah oui, quatre invraisemblances qui me triturent le crâne. Après l'explosion du procureur, Batman est assommé et transporté de l'église au commissariat (A l'hosto, ça ne serait pas mieux s'il y a des séquelles physiques ? Super-héros ou non, quand on est très très près d'une explosion, on n'en sort pas intact et il n'est nullement utile d'avoir fait médecine pour le savoir !) ; personne n'a eu l'idée d'en profiter pour lui retirer son masque pendant le trajet, ne serait-ce pour qu'il puisse respirer mieux ou par simple curiosité ? L'assassin tente de tuer Bruce Wayne avec un courrier piégé (au passage, j'ai malgré tout apprécié l’inattendue alternance entre présent et flashback avec la sonnerie du téléphone, etc. !) alors qu'il veut que Batman assiste à la destruction finale de la ville. Cela passerait s'il n'avait pas su que Bruce Wayne et Batman ne sont qu'une seule et unique personne. Or, il est révélé que ce n'est pas le cas. Tout le monde s'en bat définitivement les couilles qu'il y a eu une méga-explosion sur l'autoroute avec sûrement un bon lot de morts. Et aucun flic ou membre de la justice n'observe notre homme masqué en train de discuter en prison avec l'assassin de notables peu respectables alors qu'il peut déballer des trucs importants ? Le justicier a vraiment du bol pour ce qui est de garder sa véritable identité secrète, dis donc.
Et les méchants, par la magie sacrée de la paresse scénaristique, sont gentils, car ils balancent souvent des infos cruciales sans que personne ne le leur demande le moins du monde. Merci, gentils méchants.
Ah oui, c'est raté aussi du point de vue de la mythologie. Le Pingouin aurait pu aussi bien s'appeler Tartempion Ouin-Ouin. S'il n'y avait pas eu au détour d'un dialogue un personnage qui dit "oh, mais c'est le Pingouin", il aurait été impossible de le deviner. Sans aller dans l'extravagance d'un Tim Burton, il aurait été réalisable de faire reconnaître à travers une allure, une manière de s'habiller, une démarche que c'est ce fichu oiseau de la banquise. Mais aucun effort n'est fait dans cette optique. Pourtant, c'est possible dans un cadre se voulant réaliste. En effet, dans le Joker de Todd Phillips, il ne faut pas cinq secondes pour être convaincu que Joaquin Phoenix incarne la future Némésis de l'homme chauve-souris.
Pareil pour Catwoman (dont les relations avec le jeune homme masqué sont loin d'être creusées autant qu'elles auraient pu l'être ; ce qui crée un manque de dynamique commune !), à part mettre quelques chats dans son appart et lui faire faire usage une pauvre fois de son fouet, rien ne laisse transparaître, au-delà de son costume, qu'elle soit le fantasme félin le plus puissant parmi la gent masculine. Aucune sensualité se dégageant de son attitude, aucune souplesse relevant de nos adorables amis miauleurs et casse-couilles à quatre pattes. Elle aurait pu être un personnage féminin badass ayant un autre nom et un autre costume sans que cela ne modifie grand-chose.
Ah oui, depuis que Star Wars a utilisé ce type de rebondissement avec brio, les scénaristes croient que le fait de sortir un lien familial de nulle part va forcément fonctionner à chaque fois. Non, ici, ce n'est pas du tout le cas. La révélation que le grand méchant soit le papa de Catwoman n'apporte non seulement rien à la consistance de l'intrigue. Au contraire, cet aspect est tellement bâclé que cela ne fait qu'apparaître en trop. En outre, elle avait autrement des motivations suffisamment fortes et profondes pour ne pas que le tout s'encombre avec ça. Elle infiltre la boîte de nuit pour mettre la main sur un sacré gros paquet de pognon. Voilà, ça suffit. Elle affronte les antagonistes par vengeance parce que sa meilleure amie s'est fait buter par eux. Voilà, ça suffit. Au passage, sa meilleure amie est totalement apeurée, inquiète pour sa vie et Catwoman la laisse toute seule sans protection ? Euh... OK...
Bien sûr, autre poncif récurrent des films du genre, une suite semble s'annoncer dans les dernières minutes. Ce qui est achevé d'être confirmé après les habituelles trente minutes de générique de fin par quelques secondes post-crédits.
Pour (enfin !) conclure, je n'ai pas passé une désagréable toile. Malgré les trois heures, je ne me suis pas ennuyé. Le but, c'est de divertir, c'est de faire en sorte que les gens se déplacent pour aller le voir, c'est d'encourager à ce qu'il y ait un second opus à travers la pulvérisation du box-office. Il faut juste savoir éviter que son cerveau réfléchisse trop aux invraisemblances. Et c'est recommandé de ne pas avoir vu Se7en. Si vous êtes bon public, indulgent, je vous envie. Vous aimez prendre du bon temps devant ces gros budgets et vous avez bien raison. Si c’est le contraire, je ne vous envie pas d'être un vieux con difficile comme moi.
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Créée
le 18 juil. 2022
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