Days Gone
6.8
Days Gone

Jeu de Bend Studio et Sony Interactive Entertainment (2019PlayStation 4)

Étrange parcours qu’a vécu ce Days Gone. Bashé par les joueurs avant sa sortie. Aujourd’hui défendu par ces mêmes joueurs qui trouvent le jeu “générique, mais pas si mal”. S’accordent à dire que le jeu répond finalement à ses promesses, qu’il est bien écrit, et que c’est un beau boulot pour une si petite équipe.


J’ai envie de dire : oui et non. Je m’explique.


D’abord, ma plus grosse déception, c’est la survie.


Souvenez-vous, Bend Studio nous présentaient des phases de gameplay dans lesquelles le héros se retrouvait surpris par des pilleurs de passage. On nous vendait de l’infiltration sous tension, dans lesquelles on tiendrait le rôle de proie. C’est ce que nous promettait les devs hein. C’est même ce qui nous est promis au dos de la jaquette. Mais la vérité est toute autre.


Days Gone est vraiment TROP facile.


Le truc c’est qu’on passe son temps à se faire attaquer sur les routes, mais l’insécurité prend vite des airs de simples emmerdements qu’on croise et recroise à chaque déplacement. On est snipé par des maraudeurs, attaqué par des loups, picoré par des piafs, poursuivi par des infectés, et on ne meurt jamais. Au pire, on tombe de sa moto, et on se trouve ralenti une minute. Comme si le jeu aboyait sans jamais mordre. Mais vous qui avez joué, posez-vous la question : Êtes-vous souvent morts ? Avez-vous craint ce monde ? Les fusillades ont-elles été éprouvantes ? Et les rencontres d’infectés des moments de frayeur ? Sérieusement, posez-vous la question.


Cette facilité est due à plusieurs choses :


D’abord, aux humains qui sont vraiment très cons. Une IA catastrophique qui transforme chaque nettoyage de camps en franche rigolade. Les humains rechargent à découvert, sortent de leur couverture pour faire on ne sait quoi, vous visent mais mettent trois plombes à tirer, ont besoin de s’approcher à 2 mètres de vous pour vous allumer, courent un peu dans tous les sens, etc. Une fois, une meuf a changé de couverture devant moi, est passée d’un arbre à un autre (alors qu’elle n’avait aucun intérêt à faire ça) et m’a offert son dos pendant 5 bonnes secondes. Je l’ai plombée comme une caille.


Ensuite, il y a les infectés qui ne vous feront jamais peur. Sauf exception quand vous en affrontez une quinzaine d’un coup (et encore...). Mais pris indépendamment, ils sont moins compliqués à battre que n’importe quel autre ennemi. Ils sont bruyants et font tout pour que les repériez de loin, vous tournent souvent le dos, sont longs à remarquer votre présence, et courent lentement (oui oui c’est possible). Et si vraiment vous vous faites chopés, il y a aura toujours un petit QTE pour vous tirer d’affaire. Si bien que des phases de jeu censées être stressantes, ne le sont absolument pas.


Puis d’autres petits trucs agaçants, comme Deacon qui vous avertit tout le temps des dangers que vous n’avez pas vus. Un ours à 200 mètres ? Pas de panique, Deacon va vous le dire. Un camps de maraudeurs ? Deacon l’a vu pour vous. Une beuglarde sur le point de rameuter des infectés ? Deacon y va de son petit commentaire.


Et donc le problème est là : que le jeu ne soit pas d’une difficulté monstre, OK. Je ne demande pas à tous les jeux d’être hardcore. En revanche, j’aurais aimé craindre les ennemis, quitte à en mettre moins. J’aurais aimé qu’une descente dans une ville abandonnée demande un peu de préparation. Que chaque entrée dans un bâtiment me serre un peu les tripes. Qu’en voyant arriver le crépuscule, je prenne peur. Or, dans Days Gone, chasser du zombie, c’est comme aller faire les courses. À aucun moment, je n’ai ressenti ce que ce genre d’univers est censé m’offrir.


Le seul truc qui va impressionner le joueur, ce sont les hordes.


Si les infectés sont faciles à berner (suffit de tourner en rond), les hordes, elles, vont un peu changer la donne. Car il faut souligner une qualité qui est celle-ci : les infectés ont un vrai rythme de vie. Ils dorment dans leur trou la journée et sortent en masse la nuit. Si la plupart du temps, ça ne pose aucun soucis, il suffit que vous soyez non loin d’un nid de horde, pour vous mettre en danger. Car c’est un tsunami d’infectés qui déferle sur vous. Impressionnant.


Et j’aurais aimé vivre ça plus souvent. J’aurais aimé trouver ce genre de danger auprès d’une quinzaine de zombies, et trouver du suicide auprès des hordes. J’aurais aimé ques les hordes soient un truc insurmontable, pour les joueurs vraiment prêts à relever le défi. Ce qui n’est pas le cas. Elles sont impressionnantes, mais à un certain stade du jeu, on a toutes les armes en main pour les affronter. J’ai d’ailleurs fini mon jeu en les enchaînant les unes à la suite des autres - le cocktail au napalm étant complètement cheaté.


