Concrete Utopia
6.9
Concrete Utopia

Film de Uhm Tae-Hwa (2023)

L'homme a quitté l'Eden depuis de bien trop nombreuses années pour que la représentation d'une vie de bonheur dans une société apaisée appartienne encore à l'imaginaire collectif. Presque par nature, par essence il est devenu un être désabusé incapable d'envisager un état idéal sans l'associer à la chute inéluctable du modèle.

Platon n'est plus et l'utopie est devenue chimère, expression d'un absolu irréalisable. Le cinéma, n'en parlons pas, art des plus désabusé qui continuellement nous ramène à la dystopie n'est plus que l'expression (visionnaire ?) de cette impossibilité... sauf peut-être à l'est là où le soleil se lève encore, où Hong Sang-soo nous transporte dans des songes voluptueux, où l'on vit d'amour et de sojou. Cet est où Uhm Tae-Hwa qui en 2016 livrait un conte utopique au travers de son "Vanishing Time" nous promet ici , la construction d'une société nouvelle égalitaire après un séisme qui a dévasté Séoul à l'exception d'un immeuble, refuge désormais de ses habitants.

La première étape pour les survivants dans l'optique de construction de cet "ilot apaisé" est de chasser les intrus, qui dans monde devenu polaire, viennent quémander une chance de survie et la chaleur d'un foyer, même ce petit garçon et sa maman hébergés par Min Sung et Myung Hwa, un jeune couple idéaliste. Très rapidement, Uhm Tae-hwa étonne par sa capacité à mêler les thématiques, les références tout en conservant une certaine fluidité et une cohérence dans le récit, abordant avec une égale maîtrise la réflexion politique, la construction d'une société nouvelle voulue égalitaire, mais également l'obligation de structuration qui impose de désigner un chef figure respectée, mais par nécessité autoritaire ; ou bien encore la lutte pour la survie et la confrontation féroce avec les déshérités d'un mode extérieur en perdition. Bien sûr, l'utopie du titre est d'une ironie grinçante, hantée par les relents nauséabonds du totalitarisme (comment ne pas songer au Stalinisme) et de la dystopie. La communauté, égalitaire initialement voulue par tous qui concentre finalement le pouvoir dans les mains d'un guide absolu, sous le regard de Min Sung, le jeune époux au coeur de l'organisation en tant que chef de police bienveillant et de Myung Hwa, moins convaincue, tous deux véritables témoins des événements.

Le film, parfois un peu trop explicatif peine dans un premier temps à démarrer , à captiver totalement, puis installe une belle dramaturgie,

la "dépersonnalisation" des autres et parfois même de ceux qui ne suivent les règles à l'intérieur de la structure prend une tournure, violente, cruelle, l'instinct animal se réveille bien vite lorsque les nécessités de la survie l'impose.

La reconstitution de ce monde chaotique est tout à fait réussie également sur un plan purement formel, et en guise d'espoir ténu certes, le cinéaste nous offre une belle lueur d'humanité

lorsque Myung est recueillie avec une immense bienveillance par ce peuple du monde extérieur

Yoshii
7
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le 30 avr. 2024

Modifiée

le 30 avr. 2024

Critique lue 54 fois

5 j'aime

Yoshii

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