SensCritique

Activité sur Quelqu'un d'autre

Maëla Chanteloube

a attribué 8/10 au livre

Quelqu'un d'autre

2003 • livre de Tonino Benacquista

Résumé : Qui n'a jamais fait le rêve d'être quelqu'un d'autre ? D'imaginer sa conscience prendre place derrière les rétines d'un autre, plus beau, plus fort, plus malin. Qui n'a jamais conçu l'expérience, simplement par jeu, en utilisant le si facile vecteur de l'évocation secrète, de se vêtir de la peau d'un autre comme l'on revêt une veste qui n'est pas la sienne. Comme on lui connaît maintenant l'habitude et le talent, Tonino Benacquista recueille dans sa main cette petite idée du quotidien et la pousse aussi loin qu'il le peut. C'est-à-dire très loin. Deux individus insatisfaits de leur existence, Thierry Blin et Nicolas Gredzinski se rencontrent sur un court de tennis pour échanger quelques balles. Ce qui, à priori, n'était qu'un petit exercice sur terre battue devient bientôt une bataille acharnée de deux lions en cage bien décidés à l'emporter. On ne cessera de compter tout au long du livre les petits cyclones que libèrera cette partie effrénée. La bataille ayant rapproché les deux hommes, après plusieurs heures d'une activité alcoolique forcenée, voilà qu'ils signent un pacte aux relents de souffre : trois ans pour devenir quelqu'un d'autre, le gagnant pourra exiger ce qu'il veut de l'autre. On apprendra que pour atteindre ce but, mille choses sont possibles, des radicales aux plus pernicieuses. On apprendra de la plume d'un Tonino Benacquista en très grande forme qu'il peut nous mener assez loin quand il dispose sur les vies de personnages effacés, blessures à vif, le sel d'une révolution totale : biffer les êtres et les choses qui trahissent notre histoire, jeter loin de soi un passé devenu trop lourd comme l'on jette une pierre dans un courant violent. Refermer le livre de nous-même pour en ouvrir un autre, encore vierge et à écrire. Et si le roman de Tonino Benacquista est passionnant, le changement d'identité ne nous tente plus du tout : devenir un autre qui n'aurait jamais l'idée d'ouvrir Quelqu'un d'autre, quel dommage !