Comme des millions de français, Jean-François Dortier pratique la course à pied. Un jour pendant son footing, un SDF l’apostrophe en lui lançant “Après quoi tu cours ?”, cette question en apparence anodine poussera Jean-François Dortier à se questionner sur ses propres motivations à courir, celles des autres et par extension à s’interroger sur la nature humaine. Il convient de préciser que Jean-François Dortier est aussi sociologue et directeur du magazine Sciences Humaines et que ses connaissances dans ces différentes disciplines lui permettent de dresser un état des lieux intéressant des différentes raisons qui poussent l’être humain à courir.

La course à pied est une activité extrêmement simple à pratiquer mais des questions comme “Après quoi tu cours ?” ou son pendant “Pourquoi tu cours ?” exigent des réponses bien plus complexes.

Pour mener à bien son enquête, l’auteur explore de nombreuses pistes et théories, ouvre des portes et en referme parfois aussitôt. Il y a des théories attirantes comme celle du chasseur-cueilleur mais ce ne sont pas forcément les plus convaincantes. Il y a celles plus convenues qui concernent la liberté, l’évasion, le plaisir mais l’auteur reste sceptique : est-il vraiment nécessaire de souffrir autant pour éprouver cette sensation de liberté et in fine de plaisir ?

Jean-François Dortier explore aussi l’histoire de la course à pied, il la raconte de manière synthétique mais assez complète, de ses origines légendaires au “running boom” actuel en passant par le phénomène des pedestrians.

Deux chapitres sont ainsi consacrés au “running boom”. Le premier est consacré aux années 70 et à ces pionniers qui de chaque côté de l’Océan Atlantique insufflèrent un nouvel élan à la course à pied à travers des courses comme le Marathon de New-York, le Semi-Marathon Marjevols-Mende ou encore la revue Spiridon. Cette période est très bien racontée dans le documentaire de Pierre Morath Free to Run que je vous conseille vivement de visionner. Le deuxième “running boom” a pris sa source dans les années 90 et il est toujours en cours avec un nombre de pratiquants en hausse, des courses de plus en plus nombreuses et dans ce sillage une myriade de magazines, blogs et sites spécialisés. Bien sûr cette popularité croissante a un revers de la médaille puisque de nombreuses marques se sont jetées sur ce gros gâteau à partager en foulant les idéaux portés par le mouvement initial des années 70.

Si ces nombreuses pages consacrées à l’histoire de la course et à l’émergence du phénomène running peuvent sembler nous éloigner de l’objectif initial du livre, elles permettent de remettre dans le contexte et de mieux cerner les aspirations des coureurs même si celles-ci sont multiples et peuvent prendre plusieurs formes. Car derrière la fameuse quête de l’extase du coureur, le Running High, se cache des motivations bien plus terre à terre comme le regard des autres, le besoin de plaire et de contrôler son apparence.

Un essai bien écrit, clair et synthétique, qui dresse un panorama complet des aspirations à pratiquer la course à pied mais qui peut laisser sur sa faim tant de nombreuses questions restent sans réponses.

Pour les prolongations, direction Le café sport

Activité sur Après quoi tu cours ?