♪ The Last Of Us ♫


Dès qu'on lance The Last Of Us, il est époustouflant. D'abord, par la qualité de ses graphismes, sans doute les meilleurs de sa génération.


Et puis, on s'active à la manette. Mais on ne joue pas à ce jeu. On le vit. On vit son introduction, plus efficace, immersive et envoûtante que la grande majorité des fictions pots-apocalyptiques ayant jamais vu le jour.
C'est en partie dû à une prise en main hyper-instinctive et épurée d'instructions autant que faire se peut. De plus, on est tout de suite dans le bain, contrairement à tant de jeux barbants aux cinématiques interminables et autres phases tutoriel désaxées.


Une fois passé le choc de l'intro, on réalise peu à peu à quel point le concept de base est génial ; utiliser un parasite existant vraiment pour le transposer sur l'être humain, mettant en scène des simili-zombies, certes, mais beaucoup plus probants. Imaginer ces campements militaires devenus des zones, et nous y plonger, évoquant pour ma part l'un de mes films préférés : « Children of Men ». En effet le début de l'aventure y ressemble.


J'ai vraiment ressenti ce délicieux sentiment de perfection qu'on peut avoir devant une œuvre d'art. J'étais dedans, à fond. Et ça a duré un bon quart du jeu. Puis, je me suis forcé à prendre du recul, pour éviter la crise cardiaque et accessoirement arriver à avancer : le jeu m'avait tellement emporté émotionnellement que j'avais l'impression d'être le personnage. Il m'a donc fallu revenir à la réalité. J'étais un joueur devant un écran, dans une pièce aux volets fermés, rien de plus. Le jeu avait ses codes à suivre pour progresser, et il n'était pas si éprouvant si je me rendais compte que c'était bien une fiction, et que je n'étais donc pas concrètement en train d'essayer de sauver le dernier espoir de l'humanité.


Si sous beaucoup d'aspects The Last Of Us demeure, encore aujourd'hui, un extraordinaire chef-d’œuvre à mes yeux, ce même recul qui m'a permis de le terminer m'a malheureusement dévoilé ses inhérents défauts.


Les scénario est brillant de bout en bout, l'écriture des dialogues aussi. La musique est appropriée et aussi viscérale que le voyage d'un an qu'elle accompagne. Ce parcours en quatre saisons où, à chaque fois qu'il pense avoir pris de l'appoint, le joueur est remis encore plus en difficulté, pour lui rappeler que ce monde est horrible. En difficulté émotionnelle, j'entends bien. Car le gameplay lui-même n'a rien de difficile. Pire, il est répétitif comme peuvent l'être beaucoup d'autres jeux (et c'est souvent ce qui me rebute dans ce média en général).
Je ne remet pas en question sa durée de vie (les éllipses sont bien gérées et on ressent bien l'année passer) mais ce qu'on doit y faire.


Au départ, Joel est crédible. Un peu trop fort, mais crédible. La manière dont il réussit à faire sortir Ellie du camp armé en mode infiltration nocturne, n'usant de violence qu'en dernier recours, est fine et étale d'emblée son expérience d'homme de terrain, qui sait tirer profit d'une situation périlleuse avec le sang-froid et la vivacité nécessaires.


Là où ça se gâte, c'est quand Joel devient un super-héros. Sérieusement, à lui seul ce mec à plus de ressources que Sam Fischer, et ce sans l'équipement. Le jeu à l'intelligence de ne pas préciser ce qu'il faisait avant, on peut donc supposer qu'il avait des prédispositions. Mais ça ne justifie pas ces longs moments où, au lieu de contourner les ennemis, ou de n'en tuer qu'un ou deux histoire de pouvoir passer, on en soit réduits à devoir faire un massacre. Je comprends qu'il faille donner de la matière au gamer, mais ce parti pris, en plus de nuire fortement au réalisme de l'ensemble, n'ajoute pas de plaisir au jeu. Au contraire, j'aurais aimé qu'il suive dans la lignée de l'évasion du camp : se faufiler à travers le danger, pas se transformer en infiltré-tueur d'élite...
(paradoxalement, la difficulté reste bien pensée : si on se concentre, on pourrait presque tout faire du début à la fin sans mourir, ce qui peut renforcer l'impression d'y être).


Et puis, ces passages où l'on doit traverser tout un foutu immeuble pour contourner des obstacles ridicules. Le pire exemple étant cette barricade de fil barbelés, qui arrive à peine à la taille de Joel. Sérieusement, gars. C'est super facile à passer, pourquoi tu m'obliges à te faire monter six étages ou à chercher un screugneugnueu de générateur électrique ???


