A force de fréquenter Haneke et de lire des faits divers horrifiques se passant en Autriche, on s'est fait une représentation assez effrayante de la psyché de ce pays... et ce n'est pas "la douceur de la vie" de Paulus Hochgatterer qui va nous faire changer d'avis, tant le pédopsychiatre accumule en quelques centaines de pages une multitude de cas de névroses, psychoses et deviances diverses qui finissent par déprimer le lecteur le plus optimiste, surtout lorsque les victimes - ou même les coupables des exactions largement horribles contées ici - sont des enfants. La lecture de ce livre, plus ou moins faussement vendu comme un polar, s'avère donc éprouvante, et ce d'autant que Hochgatterer met à l'épreuve notre intelligence en passant d'un narrateur à un autre sans nous faciliter d'aucune manière la compréhension du récit qu'il construit, récit qui ressemble finalement plus à un puzzle de psychés malades qu'à un thriller ou même à la chronique d'une petite ville autrichienne qui a depuis longtemps (la seconde guerre mondiale, on le comprend à la fin) sombré dans la déraison. On doit admettre que Hochgatterer a un style magnifique, qui lui a d'ailleurs valu maintes récompenses, mais on regrettera le choix assez radical qu'il fait à la fin du livre d'abandonner sans un mot, sans un regard en arrière, les beaux personnages - comme le pédopsychiatre (justement) tourmenté et le flic désabusé qui tentent tous deux de saisir un peu de la vérité de leurs concitoyens. On avait appris à les aimer malgré les obstacles mis sur notre chemin par l'auteur, et on ne peut que se sentir frustrés de ce qu'ils n'aient droit à aucune "closure" qui aurait pu justifier - sans parler de guérir, bien évidemment - leur souffrance. Un léger bémol seulement à un livre rugueux, malaisant, mais d'une intelligence et d'une originalité confondantes.
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