Depuis No Deal en 2013, chaque album de Melanie de Biasio est devenu un petit événement immanquable, celui d'une artiste qui a fait le pari de se renouveler et nous surprendre à chaque fois. Et "Lilies" n'y échappe heureusement pas. On peut déjà mettre l'album dans les meilleurs crû de cette année 2017 extrêmement riche culturellement (il y est déjà pour beaucoup de gens je pense).

No Deal cultivait une forme de jazz savante confinant vers l'abstraction et l'ambiant. Blackened Cities évoluait plus vers une longue suite rythmée où tout en gardant son penchant abstrait/ambiant, De Biasio incluait également un sacré groove au sein d'un fil rouge mélodique continuant toujours de l'avant (c'est bien simple, la piste du ep fait 24mn mais on pourrait très bien étirer ça sur près d'une heure. Pour une version live ?).

Lilies est encore autre chose puisque chaque chanson indique une nouvelle direction, c'est dire la richesse des compositions et si on perd un peu de l'homogénéïté qui faisait tout le sel de No Deal tout le long, on y gagne dans la manière de prendre ses petites vignettes à part ou séparées d'une partie de l'album ou de son entier. De Biasio y fait même des clins d'oeils à son style et ses travaux passés. C'est Gold Junkies (choisie comme excellent single passant sur FIP par exemple) qui renvoie en fait à... Blackened cities : une portion de la piste de 24mn est ramenée à 3mn en accélérant la rythmique et faisant ressortir d'autres éléments que ceux d'origine. Les paroles restent les mêmes. C'est la sublime Lilies qui donne son titre à l'album et aurait très bien pu ressortir d'une session inédite de No Deal.

Du reste, la chanteuse et flûtiste nous étonne agréablement en fusionnant ses idées du jazz au trip-hop voire à la musique indie. Ne serait-ce la pulsation de basse qui joue sur un rythme de jazz avec de petites percussions en fond, Let me love you aurait très bien pu être sur un album de Massive Attack ou Alpha. Afro Blue indique une piste vers l'electro-jazz tandis que Sitting in the stairwell est un gospel a cappella (probablement la seule composition que je trouve assez faible perso. Il manque quelque chose qui aurait pu compléter ce vide et cette froideur un peu comme Joni Mitchell qui embarque un synthé Carpenterien pour quelques notes sur le "gospel" de Shadows and light --la chanson, pas l'album live). Le début de All my words évoque sans mal l'univers glacé des premiers Sigur Ros (c'est d'autant plus étonnant pour moi qui les ai vu justement en concert dernièrement le 29 septembre --pardon, c'était l'épisode je raconte ma vie).

Le disque se termine sur les 6mn de ténèbres en puissance de And my heart goes on où De Biasio s'aventure sur des terrains inédits entre trip-hop et musique concrète (cet instrument à vent qui revient, sinuant entre la voix et les battements --de coeur ?--) dans une montée en progression parfaite qui achève d'emporter l'auditeur/trice. Mais au fond, n'étions-nous pas déjà conquis dès le début ?

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