Et enfin, ces petits ressors lassants. Le générateur revient trop souvent, mais le plus aliénant c'est ces damnées PALETTES POUR FAIRE TRAVERSER L'EAU À ELLIE.
Un ou deux fois, admettons. Mais non, à chaque point d'eau, il faut que ce soit une foutue palette. Ou comment les auteurs, voulant rendre les personnages débrouillards, les fait malencontreusement passer pour des grosses quiches.


Il y a aussi ces Boss, les contaminés en phase finale. Ils sont ridicules. Trop gros, trop pourris pour tenir debout. Ça fait vraiment le truc ajouté pour donner plus de challenge. Je radote, mais ils ne collent pas au ton réaliste qu'on retrouve ailleurs.


Et puis bon sang, le gars arrête pas de fabriquer des surins et des explosifs avec toujours les mêmes ingrédients, mais ne trouve jamais un couteau de cuisine ou une fichue grenade. Je ne parlerais même pas du fait qu'on n'arrive pas à trancher deux corps avec une machette ou autre hache sans les casser.


Ce sont ces éléments qui ont perturbé la formidable immersion que j'aie pu vivre. Dans d'autres jeux, ces mêmes choses pourraient être amusantes. Ici, elles ne font qu'éroder la sensation de réel que tout le reste instaure, et c'est fort dommage. Une bonne partie du jeu parvient pourtant à nous faire vivre l'aventure au fur et à mesure, allant de surprises en surprises, et c'est ce qui fait son indéniable force. On vit tout cela comme si l'on était le héros d'un film ne faisant pas de cadeau, film dont nous serions le seul spectateur, face à nous-même.


Outre tous ces « ratés » dans le gameplay, c'est resté une expérience vidéo-ludique hors du commun pour moi comme pour beaucoup d'autres.


La toute fin est bouleversante, inattendue, implacable. Une de mes plus grosses claques, tous médias confondus. J'ajouterais que rarement la ficelle scénaristique de l'histoire en boucle n'aura été aussi brillamment utilisée (la dernière scène d'action nous ramenant à l'enjeu de la première, pour illustrer l'évolution de la relation entre Joel et Ellie).


On pourrait me dire que tous les défauts que je relève n'en sont pas. Me dire que c'est le principe d'un jeu vidéo post-apo de crafter et buter survivants et infectés. Et c'est vrai. Pour un jeu-vidéo lambda. Seulement, voilà : The Last Of Us transcende le simple jeu vidéo. Il est au delà de ça, comme peut l'être toute œuvre d'exception, qu'importe le type d'art ; il vole au dessus de ses congénères. Il est donc dommage que son énorme potentiel ne soit que partiellement abouti, freiné par les poncifs qu'il s'impose.


Devant The Last Of Us, je suis passé du stress intense à la contemplation la plus poétique. J'ai senti mon cœur s'accélérer, ma vie en danger sans quitter mon fauteuil.
Je me suis attaché à deux personnages de fiction d'une manière si profonde... que je l'ignorais jusque là possible. Puis j'ai subi, désarmé, la conclusion de leur périple.


Soufflé, j'ai regardé le générique défiler, paraissant si irréel après le choc.


J'espère que Naughty Dog saura un jour renouveler l'exploit. Parce que faire du post-apo, c'est facile. Mais réaliser une œuvre d'art aussi touchante, immersive et cruement violente que celle-ci, c'est très talentueux.


La version en ligne n'a pas le moindre intérêt. Je lui aurais préféré un mode coop à l'ancienne, en écran partagé. Attention, pas le même que l'histoire solo, qui doit se vivre seule pour être pleinement savourée. Mais pouvoir jouer à deux dans cet univers, au sein d'une autre aventure, portée par d'autres personnages... Eut été savoureux. On peut toujours rêver ! héhé.


L'extension Left Behind, sur Ellie, quand à elle, est assez grossière et inutile. À mon sens, elle ne fait que raconter ce qu'on se contentait volontiers d'imaginer, au même titre que le passé de tous les personnages. Son seul intérêt : proposer des scènes d'action où se mêlent infestés et survivants : une énorme lacune de l'histoire principale.


Pour finir ce texte déjà long -à défaut d'être complet- j'aimerais dire qu'au fond, je déplore le côté analytique de ma propre critique. Il ne sert à rien d’intellectualiser ce jeu. D'ailleurs, pour le joueur qui ne connaîtra pas cette émotion, cette claque continue en y jouant, The Last Of Us sera à mon avis... Un mauvais jeu. Eh oui : c'est bien pour la qualité de son écriture, la beauté de sa photographie et sa musique, son empreinte cinématographique que je l'aime. Car si on lui enlève ça, et que l'on s'abaisse uniquement au gameplay... c'est très pauvre.


Il n'empêche que c'est fondamentalement mieux que presque tous les films du genre jamais produits. Il est de ces jeux dont réalisateurs et autres scénaristes d'hollywood seraient malins de s'inspirer.


Plus qu'un jeu. Un monument.

Veather
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le 2 déc. 2015

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