Un point sur les trucs vraiment chiants


Chez Bend Studios, ils sont malins. Toutes les missions sont rangées en différents arcs narratifs, dont on peut suivre la progression. Ça donne l’impression d’un jeu riche en histoire. Bien évidemment, tous les testeurs sont tombés dans le panneau. Parce qu’à y regarder de plus près, on a bien une trame principale et des activités annexes à exécuter. Ou disons-le autrement: ce qu’on a c’est une quête principale répartie entre plusieurs personnages (comme dans un GTA quoi) et des activités fedex qui se parent de titres un peu ronflants, pour donner l’impression d’être autre chose que du fedex. Tout cela ayant sa petite barre de progression, et étant rangée de façon non hiérarchique.


C’est qu’une question d’interface à vrai dire. Car dans les faits, le jeu se répète vraiment beaucoup. Brûler des nids d’infectés, réalimenter des bâtiments du Nero, nettoyer des camps, chercher des objets. Days Gone ne fait vraiment aucun effort pour varier vos occupations. Vraiment aucun. Il y a finalement très peu de missions qui soient singulières (même dans la trame principale). C’est à dire des missions qui ne se finissent pas en fusillades ou qui ne consistent pas à aller chercher des trucs dans un endroit. Les missions qui racontent un peu autre chose, et qui donnent du défi sont assez rares.


Le rythme du jeu est sacrément merdique. Entre deux avancées d’histoire, vous aurez à vous coltiner un bon paquet de missions de sous-fifre. Toutes très semblables bien évidemment.


Maintenant, penchons-nous sur les features, et pourquoi je les trouve détestables.


Il y a plusieurs trucs qui me sortent par les yeux :


D’abord, les missions d’infiltration dans lesquelles on ne peut pas s’éloigner de 5 mètres sans être repris par le jeu. Obligé de rouler de buisson en buisson, avec impossibilité de dériver du chemin que le jeu a choisi pour nous, impossibilité de sortir son gun, de prendre la moindre initiative. On est dans un open world bordel !


Puis, il y a les missions flahsback, ou celles dans lesquelles on accompagne un personnage d’un point à un autre, sans que rien ne se passe. On ne peut même pas courir ! Pourquoi préférer des phases comme ça, à une bonne vieille cutscene ? J’aurais carrément préféré poser ma manette pour faire quelque chose d’utile à côté, plutôt que d’être obligé de jouer, sachant que jouer = pousser le joystick. Les devs veulent nous raconter une histoire, mais ne savent pas comment en faire un jeu. Alors, ils en font une sorte de walk simulator dirigiste.


Inversement, certaines missions consistent à aller voir un personnage, à regarder une cinématique, et c’est fini. Le pourcentage de progression augmente. “Bravo, vous avez regardé une cinématique” semble nous dire le jeu.


Et que dire du système d’enquête (appelé mode survie lol, c’est plus stylé) qui donne un sixième sens à Deacon pour suivre des traces en surbrillance (original non ?). Ou sur la chasse que j’ai essentiellement pratiquée en percutant des chevreuils avec ma moto, alors que le jeu avait justement pensé pour moi au sixième sens, qui s’avère totalement superflu.


Mais si vous me connaissez, vous connaissez probablement mon avis sur toutes ces mécaniques de jeu qu’on se bouffe depuis 10 ans sans jamais qu’elles soient logiquement implantées dans les jeux. Elles sont juste là, parce que les développeurs n’ont pas d’idées. Mais au pire que le jeu soit générique, on s’en fout non ? Est-ce vraiment ça le problème ? On peut être générique et amusant. Le problème c’est que la plupart du temps, Days Gone est chiant. On a là un open world si répétitif, si facile, et si peu enclin à varier ses défis, qu’il en devient ennuyeux. Ennuyeux mais long également. Long au point d’étirer l’aventure avec une deuxième map et exactement les mêmes activités à y faire, alors que vous n’en pouviez déjà plus et que vous croyiez toucher à la fin. Mais j’ai eu le courage (ou la bêtise) d’aller jusqu’au bout.


Pour autant, je ne le déteste pas.


Ya pas de volonté de couillonner les joueurs. On n’est pas chez Ubi quoi. Trois choses m’ont fait tenir. L’histoire dont je voulais connaître la fin. Les personnages que j’ai trouvés très attachants. Parfois un peu beaufs certes, pas super bien écrits, mais qui avaient malgré tout un fort capital sympathie. Et puis les hordes. Chasser des hordes, ça a été fun je dois l’avouer.


Days Gone n’est donc absolument pas un jeu de survie éprouvant. Non, les développeurs n’ont pas tellement tenu leur promesse en vérité. Si vous trouvez que ça c’est dur, c’est que vous êtes sacrément nuls.


Mais ça reste un jeu pour s’occuper, un jeu sans idée, sans talent, un jeu standard. Un collage de mécaniques croisées partout ailleurs. Bref, une approche du jeu vidéo dont il faut absolument qu’on sorte. Toutefois je comprends qu’on y trouve son amusement. En revanche, qu’on crie au génie, ça non je comprends pas. Qu’on dise “bravo à une petite équipe d’avoir pondu un tel jeu”, là encore ça me dépasse. Bravo quoi ? Bravo d’avoir réussi à pondre le jeu le plus random possible ? J’veux dire, merde quoi, on est heureux parce que des petits studios arrivent à faire comme les gros : 0 idées, mais beaucoup de technique. On encourage ça ?

-Alive-
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le 12 juin 2019

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