Ce fut la première fois que je lus un ouvrage du célèbre historien Max Gallo. J'ai tout d'abord été surpris par sa plume très particulière, ses phrases sont courtes, énergiques, parfois sans verbe ou se limitant à un mot. Très surprenant pour un illustre membre de l'Académie française. Il m'a fallu un petit temps d'adaptation car le tout n'est pas toujours très clair. Sans compter, hélas, les nombreuses fautes d'orthographe liées très certainement à l'impression. Revenons-en à notre sujet. Et quel sujet ! Maximilien de Robespierre. L'incorruptible (je me mets à faire du Max Gallo là). En réalité, je souhaitais me plonger dans la très complexe Révolution française mais sans pour autant lire un bouquin sur cette thématique. Il m'a paru intéressant d'aborder le sujet de manière transversale par le biais d'une psycho-biographie de Robespierre qui débute par sa naissance en 1758 jusqu'à sa mort le 28 juillet 1794. Un homme illustre dont on connait tous le nom (notamment grâce à l'école Républicaine) mais dont on ne sait malheureusement pas grand chose, si comme moi, vous n'êtes pas un adepte de cette période fascinante. J'avais beaucoup d'à priori sur cet homme et l'éclairage porté par Gallo m'a permis de remettre quelques pendules à l'heure. Par exemple, j'ai toujours pensé qu'il était le seul responsable de la mort de milliers de gens et du "premier" des citoyens en la personne de Louis XVI. Évidemment la réalité est plus complexe, et Max Gallo nous dépeint un homme bouleversant, seul, un acharné du travail qui ne doit sa réussite qu'à lui même. Lui, modeste bourgeois de la petite ville d'Arras, qui a hérité d'une charge d'avocat issue de son père. Il ne faut pas oublier que Robespierre a sacrifié sa vie pour la Révolution, qu'il a travaillé comme un forçat pendant presque cinq ans au détriment de sa santé physiologique et psychique. Sujet à de nombreuses dépressions, Robespierre ne se "reposait" qu'à ces moments-là.
Très beau portrait brossé par notre historien. Il est important, à la lecture de cette biographie, de ne pas oublier le contexte où il a été écrit (en 1968) et par qui, Max Gallo, un homme orienté à la Gauche de la Gauche sur l'échiquier politique... De fait, l'éloge est parfois (pas systématiquement, je précise) un peu pompeuse. Mais dans l'ensemble, le livre reste rigoureusement impartial et très précis en ce qui concerne l'emploi du temps de Robespierre de 1789 à 1794. L'historien ne manque pas de nous dépeindre le portrait moins glorieux d'un homme, encore aujourd'hui porté au pinacle de notre imaginaire républicain car Robespierre est aussi un homme ambitieux, qui n'a de cesse de parler de lui-même, qui ne pardonne rien, qui idéalise un peuple qu'il n'a ni connu ni jamais fréquenté et qui n'hésitera pas à mettre à mort des gens de son entourage, mettant toujours ainsi, les intérêts de la nation avant les siens. Robespierre vit dans un autre monde, son monde. Fait de vertus et de sacrifices, et où l'opposition à son dessein est intolérable car c'est aller à l'encontre de la Révolution. Robespierre incarne, selon lui, cette Révolution qu'il soutient depuis ses premiers balbutiements en 1789. Les hommes trop souvent corrompus n'ont pas de place pour Robespierre qui, paradoxalement, croit fermement en Dieu et à la Providence divine.
Le travail fourni par Gallo est impressionnant de détails historiques et de notions psychologiques expliquant de manière convaincante, les agissements du révolutionnaire originaire d'Arras. Même si, globalement, je n'aime pas l'écriture de Gallo, quelques passages sont d'une très grande beauté et clarté. Je pense notamment à la section intitulée "Le pays de Damiens et de l'Encyclopédie" dans laquelle l'historien nous explique pourquoi la monarchie succombe aux tendances révolutionnaires de plus en plus forte en cette fin de XVIIIe siècle (p. 26-27 de l'édition Perrin, collection Tempus). C'est magnifique. Je terminerai ce court avis sur un extrait qui résume un peu tous les traits du caractère de Maximilien de Robespierre abordé par Gallo dans cet ouvrage : " De nouveau les mots éclatent, révélateurs de l'imagerie inconsciente de Maximilien, de la mission qu'il s'assigne toujours : accuser, dénoncer, confondre. Il est la Voix, le Bras qui désigne les traîtres, les coupables et qui, tel le Prophète invoquant le Dieu terrible, venge la patrie offensée, se venge. Robespierre est le doigt de Dieu, procureur inflexible, incorruptible, persuadé de la sainteté de sa mission et de sa légitimité" (p. 327). Cette biographie m'a rendu le personnage plus sympathique, presque attachant, notamment parce qu'il n'a jamais souhaité la mort de la famille royale. Il l'a déclaré à la Convention de nécessité nationale dans un contexte où, ne pas tuer le roi, symbole de la monarchie, aurait été fatal pour la Révolution.
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le 3 mars 2015

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